Un ange a été envoyé par Dieu. Là où c’est un ange qui est le médiateur, l’homme doit cesser de se faire une opinion par lui-même. Là où l’envoyé vient du ciel, toute interprétation purement humaine doit être rejetée. La curiosité humaine entre en torpeur là où l’ambassadeur est céleste. L’ange a été envoyé par Dieu. Celui qui porte toute son attention sur le fait qu’il a été envoyé par Dieu s’interdit de scruter en profondeur le secret [perscrutari secretum]. Ce que Dieu communique, par l’intermédiaire de son ange, seul mérite de le savoir celui qui craint de le savoir. Ecoute le Seigneur qui dit : « Sur qui poserai-je mes yeux si ce n’est sur l’humble, le doux, et sur celui qui tremble en entendant ma parole ? » (Isaïe 66,2) L’humble et le doux. Autant il est docile celui qui obéit aux ordres, autant il est indocile celui qui les conteste.
L’ange est envoyé à une vierge. Parce que la virginité est toujours connue des anges. Vivre dans la chair en marge de la chair, ce n’est pas une vie terrestre, mais céleste. Et si vous voulez le savoir, acquérir la gloire angélique est une plus grande chose que la posséder. L’ange n’a que le bonheur de l’être, mais la virginité, c’est la vertu qui la fait [esse angelum felicitatis est, virginem esse virtutis]. La virginité obtient par l’ascèse ce que l’ange possède par nature. L’Ange et la Vierge remplissent donc une fonction divine, non humaine. Après être entré, l’ange lui dit : Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi, tu es bénie entre toutes les femmes.
Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. Vous voyez les présents qui sont donnés en gage à la vierge ? Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. Salut, ce qui veut dire : reçois ! Quoi ? Les vertus en don, mais non la pudeur. Salut, pleine de grâce ! Voici la grâce qui a donné la gloire aux cieux, Dieu à la terre, la foi aux Gentils, un terme aux vices, une règle de vie, une discipline morale. Cette grâce que l’ange a apportée, la Vierge l’a reçue pour rendre le salut aux siècles. Salut, pleine de grâce. Parce qu’à chacun la grâce est donnée par bribes, mais à Marie, c’est toute la plénitude de la grâce qui s’est donnée à elle en entier. Tous, dit l’évangéliste, nous avons reçu de sa plénitude (Jean 1,16). David a dit lui aussi dans le même sens : « Elle descendit comme de la pluie sur une toison » (psaume 71,6). La laine, bien qu’elle appartienne au corps, ne connaît pas les passions du corps. Ainsi en va-t-il de la virginité. Bien qu’elle soit dans la chair, elle ignore les vices de la chair. La pluie céleste se répand donc dans la toison virginale en y pénétrant goutte par goutte. « Et comme des gouttes qui s’infiltrent dans la terre. » Pour que les temps qui sont dévolus à la foi irriguent les semences avec des gouttes vivifiantes, au lieu de les tuer.
Salut, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi. L’ange est envoyé par Dieu, et que dit-il ? Le Seigneur est avec toi. Dieu était donc déjà avec la Vierge quand l’ange lui a été envoyé. Dieu a précédé son messager, sans s’éloigner de Sa divinité. Il ne peut pas être contenu par les lieux, Celui qui est présent dans tous les lieux. Et Il est tout entier partout, Celui sans Lequel rien n’est tout.
Tu es bénie entre toutes les femmes. Elle est vraiment bénie la vierge qui a rempli jusqu’au bout la dignité de la maternité, sans perdre la gloire de la virginité. Oui, elle est vraiment bénie celle qui a mérité la grâce d’une conception céleste, tout en maintenant la couronne de l’intégrité. Elle est vraiment bénie celle qui a reçu la gloire d’un divin fœtus, sans cesser d’être la reine de la chasteté dans toute sa plénitude. Vraiment bénie celle qui a été plus grande que le ciel, plus forte que la terre, plus élevée que tout ce qu’il y a dans la création. Car elle a été la seule à contenir Celui que le monde ne peut pas contenir. Elle a porté Celui qui porte l’univers. Elle a engendré son Géniteur. Elle a nourri Celui qui nourrit tous les vivants.
Sermon 143