Traduction d’un texte de Mgr Robert Barron, évêque auxiliaire de Los Angeles (déjà cité ici), sur le film Risen (déjà évoqué ici). (Mgr Barron est le premier prêtre depuis Mgr Fulton Sheen à avoir une émission régulière de télévision sur une chaîne d'audience nationale.)
Quand j’ai vu la bande annonce du film Ressuscité – qui traite d’un tribun romain cherchant le corps de Jésus après les annonces de sa résurrection – j’ai pensé que cela allait tenir le public en haleine, l’intriguer, mais le laisser dans l’incertitude quant à savoir si ces annonces étaient justifiées ou non. J’ai été surpris et ravi de découvrir que le film est, en fait, solidement chrétien et substantiellement fidèle au récit biblique de ce qui s’est produit après la mort de Jésus.
Ma scène préférée montre le tribun Clavius (joué par le toujours convaincant Joseph Fiennes) faisant irruption dans la chambre haute, résolu à arrêter les disciples les plus intimes de Jésus. Alors qu’il arrête les gens dans la pièce, il aperçoit Jésus, dont il avait présidé la crucifixion et dont il avait examiné de près le visage dans la mort. Mais est-ce qu’il voyait encore normalement ? Est-ce que c’était seulement possible ? Il s’affaisse sur le sol, fasciné, incrédule, étonné, angoissé. Comme je regardais la scène qui se déroulait, la caméra balayant les différents visages, j’étais aussi perplexe que Clavius : est-ce que c’était réellement Jésus ? Cela s’est sûrement passé ainsi pour les premiers témoins du Ressuscité, leur confusion et leur désorientation est esquissée dans l’Ecriture elle-même : « Ils l’adorèrent, mais certains eurent des doutes. » Quand Thomas entre dans la pièce, embrasse son Seigneur et vérifie les blessures de Jésus, tout doute, à la fois pour Clavius et pour le spectateur, est, comme il se doit, levé.
J’ai particulièrement apprécié cette scène, non seulement en raison de son habile composition, mais parce qu’elle m’a rappelé les débats qui étaient à la mode dans les cercles de théologiens quand je faisais mes études, dans les années 70-80. Les spécialistes qui étaient sceptiques quant à la réalité corporelle de la résurrection de Jésus posaient la question : « Qu’aurait vu quelqu’un n’appartenant pas au cercle des disciples de Jésus s’il avait été présent devant la tombe au matin de Pâques ou dans la chambre haute au soir de Pâques ? » La réponse implicite à la question était : « Eh bien, rien. » Les universitaires qui posaient la question laissaient entendre que ce que la Bible appelle résurrection ne désigne pas quelque chose qui aurait eu lieu dans le monde réel, qu’un observateur objectif aurait remarqué ou qu’un historien impartial aurait rapporté, mais plutôt un événement intérieur à la subjectivité de ceux qui se souvenaient du Seigneur et l’aimaient.
Par exemple, le théologien belge très influent et très lu Edward Schillebeeckx estimait que, après la mort de Jésus, ses disciples, sous le choc de la culpabilité à cause de leur lâcheté et leur trahison, se sentaient néanmoins pardonnés par le Seigneur. Cela les convainquit que, d’une certaine façon, il était encore vivant, et pour exprimer cette intuition ils racontèrent des histoires évocatrices à propos du tombeau vide et des apparitions de Jésus après la résurrection. Roger Haight, un théologien jésuite dont l’influence était considérable, a spéculé dans la même veine que la résurrection n’est qu’une expression symbolique de la conviction des disciples que Jésus continue de vivre dans la sphère divine. Par conséquent Haight enseignait que la croyance au tombeau vide ou aux apparitions du Seigneur ressuscité n’était pas essentielle à la vraie foi en la résurrection. A un niveau plus populaire, James Carroll a expliqué la résurrection de la manière suivante : après la mort de leur maître, les disciples se sont installés dans une sorte de « cercle de la mémoire » et ont réalisé à quel point Jésus avait un sens pour eux, à quel point son enseignement était puissant, et ils ont décidé que son esprit demeurait en eux.
Le grand spécialiste anglais de la Bible N.T. Wright a été particulièrement efficace pour démasquer et confondre de telles absurdités. Sa principale objection à ce type de spéculation est qu’elle est profondément non juive. Quand un juif du Ier siècle parlait de résurrection, il ne pouvait pas vouloir parler d’un état de choses non corporel. Les juifs ne pensaient tout simplement pas selon les catégories dualistes chères aux Grecs et plus tard aux gnostiques. Le deuxième problème est que cette théologie post-conciliaire est dramatiquement non historique. Wright fait valoir que, tout simplement pour des raisons historiques, il est pratiquement impossible d’expliquer l’expansion du premier mouvement chrétien en dehors d’une très objective interprétation de la résurrection de Jésus d’entre les morts. Pour un juif du Ier siècle, l’indication la plus claire possible que quelqu’un n’est pas le Messie promis aurait été sa mort entre les mains d’Israël, car l’espérance dépourvue de toute ambiguïté était que le Messie allait être un conquérant et finalement s’occuper des ennemis de la nation. Pierre, Paul, Jacques, André et les autres ont pu proclamer de façon cohérente – et le défendre jusqu’à la mort – un Messie crucifié si, et seulement si, il est ressuscité d’entre les morts. Peut-on imaginer Paul déboulant à Athènes ou Corinthe ou Ephèse avec le message haletant qu’il a trouvé un homme mort profondément inspirant, ou que lui et les autres apôtres se sont sentis pardonnés par un criminel crucifié ? Dans le contexte de l’époque et du lieu, personne ne l’aurait pris au sérieux.
La réponse beaucoup plus raisonnable et théologiquement convaincante de la résurrection est que, oui, si un étranger incroyant avait fait irruption dans la chambre haute au moment où les disciples rencontraient un Jésus ressuscité, il aurait vu quelque chose en même temps qu’eux. Aurait-il bien compris ce qu’il voyait ? Non, évidemment. Mais est-ce que l’expérience n’aurait pas eu de référent objectif ? Si, évidemment. Il y a quelque chose de rangé, fade, non perturbant, dans les interprétations subjectives que je rappelais plus haut. Ce que l’on ressent à chaque page du Nouveau Testament est que quelque chose est arrivé aux premiers chrétiens, quelque chose de tellement étonnant et imprévu et convaincant qu’ils voulurent en parler au monde entier.
Franchement, Ressuscité transmet la poignante nouveauté, la troublante réalité de la résurrection, mieux que beaucoup de théologiens contemporains.
Commentaires
2000 ans après… Après les apôtres, après les pères de l’Eglise, les Conciles, les saints si nombreux, les apparitions de la Très Sainte Vierge ; bref 2000 ans après le miracle constant de l’Eglise, de cette Eglise toujours debout (…), un océan de sots, d’aveugles et de sourds continuent de douter, ou pire de nier l’incarnation, la passion et la résurrection de Notre Seigneur. Ils leur faut encore et toujours voir (au cinéma désormais) pour croire… enfin peut-être ! Affligeant !
Si l'évangélisation vous donne des boutons, passez votre chemin. N'oubliez pas toutefois que l'Eglise n'a jamais méprisé l'apologétique, ni les fidèles qui cherchent des raisons de croire, même 2000 ans après...
J'ai traduit ce texte et j'ai évoqué ce film parce que je crois que c'est là que se trouve l'argument le plus fort en faveur de la véracité du christianisme: pour que des hommes qui n'étaient pas plus courageux que la moyenne se mettent tout à coup à prêcher un Rédempteur mort et ressuscité, contre tout le monde, leur religion, leur peuple, les Romains, les Grecs, alors qu'ils n'ont absolument rien à y gagner, ni honneurs, ni argent, ni notoriété, rien d'autre que des avanies, des persécutions, et la mort, il fallait vraiment qu'ils aient VU quelque chose de plus stupéfiant que tout ce qui peut être stupéfiant.
Attention : en anglais, le "no" donné en réponse à une interrogation négative doit se traduire par "si" en français ! … "Mais est-ce que l’expérience n’aurait pas eu de référent objectif ? Évidemment SI." - Tout le contexte d'autre part impose cette réponse.
Merci. Je trouvais bizarre, mais pas absurde, puisque répondre non à une négation c'est une affirmation. Mais effectivement, "si", c'est plus français...
Répondre "non" à une négation, c'est une affirmation ? Non, en français, c'est plutôt la confirmation de cette négation. En l'occurrence : Mais est-ce que l’expérience n’aurait pas eu de référent objectif ? Non, elle n'aurait pas eu de référent objectif. - TDB, n'irez-vous pas voir ce film ? Non, je n'irai pas le voir.