« Dieu a donné le nom qui est au-dessus de tout nom » à Jésus-Christ notre Seigneur et notre Sauveur. Or « le nom qui est au-dessus de tout nom », c’est Jésus. Et parce que ce nom « est au-dessus de tout nom, au nom de Jésus tout genou fléchit dans les cieux, sur la terre et dans les enfers ». Et parce que ce nom « est au-dessus de tout nom », pendant des générations nul ne le reçut. Moïse a écrit le livre de la Genèse. Nous y lisons la vie d’Abraham et de ses descendants ; il y eut là beaucoup de justes, mais parmi eux aucun ne mérita le nom de Jésus. Abel non plus ne fut pas appelé Jésus, ni celui qui « commença d’invoquer le nom du Seigneur Dieu » [Enos], ni celui qui « plut à Dieu, fut enlevé et dont on ne vit pas la mort » [Hénoch] ; ni celui qui « parmi les hommes de son temps » fut seul trouvé juste auprès de Dieu, Noé ; ni même celui qui avait reçu les promesses de l’Alliance, Abraham, ni celui qui naquit de lui, Isaac ; ni Jacob – l’homme qui supplante ; ni personne de ses fils. « Moïse était fidèle dans toute sa maison » et pourtant il ne fut pas encore appelé Jésus. Mais le nom de Jésus, je le trouve pour la première fois dans l’Exode et je veux considérer dans quelles circonstances est attribué pour la première fois le nom de Jésus.
Ainsi commence l’un des plus fascinants livres des pères de l’Eglise : les homélies d’Origène sur « Josué », qui sont des homélies sur Jésus.
Il est très regrettable que saint Jérôme ait appelé « Josué » le personnage biblique que les Septante appelaient « Jésus », et qui était toujours « Jésus » pour saint Luc qui l’évoque dans les Actes des apôtres (7, 45) :
Nos pères avaient au désert le tabernacle du témoignage, comme l'avait ordonné celui qui dit à Moïse de le faire d'après le modèle qu'il avait vu. Et nos pères, l'ayant reçu, l'introduisirent, sous la conduite de Jésus, dans le pays qui était possédé par les nations que Dieu chassa devant eux, et il y resta jusqu'aux jours de David.
Et qui était toujours « Jésus » dans l’épître aux Hébreux (4, 8) :
« Dieu fixe de nouveau un jour - Aujourd'hui - en disant en David si longtemps après, comme il est dit plus haut : Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas vos cœurs. Car, si Jésus leur eût donné le repos, il ne parlerait pas après cela d'un autre jour. Il y a donc un repos de sabbat réservé au peuple de Dieu. »
Le mot « Josué » est censé rendre compte d’une forme différente de Jésus, la forme longue : Yehochoua, par comparaison avec la forme courte : Yochoua. Mais les deux formes étaient considérées comme identiques, ainsi que le montre bien la Bible des Septante, et les auteurs du Nouveau Testament qui ne font pas de distinction entre un « Jésus » et un « Josué ». Ainsi le successeur de Moïse s’appelait-il Jésus pour les juifs hellénisés comme pour tous les premiers chrétiens et comme encore aujourd’hui pour les chrétiens de langue grecque (ainsi qu'en araméen).
Origène attire l’attention sur ce premier Jésus de l’histoire sainte, et montre au long de 26 homélies à quel point Jésus fils de Navé préfigure Jésus notre Seigneur, dans les moindres détails de toutes ses actions.
Qu’il suffise de mentionner ce qu’on dit de lui déjà dans l’Exode, donc avant le livre dit en latin et en français « de Josué ».
- Moïse fait de Jésus le chef des armées du peuple élu : il remporte la victoire parce que Moïse a les bras en croix (17) ;
- Jésus est le seul homme qui accompagne Moïse sur le Sinaï pour recevoir la Loi (24) – tout autre homme qui tenterait de s’approcher de la montagne mourrait ;
- Quand Moïse avait fini de parler avec Dieu dans la tente du Témoignage, Jésus restait dans la tente, et il était le seul à pouvoir y rester ; qui que ce soit d’autre qui chercherait à y entrer mourrait (33).
Jésus fils de Navé apparaît donc comme le lieutenant de Dieu, l’intermédiaire entre Dieu et Moïse – le médiateur entre Dieu et les hommes, dont on ne parle quasiment pas, mais dont la présence est essentielle.
« Jésus » veut dire « Dieu sauve ». Jésus fils de Navé est l’homme qui fit passer le Jourdain au peuple hébreu et lui distribua la terre promise. Origène montre qu’entre le passage de la Mer Rouge et le passage du Jourdain un seuil important est franchi dans la révélation de l’Eglise, du baptême, du salut. En attendant l’autre Jésus, qui viendra au Jourdain se faire baptiser et apporter le salut éternel.