Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 18

  • Octave de la Nativité

    Dans le deuxième tome de son Liber sacramentorum, paru en 1929, le bienheureux cardinal Schuster brossait un historique de cette fête aussi bref qu’érudit :

    « Octave du Seigneur. Tel était, dans les calendriers romains, le titre primitif de la synaxe de ce jour, jusqu’à ce que, sous l’influence des liturgies gallicanes, on lui ait ajouté celui de la circoncision du Seigneur. D’ailleurs, dans les premiers temps après la paix de l’Église, les fêtes païennes du premier de l’an et les danses désordonnées qui l’accompagnaient avaient dissuadé les Papes de célébrer une station en ce jour ; d’autant plus que toute la quinzaine qui va de Noël à l’Épiphanie était considérée comme la fête ininterrompue de la théophanie du Divin Enfant, et que, d’autre part, l’octave était un privilège spécial de la solennité de Pâques. Mais quand, vers la fin du VIe siècle, on voulut réagir contre les derniers efforts de la religion païenne, qui se débattait désespérément dans son agonie, alors que dans les pays de rit gallican on institua la fête de la circoncision du divin Enfant, à Rome on préféra solenniser le huitième jour de la naissance du Seigneur. Il ne s’agissait pas à proprement parler d’une octave comme celle de Pâques, et, plus tard, de celle de la Pentecôte, qui se terminaient l’une et l’autre le samedi suivant, et ce jour devint une fête d’un caractère quelque peu vague et tout à fait spécial, qui tombait presque au milieu du cycle de Noël, comme la solennité du mediante die festo, que célébraient les grecs au milieu du temps pascal. Nous ne savons rien de la basilique stationnale primitive ; dans le lectionnaire de Würzbourg est indiquée Sainte-Marie ad Martyres dans le Panthéon d’Agrippa, mais après que Grégoire IV eût érigé, à l’imitation de la Libérienne, une crèche à Sainte-Marie du Transtévère, la station fut transférée en cette basilique, sorte de cathédrale transtévérine. (…)

    « La messe et l’office de la fête de ce jour révèlent un caractère mixte et sans grande originalité. Au début, il s’agissait d’une simple octave du Seigneur ; puis, en relation avec la basilique mariale où se faisait la station, on y inséra une commémoration particulière de la virginale maternité de Marie. Plus tard, on y ajouta la circoncision et la présentation de Jésus au temple, bien que ce dernier souvenir, certainement par l’influence des Byzantins, dût par la suite être détaché de l’office du 1er janvier, pour être célébré le 2 février. »

    Quatre ans plus tard, en 1933, dom Bernard Botte, futur directeur de l’Institut supérieur de liturgie, « découvrait » qu’en fait, primitivement, le 1er janvier à Rome était une fête de Marie Mère de Dieu, la première fête mariale de la liturgie romaine.

    Dom Bernard Botte devint un patriarche du mouvement liturgique, et sous son influence (augmentée de celle de l’abbé Laurentin), lors de la révolution post-conciliaire, on décréta que le 1er janvier devait « redevenir » le jour de la fête de Marie Mère de Dieu. Et dans son exhortation apostolique Marialis cultus, en 1974, Paul VI n’hésitait pas à évoquer « la solennité de sainte Marie, Mère de Dieu, ainsi placée au 1er janvier selon l’ancienne coutume de la liturgie de Rome ».

    C’est un bel exemple de l’imposture du retour aux sources, et de l’autorité de la vénérable antiquité inventée par les grands savants contemporains.

    Car dès 1936 un autre spécialiste, Bernardo Opfermann, avait montré que dom Botte se trompait. Et dans les années d’après concile, quiconque voulait se renseigner pouvait savoir que la thèse de dom Botte était fausse. Mais le prestige du bénédictin et la volonté de rupture étaient plus forts que la vérité historique. Et l’on fabriqua donc une liturgie de la fête de la Mère de Dieu, au mépris de la vérité historique mais aussi – et surtout – de la tradition.

    Dès 1960 on avait supprimé de l’intitulé de la fête celui de la Circoncision du Seigneur. Au motif bien sûr qu’il avait été ajouté tardivement. Il est fort étrange qu’en un temps où l’on s’évertue à nous montrer la continuité et la proximité entre le judaïsme et le christianisme, on supprime précisément un élément de cette continuité et proximité. Qui est en outre un élément important dans l’économie de l’Incarnation, et qui est enfin un élément symbolique capital : ce huitième jour qui est celui de la circoncision est l’annonce du huitième jour de la Résurrection, et c’est ainsi que la Loi annonçait la Grâce. Néanmoins on a gardé l’évangile de la circoncision, puisqu’on ne peut pas supprimer le fait que le 1er janvier soit le huitième jour après la Nativité, mais ce qu’il signifie passe, au mieux, au second plan, ou devient simplement anecdotique.

    (Pour la réfutation de la thèse de dom Botte, voir cet article de dom Jacques Marie Guilmard, de Solesmes.)