Comme les évêques français ne s’intéressent que de loin en loin à l’avortement, ils ne sont pas au courant de l’évolution du droit français et tapent donc à côté quand ils croient avoir une idée.
Ainsi, Mgr Vingt-Trois pense que l’on peut définir un statut de l’embryon et du fœtus dans le cadre actuel de la législation, parce que, dit-il dans une interview à Ouest France, « à ce jour, jamais l’avortement n’a été légalisé », il a été « dépénalisé, ce n’est pas la même chose », « Mme Veil n’a jamais voulu établir un droit à l’avortement ».
L’avortement a été « dépénalisé » parce qu’en 1975 le code pénal stipulait que l’avortement était une infraction. Le nouveau code pénal, entré en vigueur en 1994, a abrogé cette infraction, la remplaçant par une infraction d’avortement illégal.
Il y a donc depuis 1994 un droit à l’avortement : on a le droit d’avorter quand on reste dans les limites de la loi.
Illustration de cela : la loi du 4 juillet 2001, qui allonge le délai de l’avortement à douze semaines, est la version définitive d’une proposition de loi qui était ouvertement définie comme « visant à mieux garantir le droit à l’interruption volontaire de grossesse ». Voici le début et la fin du premier paragraphe de l’exposé des motifs :
« La régulation des naissances est aujourd'hui un droit fondamental des femmes. Tel n'a pas été toujours le cas. En 1920, l'interruption volontaire de grossesse était un crime qui pouvait conduire à la cour d'assises. (...) Alors que les adversaires de l'IVG n'ont jamais désarmé, stimulés par la quasi-absence ou la pauvreté du discours des défenseurs des droits acquis, notre première tâche aujourd'hui est de ne pas céder un pouce de terrain à ceux qui aimeraient voir la liberté des femmes de disposer de leur corps mise en cause et de toujours mieux garantir le droit à l'IVG en veillant à ce que sa pratique puisse continuer à se dérouler dans un cadre strictement légal, dans la sérénité et le respect des consciences de chacun. »
Il est donc irréfutable qu’il y a en France un droit à l’avortement, et c’est précisément ce droit qui empêche qu’on puisse définir un statut de « cela » qu’on a le droit de supprimer.
Addendum. Pour être complet, voici ce qu'ajoute Jeanne Smits sur le Forum catholique :
Les lois Neiertz, Aubry et suivantes ont fait de "l'IVG" un droit, puisque rien ne peut empêcher une femme d'avorter pendant les 12 premières semaines de grossesse effective, que l'entretien préalable n'est plus obligatoire pour les femmes majeures, et qu'un médecin objecteur de conscience est tenu de signaler l'adresse d'un avorteur si une femme enceinte la lui demande.
Plus généralement, la formulation de la loi a été modifiée de telle sorte qu'il ne s'agit plus d'une dépénalisation.
Par ailleurs, le délit d'entrave à l'avortement a été étendu aux "pressions morales et psychologiques", et l'interdiction de la publicité pour la contraception et l'avortement a été, très logiquement, abrogée.