La lecture évangélique est empruntée à saint Jean (XIX, 31-37) et décrit, avec le brisement des jambes des deux larrons, l’ouverture du côté de Jésus mort. De cette blessure jaillirent le sang et l’eau, pour symboliser les sacrements dans lesquels l’Église naît et est nourrie. C’est le Nouveau Testament dans le sang. Jean, qui exerce à la fois les fonctions d’écrivain et de témoin, veut montrer aux fidèles la continuité du plan divin dans l’ancienne et dans la nouvelle alliance, et cite dans ce but les prophéties qui reçurent leur accomplissement sur le Golgotha après la mort de Jésus.
On ne devait briser aucun des os de l’Agneau pascal, parce que l’immolation de la Victime divine ne fut pas suivie de la décomposition de son corps dans le tombeau, mais au contraire de la gloire de la résurrection. De plus, bien que Jésus dans la sainte Communion soit pris en nourriture par les fidèles, il n’est pas consommé pour cela. Nec sumptus consumitur [séquence de la Fête Dieu], et l’Agneau, même après que les fidèles s’en sont nourris, demeure vivant, glorieux et entier.
Il existe aussi une autre prophétie (Zach., XII, 10) à laquelle se réfère plusieurs fois saint Jean : Les peuples contempleront Celui qu’ils ont transpercé.
Le caractère de cette vision du Cœur transpercé de Jésus varie suivant les dispositions de celui qui le regarde. Pour les impies, au jugement dernier, la vision de ce Cœur aimant et qu’ils n’ont pas aimé, bienfaisant, et pour cela méprisé, sera le sujet d’une affreuse terreur ; tandis qu’au contraire les bons, en voyant ce Cœur rayonnant des flammes de la charité, gage et monument perpétuel d’une miséricorde infinie, sacrement et signe sensible de l’amour divin éternel et invisible, se sentent brûler d’amour, mettent en lui toute leur espérance, et établissent en lui leur mystique demeure.
Le passage de l’Évangile lu en ce jour a été commenté avec élégance par Paulin d’Aquilée (+ 802) :
Quando se pro nobis sanctum
Fecit sacrificium,
Tunc de lateris fixura
Fons vivus elicuit ;
De quo mystice fluxerunt
Duo simul flumina :
Sanguis nam redemptionis
Et unda baptismatis.
(Quand il se fit pour nous Sacrifice, alors de la blessure de son côté une source vive sortit ; d’elle coulèrent en même temps et mystiquement deux fleuves : le sang de la rédemption et l’eau du baptême.)
Bienheureux cardinal Schuster