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Liturgie - Page 338

  • Saint Matthias

    De saint Matthias on sait seulement ce que les Actes des apôtres disent de son élection parmi les Douze. On ne sait rien de lui ni avant, ni après. Et l’Eglise n’a reconnu aucune tradition qui le concerne. Ainsi sa notice du bréviaire est-elle uniquement le passage des Actes des apôtres.

    Comme la nature a horreur du vide, on lui attribua diverses missions (en Ethiopie, en Géorgie…) mais aussi un livre, intitulé Traditions, et selon Clément d’Alexandrie de nombreux hérétiques (Valentiniens, Marcionites, Basilidiens) affirmaient suivre l’enseignement de saint Matthias (Stromates VII, 17).

    Clément d’Alexandrie donne deux citations des Traditions. L’une est : « Admirez ce qui est devant vous. » Il la rapproche d’un propos de Platon : « Le commencement de la vérité est l'admiration », pour souligner que « l'admiration est le premier degré pour atteindre ensuite à la connaissance », et il cite ensuite l’évangile (qui n'était pas encore qualifié d'apocryphe) aux Hébreux : « Celui qui aura admiré régnera, et celui qui aura régné se reposera. » (Stromates II, 9) L’autre citation est assez étrange : « Si le voisin d'un élu vient à pécher, l'élu a péché ; car si l'élu s'était conduit comme le prescrit le Verbe, son voisin eût porté à sa vie assez de respect pour se tenir en garde contre le péché. » (Stromates VII, 13)

    D’autre part, Clément cite saint Matthias sans référence explicite aux Traditions (Stromates III, 4) pour rapporter que l’apôtre disait comme le diacre Nicolas qu’il « faut abuser de la chair ». Clément explique d’abord qu’on a mal compris le propos de Nicolas (l’un des sept premiers diacres, dont on a fait l’hérésiarque des Nicolaïtes), et que celui-ci, loin de se livrer à la débauche comme ses soi-disant disciples, voulait dire qu’il fallait mortifier les sens. « C'est pourquoi l'on assure que Matthias enseignait aussi qu'il faut combattre les sens et abuser de la chair, en lui refusant tout ce qui peut servir d'aliment à la volupté ; mais augmenter les forces de l'âme par la foi et par la connaissance. »

    Le verbe grec (παραχρῆσθαι) veut effectivement dire « abuser », mais aussi « exercer un mauvais traitement », ou « faire peu de cas ». La citation attribuée à saint Matthias montre clairement qu’il s’agit de dompter la chair.

    Et cet unique propos de saint Matthias, qu’il soit authentique ou non, arrive fort bien pendant le carême.

    *

    Pourquoi la fête de saint Mathias passe-t-elle du 24 au 25 février les années bissextiles ? Parce que, lorsqu’on instaura un jour supplémentaire tous les quatre ans, on le mit au sixième jour avant les calendes de mars, le jour appelé sexta kalendas martii, qui correspond au 24 février. Donc, on doubla ce jour : bis-sexta kalendas, d’où bissextus annus, année bissextile. Comme on comptait à partir des calendes de mars, en remontant, le sixième jour est le deuxième 24, donc aujourd’hui le 25.

  • Mercredi de la deuxième semaine de carême

    L’évangile de la messe de ce jour commence par la troisième annonce de la Passion – et de la Résurrection - par le Christ à ses apôtres. Ce qui a pour effet d’exciter les ambitions… La mère de Jacques et de Jean voit déjà ses fils à droite et à gauche du Roi d’Israël siégeant sur son trône. Dans le texte de saint Marc, ce sont les apôtres eux-mêmes qui font la demande. A posteriori, cette anecdote apparaît particulièrement pitoyable. Qu’elle figure dans les Evangiles montre à la fois l’étendue de leur conversion, leur humilité, et la véracité des évangiles.

    Jésus ne répond pas à la mère. Il répond aux apôtres qu’ils boiront le même calice que lui. Telle est sa royauté.

    Il en profite pour leur donner une leçon d’humilité. Les princes des nations dominent les peuples, mais parmi vous ce sera le contraire : celui qui veut devenir grand devra se faire esclave. Comme lui-même n’est pas venu pour être servi mais pour servir : la leçon se termine par une nouvelle annonce de l’humiliation du Fils de l’Homme, où Jésus utilise à dessein les mots d’Isaïe (53, 10-12) pour montrer qu’il est le Serviteur annoncé par le prophète, celui qui porte les péchés des hommes, le Juste qui va donner sa vie pour les racheter.

  • Mardi de la deuxième semaine de carême

    L’histoire touchante et mystérieuse de la veuve de Sarepta, qui est la première lecture de la messe d’aujourd’hui, peut se lire à plusieurs niveaux. Dans cette messe de carême, elle a assurément pour but d’insister sur l’œuvre de l’aumône, l’une des trois grandes œuvres du carême. La pauvre veuve va jusqu’à donner tout ce qu’elle a, et ensuite elle n’aura plus qu’à mourir.

    Déjà on voit que l’histoire dépasse la simple exhortation à l’aumône : donner tout ce que l’on a, toute sa subsistance, et ne pas mourir, mais au contraire avoir ensuite tout en abondance, c’est le don de soi, l’abnégation totale, le martyre : perdre la vie pour la trouver.

    Dans la synagogue de Nazareth, Jésus (ce sera l’évangile de lundi prochain) soulignera un autre aspect de l’histoire : le prophète a été envoyé à une païenne, et non à une veuve d’Israël. C’est chez les païens qu’il accomplit le miracle, parce que la Phénicienne a une totale confiance en lui. Puisque les juifs rejettent leur Messie, la rédemption sera donnée aux païens.

    Et il s’agit en effet de la rédemption (ce qui va bien aussi dans le chemin vers Pâques) : la veuve prend deux morceaux de bois, ce qui figure la Croix, et au feu de la Croix elle confectionne le pain eucharistique, et avec lui les autres sacrements figurés par l’huile. Sacrements qui ne manqueront jamais à l’homme jusqu’à la fin du monde. Ce qui est suggéré dans l’évangile de saint Luc où Jésus évoque une famine de trois ans et six mois alors que dans le texte de l’Ancien Testament Elie fait cesser la famine au cours de la troisième année : ces « trois ans et six mois », soulignés par ailleurs par saint Jacques, et qu’on retrouve dans l’Apocalypse, viennent du livre de Daniel qui indique ainsi le temps qui reste avant la fin du temps : la durée de la vie de l’Eglise militante, qui peut affronter la famine comme la veuve de Sarepta parce qu’elle a un pain qui ne s’épuise jamais : le pain eucharistique, jusqu’à ce qu’Il vienne.

  • La Chaire de saint Pierre

    Le Seigneur demande aux Apôtres ce que les hommes pensent de lui, et leur réponse est commune tant qu’ils expriment l’incertitude de l’esprit des hommes. Mais dès qu’il interroge ses disciples sur leur propre sentiment, le premier en dignité parmi les Apôtres est le premier aussi à confesser le Seigneur. Quand il eut dit : « Vous êtes le Christ le Fils du Dieu vivant », Jésus lui répondit : « Tu es heureux, Simon, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé ceci ». C’est-à-dire : Tu es heureux, parce que mon Père t’a instruit ; tu n’as pas été trompé par les opinions terrestres, mais l’inspiration céleste t’a éclairé : et ce n’est ni la chair ni le sang qui m’ont fait connaître à toi ; c’est Celui dont je suis le Fils unique.

    « Aussi moi je te dis » ; ce qui signifie : de même que mon Père t’a manifesté ma divinité, ainsi moi je veux te faire connaître ta propre excellence car « tu es Pierre » ; moi je suis la pierre inébranlable, la pierre de l’angle qui des deux peuples n’en fait qu’un, le fondement (et personne n’en peut poser d’autre) ; mais toi aussi tu es une pierre, car tu es affermi par ma vertu, afin que ce qui m’appartient en propre de par ma puissance, te soit donné en participation avec moi.

    « Et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ». Sur cette force, je bâtirai un temple éternel, et la sublimité de mon Église, qui doit pénétrer le ciel, s’élèvera sur la fermeté de cette foi. Les portes de l’enfer n’empêcheront pas cette confession de Pierre ; les chaînes de la mort ne la lieront pas, car cette parole est une parole de vie. Elle élève au ciel ceux qui font cette profession de foi, et plonge dans l’enfer ceux qui refusent de la faire ou de l’admettre.

    C’est pourquoi le Seigneur dit au bienheureux Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aussi dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera aussi délié dans les cieux. » Il est vrai que ce pouvoir a été communiqué aussi aux autres Apôtres, et que ce décret constitutif concerne également tous les princes de l’Église ; mais en confiant une telle prérogative, ce n’est pas sans raison que notre Seigneur s’adresse à un seul, bien qu’il parle pour tous. C’est à Pierre en particulier que cette autorité est confiée, parce que Pierre est établi chef de tous les pasteurs de l’Église. Le privilège de Pierre subsiste en tout jugement porté en vertu de sa légitime autorité, et il n’y a excès, ni de sévérité ni d’indulgence où l’on ne lie ni ne délie que ce que le bienheureux Pierre a lié ou délié.

    Saint Léon le Grand, 3e sermon en l’anniversaire de son élection, lecture des matines de ce jour.

  • Deuxième dimanche de carême

    Je rappelais hier que la très longue messe du samedi des quatre temps de carême, avec ses ordinations sacerdotales à Saint-Pierre de Rome, commencée le soir, se terminait au matin du dimanche. Alors que le soleil se levait on chantait l’évangile de la Transfiguration, et les nouveaux prêtres se trouvaient en esprit sur la montagne, illuminés par le sacerdoce, désormais ministres de la transfiguration chrétienne par les sacrements.

    Lorsque l’on composa une messe pour ce dimanche, on lui donna le même évangile. Car il s’agit d’un jalon essentiel sur le chemin de Pâques. La Transfiguration est une préfiguration de la gloire de la Résurrection, mais c’est d’abord une préfiguration de l’Agonie. C’est bien de la Passion dont Elie et Moïse parlent avec Jésus. A Gethsémani aussi, Jésus est sur une montagne (des oliviers). Il est avec les trois mêmes apôtres, Pierre, Jacques et Jean. Lesquels tombent également dans une étrange torpeur. Alors il n’y a pas de nuée lumineuse, mais la nuit noire. Et le Père est muet. L’Agonie est la face ténébreuse de la Transfiguration, qui sont un même mystère. Le paradoxe est que la vraie face glorieuse est Gethsémani, car c’est par la Passion que nous avons accès à la Lumière.

    C’est pourquoi, lors de la Transfiguration, Jésus ne répond pas à Pierre qui se croit arrivé au paradis et annonce qu’il va construire trois tentes. Jésus ne répond pas. Le silence de Jésus, disait saint Léon le Grand (en ce jour même), indiquait que le désir de Pierre n’entrait pas dans le plan de Dieu. « Car le monde ne devait être sauvé que par la mort du Christ ; et l’exemple du Seigneur serait un appel pour la foi des croyants : sans jamais douter des promesses de joie éternelle, nous comprendrions que dans les épreuves de cette vie nous devons demander l’endurance, avant la gloire. Car la félicité du Royaume ne peut précéder le temps de la Passion. » Voilà qui est aussi un message de carême.

    D’autre part, comme le montrait Origène, si Moïse et Elie apparaissent en gloire avec Jésus, et que l’on ne voit plus que Jésus seul, c’est parce que Moïse (la Loi) et les prophètes (Elie) sont « devenus une seule et même chose avec Jésus, c’est-à-dire l’Evangile ». Il est donc inapproprié de vouloir construire trois tentes, ô saint Pierre, car il n’y en aura qu’une à construire, ce sera l’Eglise, quand Jésus aura été réellement glorifié – dans sa Passion.

  • Samedi des quatre temps de carême

    Dans l’antiquité cette messe était l’une des plus solennelles de l’année. C’était une messe d’ordinations sacerdotales, qui se déroulait à Saint-Pierre de Rome et durait toute la nuit du samedi au dimanche. Il y avait alors 12 lectures en grec et en latin, entrecoupées de psaumes.

    L’introït de cette messe, paradoxalement, est bref. Et il est en troisième mode, le mode « mystique », contemplatif, donc a priori intime. Pourtant son insistance sur la dominante omniprésente, ce do très haut par rapport à la tonique, et le rythme de la mélodie, évoquant une imposante procession, lui donnent bien une allure solennelle, tout en renforçant son côté contemplatif dans les hauteurs mystiques.

    Intret orátio mea in conspéctu tuo : inclína aurem tuam ad precem meam, Dómine.
    Dómine, Deus salútis meæ : in die clamávi, et nocte coram te.
    Gloria Patri…

    Que ma prière pénètre jusqu’à vous, Seigneur, prêtez l’oreille à ma supplication.
    Seigneur, Dieu de mon salut, devant vous j’ai crié le jour et la nuit.

    Malheureusement je n’ai pas trouvé cet introït chanté par le chœur qui le mettrait pleinement en valeur (bien que dans la néo-liturgie il ait été promu au rang d’introït d’un dimanche). Le voici donc correctement chanté, mais par un soliste (trouvé sur cette page de L'Homme nouveau, avec un long et intéressant commentaire).

    Intret_oratio_mea.jpg


    podcast

  • Vendredi des quatre temps de carême

    L’Introït tire du psaume 24 de graves accents de pénitence : « Regarde vers ma misère et ma souffrance, pardonne tous mes péchés. » Nous entendons le malade (que nous sommes) crier vers le Seigneur. Dans la leçon, notre prédicateur de Carême, Ézéchiel, inscrit dans notre cœur deux paroles lapidaires, une parole de consolation et une parole d’avertissement : « Dieu te pardonnera tous tes péchés si tu te convertis sérieusement ; Dieu rejette le juste, quand il se détourne du bien. » Pas de certitude pharisaïque du salut, pas d’orgueil des mérites passés. Le graduel fait la liaison entre la leçon et l’Évangile : c’est une prière pour obtenir la guérison et la véritable vie. L’Évangile est le modèle classique d’une action dramatique, c’est un « mystère ». Le malade, c’est chacun de nous : le sabbat de la guérison est le grand samedi de la nuit pascale que nous anticipons, aujourd’hui, au Saint-Sacrifice. Dans l’Évangile, nous comprenons clairement que les deux sacrements, le Baptême et l’Eucharistie, se complètent, que ce sont les deux sacrements de Pâques qui, d’un homme pécheur, font un homme nouveau exempt de péchés. Dans le Baptême, l’homme reçoit la grâce en germe ; dans l’Eucharistie, il la reçoit dans son achèvement. Que l’on approche des fonts baptismaux ou de la table sainte, c’est toujours la même grâce de Rédemption qui nous est accordée. Cette constatation est importante pour bien comprendre les messes de Carême. A l’Offertoire, nous remercions Dieu, avec émotion, de la grâce du Baptême et de la vocation. Dans le sacrifice, nous recevons, comme dans le Baptême, « une jeunesse nouvelle et florissante ». Les versets, avec la répétition : « Ta jeunesse se renouvellera semblable à l’aigle », sont d’une grande beauté. A la Communion, retentit le psaume 6 qui est un psaume de pénitence, mais dont la tristesse s’éclaire de la conscience de la guérison et du pardon. Nous portons le Christ en nous ; il confondra, par sa présence, tous les ennemis du salut. C’est aussi l’impression du malade guéri que le psaume exprime parfaitement. « Je suis malade, guéris-moi... je baignais ma couche de larmes... »

    Dom Pius Parsch

    Sur l’évangile de ce jour (la « piscine probatique »), voir ici.

  • Jeudi de la première semaine de carême

    Aujourd’hui jeudi, l’Église pense au pain divin de l’Eucharistie. Cette pensée se poursuit à travers toute la messe. Déjà, quand la Chananéenne parle des miettes qui tombent de la table des enfants, nous pensons au pain des enfants de Dieu. Nous sommes si heureux, dans ce temps de carême, de recevoir, en mangeant ce pain, une vie divine renouvelée, alors que les pénitents sont exclus de la table sainte ! Comme les pénitents devaient quitter l’église après l’Évangile, les fidèles pensaient encore davantage, à l’Offertoire, au pain divin ; c’est pourquoi ils chantent l’ancien psaume de communion avec le refrain connu : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux. » A l’antienne de communion, ils chantent : « Le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde ». Dans l’oraison sur le peuple, le prêtre demande « que nous aimions les dons célestes que nous recevons si souvent ».

    Dom Pius Parsch

    Voir aussi mes notes des années précédentes : 2013, 2014, 2015.

  • Mercredi des quatre temps de carême

    Ex more docti mýstico
    Servémus hoc ieiúnium,
    Deno diérum círculo
    Ducto quater notíssimo.

    Instruits par une tradition mystérieuse,
    gardons avec soin ce jeûne
    célèbre qui parcourt le cercle
    de quarante journées.

    Lex et prophétæ prímitus
    Hoc prætulérunt, póstmodum
    Christus sacrávit, ómnium
    Rex atque factor témporum.

    La Loi, d’avance, et les Prophètes
    en ont jadis montré le sens ;
    le Christ enfin l’a consacré,
    lui, des temps le Maître et le Roi.

    Telles sont les deux premières strophes de l’hymne des matines au temps du carême. Le Christ a consacré les 40 jours de jeûne en jeûnant lui-même 40 jours et 40 nuits. C’était l’évangile de dimanche dernier. Ce mercredi des quatre temps, les deux lectures avant l’évangile nous présentent « la Loi », c’est-à-dire Moïse, et « les Prophètes », c’est-à-dire Elie, préfigurant le Christ en jeûnant eux aussi 40 jours sur la montagne.

    Et dimanche prochain (dès samedi, en fait) nous retrouverons Moïse et Elie entourant le Christ, sur une autre montagne, celle de la Transfiguration. Raccourci de toute l’histoire sainte, de l’Exode à la Passion et à la Résurrection. « Ils parlaient de sa “sortie” qu’il allait accomplir à Jérusalem », précise saint Luc. En grec exodos… En latin excessus, un mot qui désigne aussi la mort.

    Or dans l’évangile de ce jour Jésus répond à ceux qui lui demandent un signe qu’il ne leur sera pas donné d’autre signe que celui de Jonas. Ce n’est qu’un aspect de cet évangile composite, mais l’aspect le plus important, parce qu’il est prophétie de la mort et de la résurrection du Christ au bout de chemin de carême, et cela est souligné par les antiennes des deux cantiques des laudes et des vêpres.

    Au Benedictus :

    Generátio hæc prava et pervérsa signum quærit : et signum non dábitur ei, nisi signum Jonæ prophétæ.

    Cette génération dépravée et perverse demande un signe : et il ne lui sera pas donné de signe, sinon celui de Jonas.

    Au Magnificat :

    Sicut fuit Jonas in ventre ceti tribus diébus et tribus nóctibus, ita erit Fílius hóminis in corde terræ.

    De même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre du poisson, de même le Fils de l’Homme sera dans le sein de la terre.

    On remarque que les adjectifs qualifiant cette génération : « prava et perversa » (dépravée et perverse) ne sont pas ceux de la Vulgate (mala et adultera : mauvaise et adultère). Ni des anciennes versions latines, qui disent en général comme la Vulgate : c’est la traduction normale des deux mots grecs.

    L’expression renvoie au psaume 77, qui fustige une « génération dépravée et exaspérante » (Vulgate). Le verbe grec traduit en latin par « exasperans » peut aussi se traduire par « rebelle », ou par « amer ». Ainsi saint Augustin avait-il dans son psautier : « generatio prava et amaricans » : participe présent : qui rend amer parce qu’elle est amère. Un mot rare que saint Augustin aime bien et utilise volontiers, pour évoquer les eaux amères de l’Exode (en lien précisément avec une rébellion du peuple) ou la mer (à la fin des Confessions). Du coup, quand il cite le passage de l'évangile sur le signe de Jonas, dans son commentaire du psaume 65, puis dans son commentaire du psaume 85, ce n'est pas l'expression rapportée par saint Matthieu qu'il emploie, mais celle du psaume 77 : « generatio prava et amaricans »…

  • Mardi de la première semaine de carême

    L’antienne d’introït de la messe de ce jour est le début du psaume 89. (Le verset de psaume suivant l'antienne est conforme à la Vulgate. L’antienne elle-même ne correspond ni à la Vulgate ni au « psautier romain » ; elle paraît combiner une ancienne version et la Vulgate, ou plutôt elle ajoute au premier verset du psautier romain un écho de la fin du deuxième verset…) Cette antienne, dit le bienheureux cardinal Schuster, « a tant de souplesse et d’élan qu’elle demande qu’on l’entende ». Mais je n'en ai trouvé aucun enregistrement sur internet.

    Dómine, refúgium factus es nobis a generatióne et progénie : a sǽculo et in sǽculum tu es.
    Priúsquam montes fíerent, aut formarétur terra et orbis : a sǽculo et usque in sǽculum tu es Deus.

    Seigneur, vous avez été pour nous un refuge de génération en génération ; de toute éternité et dans tous les siècles vous êtes.
    Avant que les montagnes eussent été faites, ou que la terre et le monde eussent été formés, vous êtes Dieu de toute éternité, et dans tous les siècles.

    La suite du psaume montre qu’il est particulièrement adapté au carême. En voici ma traduction.

    Seigneur, tu t’es fait notre refuge, de génération en génération.

    Avant que les montagnes fussent, ou que fût formée la terre et l’orbe, tu es, ô Dieu, depuis le siècle et jusqu’au siècle.

    Ne te détourne pas de l’homme dans son humiliation, et tu as dit : Convertissez-vous, fils des hommes.

    Car mille ans devant tes yeux sont comme la journée d’hier, qui est passée,

    Et une veille de la nuit ; ce qui est compté pour rien seront leurs années.

    Qu’il passe au matin comme l’herbe, qu’elle fleurisse le matin, et qu’elle passe ; qu’elle tombe le soir, se durcisse et se dessèche.

    Car nous avons défailli dans ta colère, et dans ta fureur nous avons été troublés.

    Tu as posé nos iniquités en ta présence, notre siècle dans la lumière de ton visage.

    Car tous nos jours ont défailli, et dans ta colère nous défaillons.

    Nos années méditeront comme l’araignée ; les jours de nos années, en elles-mêmes, soixante-dix ans.

    Or, si nous sommes dans les puissances, quatre-vingts ans, mais au-delà, peine et douleur.

    Car survient la mansuétude, et nous serons corrigés.

    Qui sait le pouvoir de ta colère, et dans sa peur calculer ta colère ?

    Fais ainsi connaître ta droite, et les instruits de cœur dans la sagesse.

    Reviens, Seigneur ; jusques à quand ? Et laisse-toi fléchir par tes esclaves.

    Nous avons été remplis de ta miséricorde le matin, et nous avons exulté, et nous nous sommes délectés tous nos jours.

    Nous nous sommes réjouis pour les jours où tu nous as humiliés : les années où nous avons vu les maux.

    Jette les yeux sur tes esclaves, et sur tes œuvres, et dirige leurs fils.

    Et que la splendeur du Seigneur notre Dieu soit sur nous ; et dirige les œuvres de nos mains sur nous, et dirige l’œuvre de nos mains.

    Sur l'évangile de ce jour (Jésus chasse les marchands du temple), voir ici et .