Commentaire de dom Guéranger sur la première lecture : Moïse frappe le rocher pour donner à boire aux Hébreux :
C’est ici l’un des plus augustes symboles de l’Ancien Testament, et la figure du Baptême auquel aspirent nos Catéchumènes. L’eau y paraît comme l’objet des désirs de tout un peuple, qui sans cette eau allait périr. Saint Paul, qui nous dévoile les mystères de l’ancienne Alliance, nous apprend que le rocher, la pierre, signifiait Jésus-Christ, dont est sortie la fontaine d’eau vive qui désaltère et purifie les âmes. Les saints Pères sont venus ensuite, qui nous font remarquer que la pierre n’a rendu l’eau vivifiante qu’elle contenait qu’après avoir été frappée par la verge, dont les coups donnés sur le rocher signifient la Passion du Rédempteur. Le bois de cette verge, nous disent aussi les anciens interprètes, est le symbole de la Croix, et le double coup représente le double bois dont elle est formée. Les peintures que l’Église primitive a laissées dans les Catacombes de Rome, nous offrent sans cesse cette image de Moïse frappant le rocher d’où s’écoulent les eaux ; et un verre peint trouvé dans ces souterrains, berceau de notre foi, nous apprend, par l’inscription qu’on y lit encore, que les premiers chrétiens considéraient sous les traits de Moïse, qui n’a agi qu’en figure, saint Pierre lui-même, qui, dans la nouvelle Alliance, a ouvert au vrai peuple de Dieu la source de toute grâce dans sa prédication au jour de la Pentecôte, et plus tard dans celle qu’il fit entendre aux Gentils en la personne du centurion Corneille. Ce symbole de Moïse frappant le rocher, et la plupart de ceux que nous avons reconnus, et que nous reconnaîtrons encore dans les lectures que l’Église destinait à l’instruction des Catéchumènes, non seulement ont été exprimés, aux premiers siècles, sur les fresques des catacombes romaines ; mais de nombreux monuments nous apprennent qu’on les représentait aussi dans toutes les églises de l’Orient et de l’Occident. Plusieurs de ces symboles sont arrivés jusqu’au XIIIe siècle et au delà, sur les verrières de nos cathédrales, conservant encore la forme hiératique qu’ils avaient reçue au commencement. Il est triste de voir que des sujets qui excitaient un si vif enthousiasme chez nos pères les martyrs, sont aujourd’hui si peu familiers à leurs derniers neveux. Sortons de cette indifférence qui n’est pas chrétienne, et revenons, par la méditation de la sainte Liturgie, à ces traditions auxquelles nos aïeux empruntèrent leur foi énergique et leur sublime dévouement à Dieu et à leur postérité.