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Liturgie - Page 336

  • Premier dimanche de la Passion

    C’est encore le Carême, car les quarante jours de pénitence ne sont pas expirés, mais la liturgie, tout en demeurant orientée vers la préparation des catéchumènes au Baptême, est dominée par la personne du Christ souffrant.

    Il est le seul objet des chants de la messe. Plus encore, presque toujours c’est lui qui est en scène ; c’est lui qui parle, lui qui chante, nous livrant à travers la mélodie les sentiments qui furent les siens durant le terrible drame des derniers jours de sa vie.

    Ce n’est pas tout. Le Christ ne fut pas seul dans sa Passion. Sa personnalité divine nous contenait tous. Il nous avait en lui, chacun distinctement présent, et, parce qu’il connaissait à l’avance les actes de notre volonté par lesquels nous nous donnerions à lui un jour pour continuer son sacrifice, il nous associait à toute son œuvre de Rédemption. C’est en cela que nous étions dans la Passion, c’est en cela que nous y sommes encore.

    Quand l’Eglise la renouvelle devant nous liturgiquement, les mots et les chants dont elle se sert ont donc deux sens, ou mieux, leur sens est à la fois passé et présent, historique et actuel. Historique en ce qu’ils expriment ce que fut l’âme du Christ souffrant au moment où il souffrit ; actuel en ce que cette expression, par l’Eglise et la liturgie, nous arrive à travers les siècles, non comme un souvenir archaïque, mais comme une chose qui n’a pas cessé d’être, qui demeure vivante, qui s’étend seulement dans le temps avec le cours des âges, pour atteindre les hommes à mesure qu’ils viennent à l’existence, et pour être leur propre expression dans la Passion du Christ qu’ils continuent.

    Voilà comment il faut les entendre, voilà comment il faut les chanter, si nous voulons comprendre ce qu’ils expriment et l’exprimer nous-mêmes.

    Dom Ludovic Baron

    Introït

    Par les moines de Solesmes, 1952 ou 1953 (enregistrement restauré par Musicologie médiévale) :
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    Júdica me, Deus, et discérne causam meam de gente non sancta : ab homine iníquo et dolóso éripe me : quia tu es Deus meus et fortitúdo mea.

    Emítte lucem tuam et veritátem tuam : ipsa me de duxérunt et adduxérunt in montem sanctum tuum et in tabernácula tua.

    Ô Jugez-moi, ô Dieu, et séparez ma cause de celle d’une nation qui n’est pas sainte : délivrez-moi de l’homme méchant et trompeur. Car vous êtes ma force, ô Dieu.

    Envoyez votre lumière et votre vérité ; elles me conduiront et m’amèneront à votre montagne sainte et à vos tabernacles.

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  • Samedi de la quatrième semaine de carême

    La messe de ce jour est tissée d’eau et de lumière (voir ma note de 2014). L’une et l’autre sont nécessaires à la vie. Dans l’évangile Jésus proclame :

    « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais il aura la lumière de la vie. »

    C’est ce que reprend saint Jean dans le prologue de son Evangile :

    - Il était la Lumière véritable

    - En Lui la Vie était, et la Vie était la Lumière des hommes.

    La lumière véritable : Je suis la Vérité.

    Celui qui me suit : Je suis la Voie.

    Aura la lumière de la vie : Je suis la Vie.

    La triple affirmation du discours après la Cène (Jean 14,6) est déjà là.

    La lumière véritable, c’est clairement la lumière divine. En disant « Je suis la lumière du monde », Jésus affirme sa divinité. Au début de sa première épître, saint Jean écrit : « Et telle est l’annonce que avons entendue de lui et que nous vous annonçons : Dieu est lumière, et de ténèbres en lui il n’y a pas. » Le Christ, Fils du Père, est « Lumière (issue) de Lumière » (phos ek photos), dit le Credo. Et cette Lumière de Lumière est lumière pour les nations, la lumière des nations (lumen gentium), comme l’avait annoncé Isaïe, la lumière qui « illumine tout homme venant en ce monde » pour lui donner la vie éternelle.

    Le psaume 35, chant du Christ comme tous les psaumes, faisait déjà le lien entre la lumière et la vie, la vie divine source de la lumière pour les hommes, cette lumière incarnée qui donne la vie éternelle et son inépuisable bonheur :

    Ils s’enivreront de l’abondance de ta maison, et tu les abreuveras du torrent de ta volupté.

    Car chez toi est la source de la vie, et dans ta lumière nous verrons la lumière.

    Et si nous continuons la lecture de l’épître de saint Jean, nous avons, juste après le verset déjà cité, le lien avec le sacrifice de la Croix, qui opère ce mystère, et vers lequel la liturgie nous achemine : « Si nous marchons dans la lumière, comme Lui-même est dans la lumière, nous avons communion les uns avec les autres, et le Sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché. »

    *

    Ce 12 mars est pour les bénédictins le jour de la fête de saint Grégoire le Grand, qui fut père abbé avant de devenir pape, et qui reste comme le grand ordonnateur de la liturgie latine. Ce personnage exceptionnel, père de l’Eglise, docteur de l’Eglise, naquit à la vie éternelle un 12 mars, en plein carême (comme saint Benoît dont il a écrit la vie), afin que sa fête passe quasiment inaperçue : leçon d’humilité post-mortem. Mais ce 12 mars, à 8h, est célébrée une messe solennelle latine et… grégorienne à l’autel de saint Grégoire le Grand, en la basilique Saint-Pierre. Messe organisée par l’Amitié sacerdotale Summorum Pontificum, dont le modérateur est le P. Vicenzo Nuara, le dominicain de la commission Ecclesia Dei.

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  • Vendredi de la quatrième semaine de carême

    Marie dit que son frère est mort parce que le Seigneur était absent. D’après ses paroles, il est permis de penser qu’elle s’adresse à lui comme à Dieu même – bien qu’elle se trompe en croyant qu’il n’est pas présent quand son corps est absent. Quand elle s’adresse à lui comme à Dieu même, elle voit plus loin que Marthe, car elle ne dit pas : « Ce que tu demanderas à Dieu il te le donnera ». C’est pourquoi le Seigneur, qui avait longuement instruit Marthe, ne répond rien à Marie. Il ne reproche pas à Marie d’avoir osé lui dire, aveuglée par sa douleur : « Si tu avais été ici ! » - lui qui remplit tout le créé ! Il nous donne l’exemple : nous ne devons pas faire de reproches à ceux qui sont dans un deuil récent et véhément. Le Seigneur ne dialogue donc pas avec Marie comme avec Marthe, il acquiesce, plutôt ; il entre dans les mêmes sentiments, et il manifeste sa nature humaine : il pleure et faiblit quand il la voit pleurer, et que pleurent avec elle les Juifs qui l’entourent.

    Parce que le Christ n’était pas seulement Dieu par nature, mais qu’il était homme aussi, le voici souffrant une faiblesse humaine. Quand la douleur, en effet, commença de l’émouvoir, et que dans sa sainte chair des larmes vinrent à ses yeux, il ne les laissa pas simplement couler, comme nous faisons, mais il « frémit en l’Esprit », ce qui veut dire : sous la motion de l’Esprit, il réprima la tendance de sa chair. ; alors celle-ci, ne supportant pas l’action puissante de la nature divine qui lui était unie, trembla, bouleversée, redoublant son deuil.

    Saint Cyrille d’Alexandrie, commentaire sur l’évangile de saint Jean

  • Jeudi de la quatrième semaine de carême

     

    ℟. Cantémus Dómino : glorióse enim honorificátus est, equum et ascensórem projécit in mare : * Adjútor et protéctor factus est mihi Dóminus in salútem.

    ℣.Dóminus quasi vir pugnátor. Omnípotens nomen eius.

    ℟. Adjútor et protéctor factus est mihi Dóminus in salútem.

    Chantons le Seigneur car il s’est glorieusement honoré ; il a précipité dans la mer le cheval et celui qui le montait. Le Seigneur est devenu mon aide et mon protecteur pour me sauver. Le Seigneur est comme un combattant, le tout-puissant est son nom. Le Seigneur est devenu mon aide et mon protecteur pour me sauver.

    Ce répons des matines est le début du « cantique de Moïse » (qui est le même que le « cantique de Marie », sa sœur, après le passage de la mer Rouge. C’est un ancien répons, qui n’est pas tiré de la Vulgate. Il s’agit, comme souvent, d’une ancienne traduction latine du texte grec de la Septante, que l’on retrouvera à la veillée pascale, et que l’on trouve aussi dans le bréviaire mozarabe.

    La Vulgate dit : « gloriose enim magnificatus est », et c’était aussi le texte le plus courant (c’est celui qu’avait saint Augustin). Saint Jérôme fait remarquer qu’en grec c’est « glorificatus est », mais qu’on traduit « magnificatus » parce que « gloriose glorificatus » ce n’est pas joli (« indecora »)… C’est pourtant ce qu’avait le texte hébreu (gaoh gaah), qui aime ce genre de répétitions expressives, et que le grec avait respecté. « Honoratus » paraît spécifique à la liturgie.

    Ensuite on a « adjutor et protector », qui traduit exactement le grec. Saint Jérôme traduira « fortitudo mea et laus mea », qui est plus proche du texte massorétique.

  • Mercredi de la quatrième semaine de carême

    Ce jour était dans l’antiquité celui du « grand scrutin » : aux catéchumènes qui étaient appelés nominativement à entrer dans l’église, on présentait les quatre évangiles, le Credo et le Pater, au milieu d’une messe centrée sur le baptême.

    Pour la transmission du Credo (Traditio Symboli), le prêtre disait d’abord :

    « Mes bien-aimés, avant de recevoir le sacrement du Baptême, et avant d’être régénérés en une autre créature par l’œuvre du Saint-Esprit, accueillez avec tout votre cœur cette foi, au moyen de laquelle vous devez être sanctifiés. Par une sincère conversion, changez désormais d’esprit, et tournez-vous vers Dieu, qui répand sa lumière dans nos âmes ; d’autant plus que maintenant vous êtes initiés à l’arcane sacré de la formule évangélique doctrinale, inspirée par le Seigneur et promulguée par les apôtres, concise dans les mots, mais profonde dans ses mystérieuses pensées. En effet, le Saint-Esprit, qui la dicta aux premiers maîtres de l’Église, exposa cette Foi salutaire avec une grande lucidité de concept et une grande concision de langage, afin que ce que vous devez précisément croire et dont vous devez toujours faire l’objet de vos considérations, ne pût demeurer caché à votre perspicacité ni fatiguer votre mémoire. Mettez donc une grande attention à apprendre le symbole et tout ce que nous vous enseignons maintenant, comme cela nous fut enseigné à nous-mêmes autrefois. Ne l’écrivez pas sur une matière corruptible, non, mais sur les pages de votre cœur. Voici la profession de la Foi que vous avez déjà embrassée. »

    Le Credo était proclamé en grec, puis en latin, et le prêtre poursuivait :

    « Voici, ô mes bien-aimés, le précis de notre Foi ; voici le texte du symbole, composé non pas selon les règles du langage humain ordinaire, mais disposé par Dieu. Personne ne peut s’estimer incapable de comprendre et d’observer ces choses. Ici est annoncée l’unité et l’égalité de pouvoir du Père et du Fils ; ici est démontré que le Fils unique de Dieu naquit, selon la chair, de la Vierge Marie et de l’Esprit Saint ; ici est déclaré son crucifiement, sa sépulture et sa résurrection le troisième jour ; ici l’on professe son ascension au ciel, on proclame qu’il siège à la droite du Père de toute majesté, et l’on confesse qu’il devra venir un jour pour juger tous les vivants et les morts. Ici l’on reconnaît à l’Esprit Saint la même divinité indivise du Père et du Fils ; ici, en outre, l’on enseigne la vocation supérieure de l’Église, la rémission des péchés et la résurrection des corps. Vous donc, ô mes bien-aimés, de semblables au vieil Adam que vous étiez, maintenant vous êtes réformés selon le prototype de l’homme nouveau (Jésus) ; de charnels, vous commencez à devenir spirituels ; de terrestres, célestes. Avec une foi ferme et inébranlable, tenez pour certain que la résurrection qui a été accomplie à l’égard du Christ, se doit accomplir aussi en nous tous, puisque ce qui arrive au Chef doit se vérifier aussi dans les membres du Corps. En effet, le sacrement même du Baptême, que vous vous disposez à recevoir, exprime par ses rites cette espérance ; car en lui sont figurées une certaine mort et la résurrection. On laisse le vieil homme et le nouveau se lève ; le pécheur descend dans les eaux, et il en sort justifié. On rejette celui qui nous conduisit à la mort, et l’on accueille celui qui nous rendit la vie. C’est par sa grâce que vous êtes fils de Dieu, engendrés, non pas par la volonté de la chair, mais par la vertu du Saint-Esprit. Vous devez donc imprimer tellement dans vos cœurs ce symbole très bref mais complet, que, en toute circonstance, vous puissiez vous munir de la protection de cette profession de Foi. Les vrais soldats de Jésus-Christ expérimentent toujours la force invincible de ces armes contre toutes les embûches de l’ennemi. Que le démon, qui ne cesse jamais de tenter les hommes, vous trouve toujours munis de ce symbole, afin que, ayant vaincu l’adversaire auquel vous renoncez désormais, vous puissiez, avec la divine protection de Celui que vous confessez, conserver jusqu’à la fin, intègre et immaculée, la grâce du Seigneur. Qu’ainsi, en Celui par qui vous obtenez la rémission des péchés, vous puissiez arriver aussi à la gloire de la résurrection.

    Vous avez entendu, ô bien-aimés, le symbole de la Foi catholique ; maintenant, quand vous serez sortis d’ici, apprenez-le par cœur, sans en changer une syllabe ; la miséricorde de Dieu peut tout ; qu’elle vous conduise, altérés, à la foi et au baptême, afin que nous, qui vous enseignons les Mystères divins, nous puissions arriver, avec vous qui les écoutez, jusqu’au royaume des cieux. Par le même notre Seigneur Jésus-Christ, qui vit et règne dans tous les siècles. Amen. »

  • Mardi de la quatrième semaine de carême

    Les répons des matines, cette semaine, sont tirés de l’Exode, puisque ce livre est la lecture de cette semaine. On y voit donc beaucoup Moïse, et Moïse est également très présent dans la messe de ce jour. Dans la première lecture, où, intercédant pour le peuple qui s’est laissé aller à l’idolâtrie du veau d’or et que Dieu veut exterminer, il est la figure du Christ en croix intercédant pour tous les hommes. Et dans l’évangile il y a trois fois le nom de Moïse, auquel Jésus se réfère pour reprocher aux Juifs de ne pas respecter la Loi et de mal l’interpréter.

    Mais aux matines de ce jour il y a une exception. Le premier répons n’est pas tiré de l’Exode. Il met directement l’évangile de ce jour en relation avec la Passion (comme cela apparaît en filigrane : « Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ?... Est-ce que ce n’est pas celui qu’ils cherchent à tuer ?... Son heure n’était pas encore venue. »)

    Ce répons commence par une phrase dont seulement le début est littéralement dans l’évangile, et cette phrase est également l’antienne du Benedictus aux laudes de ce jour. Jésus, soulignant qu’il dit la vérité, anticipe la phrase suivante, tirée de la Passion : « Si j’ai mal parlé », etc. C’est ce que répond Jésus à l’assistant du grand prêtre qui vient de le frapper (Jean 18,23). Quant au verset, il s’agit de la réponse de Jésus aux juifs qui veulent le lapider parce qu’il vient de dire « Moi et le Père sommes un » (Jean 10,32) :

    ℟. Quid me quǽritis interfícere, hóminem qui vera locútus sum vobis ? * Si male locútus sum, testimónium pérhibe de malo : si autem bene, cur me cædis ?
    ℣. Multa bona ópera operátus sum vobis : propter quod opus vultis me occídere ?
    ℟. Si male locútus sum, testimónium pérhibe de malo : si autem bene, cur me cædis ?

    Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité ? Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal, mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?
    J’ai fait devant vous beaucoup d’œuvres excellentes, pour laquelle de ces œuvres voulez-vous me faire mourir ?
    Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal, mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?

    La musique en est spécialement dramatique. Malheureusement je n’en ai pas d’enregistrement. Voici la partition du couvent des cordeliers de Fribourg (vers 1300) :

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  • Chaldéens

    Une nouvelle grande église chaldéenne a été inaugurée hier dans le Val d’Oise, à Arnouville, par le patriarche S.B Raphaël Ier Sako, la grande église de Sarcelles, inaugurée en 2004, étant désormais trop petite pour accueillir tous les fidèles.

    Normalement on devrait se réjouir de l’ouverture d’une nouvelle église, et d’un afflux de fidèles. On s’en réjouit d’une certaine façon, mais c’est surtout dramatique, car ces chrétiens fuient l’Etat islamique et ils vont manquer au Proche Orient.

    J’avais rencontré Mgr Petrus Yousif, le vicaire patriarcal chaldéen, dans ce qui était alors l’unique lieu de culte chaldéen de la région parisienne, Notre-Dame de Chaldée, dans le nord de Paris. C’était alors que se construisait l’église de Sarcelles, en février 2003, juste avant l’invasion américaine de l’Irak. Je me souviendrai toujours du regard de Mgr Yousif, ce désarroi, cette panique pour son peuple, car il savait que l’intervention américaine allait être une énorme catastrophe pour les chrétiens d’Irak et pour la stabilité de toute la région.

    Naturellement, il est heureux que les chaldéens qui se réfugient chez nous puissent avoir leurs églises. Ceux de la région lyonnaise n’ont hélas pas cette chance puisque le cardinal Barbarin a fait construire une église latine dont les fidèles sont essentiellement des chaldéens ; or la liturgie chaldéenne demande une disposition spécifique des lieux.

    D’autre part, ayant connu quelques-uns des chaldéens de Sarcelles (de deuxième ou troisième génération, venant de l’est de la Turquie) qui étaient au Front national, je sais à quel point ils peuvent s’intégrer tout en gardant leur identité (comme les arméniens). Et ces chrétiens-là sont hyper-vaccinés contre toute bienveillance maladive envers l’islam : ils savent dans leur chair ce qu’est l’islam réel.

    Mais on ne peut pas se réjouir de la perspective d’un Proche Orient sans chrétiens. D’une Chaldée sans chaldéens. D’une Assyrie sans assyriens.

  • Lundi de la quatrième semaine de carême

    Adam a été un simple homme; et néanmoins il était le genre humain tout entier. Cet homme unique s’est comme fractionné dans les autres hommes; mais en dépit de cette dispersion de lui-même, il est recueilli pour ainsi dire et comme réuni de nouveau en un seul par le lien de la société et de la concorde des esprits. Ce pauvre unique, cet Adam, gémit, mais il se renouvelle en Jésus-Christ ; car ce nouvel Adam est venu sans le péché, afin de détruire en sa chair le péché du vieil Adam et de refaire en sa personne un Adam qui fût l’image de Dieu ; le corps de Jésus-Christ vient donc d’Adam: c’est d’Adam qu’a été formé ce temple détruit par les Juifs et relevé par Dieu après trois jours; car il a ressuscité sa chair. C’est la preuve qu’il était Dieu, égal à son Père. Mes frères, l’Apôtre a dit : « C’est Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts ». De qui parle-t-il ? Du Père. « Jésus-Christ s’est fait obéissant jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la croix; c’est pourquoi Dieu l’a tiré d’entre les morts et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ». Le Seigneur est donc sorti vivant d’entre les morts, et il a été exalté. Par qui ? Par le Père à qui il dit dans un psaume: « Rétablissez-moi, et je les punirai ». Donc c’est le Père qui l’a ressuscité. Le Fils ne s’est donc pas ressuscité lui-même ? Mais que fait le Père sans son Verbe ? Que fait le Père indépendamment de son Fils unique ? Ecoute : voici la preuve de la divinité du Fils : « Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours ». A-t-il dit: détruisez ce temple, et mon Père le rétablira en trois jours ? Non ; mais comme, lorsque le Père ressuscite un mort, le Fils le ressuscite avec lui; ainsi, lorsque le Fils ressuscite un mort, le Père le ressuscite aussi, parce que le Fils a dit: « Mon Père et moi nous sommes un ».

    Cependant, que signifie ce nombre de quarante-six? Nous avons montré hier qu’Adam se trouve dans toutes les parties du monde ; les lettres initiales de quatre mots grecs nous ont servi à le faire. Si, en effet, tu unis l’un sous l’autre les quatre noms des quatre parties dont le monde se compose, c’est-à-dire l’Orient, l’Occident, le Nord et le Midi, ce qui a fait dire au Seigneur que lorsqu’il viendra juger, il rassemblera ses élus des quatre vents ; si donc tu écris ces quatre noms, l’Orient, anatole, l’Occident, dysis, le Nord, arctos, le Midi, mesembria, les premières lettres de ces quatre mots, anatole, dysis, arctos, mesembria, te donneront le nom d’Adam.

    Mais comment y trouvons-nous aussi le nombre 46 ? En ce que le corps de Jésus-Christ venait d’Adam. Chez les Grecs, les lettres servent de chiffres. Notre lettre a, s’écrit dans leur langue, alpha, et alpha, c’est 1. Si, pour compter un nombre, ils emploient le bêta, qui est leur b, cette lettre représente le chiffre 2; gamma, 3; delta, 4, et ainsi de suite pour toutes les autres lettres. Ce que nous appelons m, ils l’appellent my, et cette lettre, dans les nombres, équivaut à 40. Voyez maintenant quel nombre forment les lettres qui composent le nom d’Adam, et vous trouverez les 46 années employées à la construction du temple. Le mot Adam se compose d’un alpha, 1 ; d’un delta, 4 ; ce qui fait déjà 5 ; puis d’un autre alpha, 1 ; ce qui fait 6 ; il y a enfin un my, 40 ; en tout 46. Mes frères, nos anciens pères ont dit tout cela avant nous et ils ont trouvé dans ces quatre lettres le nombre 46. Et parce que Notre Seigneur Jésus-Christ a reçu son corps d’Adam, sans en recevoir le péché, il y a pris le temple de son corps sans y prendre l’iniquité qui devait être chassée du temple. Cette chair qu’il a reçue d’Adam (Marie, en effet, descendait d’Adam, et la chair du Seigneur était de Marie), les Juifs l’ont crucifiée. Mais il devait ressusciter après trois jours, ce corps que les Juifs devaient faire mourir sur la croix. Ils ont détruit le temple bâti en quarante-six ans, et lui l’a ressuscité en trois jours.

    Saint Augustin, traité 10 sur saint Jean, 11-12

  • 4e dimanche de carême

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    Voici une superbe version de l’introït de la messe de ce jour, par les moines de Solesmes sous la direction de dom Gajard, en 1964. Et pour faire bonne mesure, l’autre antienne qui chante Jérusalem, à la communion, par les mêmes.

    L’illustration ci-dessus est extraite du Graduel de Saint-Emmeran de Ratisbonne, vers 1000, conservé à la Bibliothèque d’Etat de Bamberg (Bibliothèque Empereur Henri), numérisé en collaboration avec la Bibliothèque d’Etat de Bavière.

    Lætáre, Jerúsalem : et convéntum fácite, omnes qui dilígitis eam : gaudéte cum lætítia, qui in tristítia fuístis : ut exsultétis, et satiémini ab ubéribus consolatiónis vestræ.
    Lætátus sum in his, quæ dicta sunt mihi : in domum Dómini íbimus.

    Réjouis-toi, Jérusalem, et rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez ; tressaillez de joie avec elle, vous qui avez été dans la tristesse afin que vous exultiez et soyez rassasiés à la mamelle de vos consolations.
    Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit : Nous irons dans la maison du Seigneur.


    podcast

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    Jerúsalem, quæ ædificátur ut cívitas, cuius participátio eius in idípsum : illuc enim ascendérunt tribus, tribus Dómini, ad confiténdum nómini tuo, Dómine.

    Jérusalem qui est bâtie comme une ville, dont toutes les parties se tiennent ensemble. Car c’est là que montaient les tribus, les tribus du Seigneur, pour célébrer votre nom, ô Seigneur !


    podcast

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    Sur la liturgie de ce dimanche, voir notamment ici, et spécifiquement sur l'évangile, .

  • Samedi de la troisième semaine de carême

    Saint Augustin, traité 33 sur saint Jean, 5-7

    Si le Sauveur disait: Ne lapidez pas cette adultère, il serait par là même convaincu d’injustice. S’il disait : Lapidez-la, il mentirait à sa douceur habituelle; qu’il dise donc ce qu’il doit dire pour rester doux et juste : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». Voilà bien la sentence de la vraie justice. Une pécheresse doit être punie, mais pas de la main de gens qui ont la conscience souillée; la loi doit être accomplie, mais non par ceux qui la foulent eux-mêmes aux pieds. Oui, c’était la justice même qui s’exprimait par la bouche de Jésus; aussi, frappés par ces paroles comme par un trait énorme, ils se regardèrent mutuellement, et se reconnaissant coupables, « ils se retirèrent tous l’un après l’autre », et il ne resta que la misère et la miséricorde.

    Après avoir ainsi blessé ses ennemis du dard de la justice, le Seigneur ne daigna pas même faire attention à leur chute, mais, détournant d’eux ses regards, et « se baissant de nouveau, il écrivait sur la terre ».

    Les Juifs s’étaient donc tous éloignés et l’avaient laissé seul avec la femme adultère: Jésus leva alors les yeux vers elle. (…) Elle lui avait entendu dire: « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ». Aussi s’attendait-elle à une punition de la part de celui en qui l’on n’avait jamais découvert aucun péché. Pour lui, après avoir écarté ses ennemis par le langage de la justice, il leva vers elle des regards pleins de douceur et lui adressa cette question: « Personne ne t’a condamnée ? — Personne, Seigneur », répondit-elle. — Et il ajouta: « Je ne te condamnerai pas non plus ». Parce que tu n’as pas trouvé de péché en moi, tu as craint sans doute de me voir prononcer ta condamnation : eh bien, « je ne te condamnerai pas non plus ».

    Eh quoi, Seigneur, approuveriez-vous le péché ? Non certes, il ne l’approuve pas; car, écoute ce qui suit: « Va, et ne pèche plus à l’avenir ». Le Sauveur a donc prononcé une condamnation; mais ce qu’il a condamné, c’est le péché, et non le pécheur. S’il avait donné son approbation au crime, il aurait dit : Je ne te condamnerai pas non plus; va, conduis-toi comme tu voudras, et sois sûre de mon indulgence; tant que tu pèches, je te préserverai de toute punition, même du feu et des supplices de l’enfer. Mais le Sauveur ne s’est pas exprimé ainsi.

    Ceux qui aiment le Seigneur doivent se souvenir de sa mansuétude, sans oublier de craindre son immuable vérité; car « le Seigneur est plein de douceur et d’équité ». Tu aimes en lui la bonté; redoute aussi sa droiture. La douceur lui a fait dire: « Je me suis tu »; mais sa justice lui a fait ajouter: « Toutefois, garderai-je toujours le silence ? » « Le Seigneur est miséricordieux et compatissant ». Evidemment, oui. Ajoute qu’il est « patient » : ne crains pas de dire qu’il est « prodigue de miséricorde », mais que cette dernière parole du Psalmiste t’inspire une crainte profonde : « Il est plein de vérité ». Aujourd’hui, il supporte ceux qui l’offensent; plus tard, il jugera ceux qui l’auront méprisé. « Est-ce que tu méprises les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longue tolérance? Ignores-tu que la bonté de Dieu t’invite à la pénitence ? » Et pourtant, par ta dureté et l’impénitence de ton cœur, tu t’amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses œuvres.

    Le Seigneur est rempli de douceur, de longanimité et de miséricorde; mais aussi il est plein de justice et de vérité. Il t’accorde le temps de te corriger; pour toi, tu préfères ce répit à ton amendement. (…) Tu attends sans cesse, sans cesse tu te promets des merveilles de la bonté divine, comme si celui qui a promis le pardon à ton repentir s’était engagé à prolonger encore ton existence. Sais-tu ce que te réserve la journée de demain? Tu parles avec justesse, en disant dans le fond de ton cœur : Quand je me corrigerai, Dieu me pardonnera tous mes péchés. Nous ne pouvons, en effet, le nier : il a promis le pardon aux pécheurs corrigés et convertis; mais le Prophète, dont les paroles te servent à me prouver que Dieu nous a promis son pardon pour le cas où nous viendrions à nous convertir, ce Prophète ne t’annonce, nulle part, qu’il doive t’accorder une longue vie.