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Liturgie - Page 334

  • Une confirmation par l’anthropologie contemporaine

    La messe de 18h30, ce soir, en l’église Santa Maria a Calchera de Brescia, en Italie, sera célébrée selon la forme extraordinaire, et elle sera suivie d’une conférence de Luigi Martinelli, un jeune metteur en scène qui a obtenu son master en Sciences et techniques des arts et du théâtre grâce à un mémoire intitulé Les formes du sacré : la performance dans le rite romain, dont il a fait un livre préfacé par Mgr Nicola Bux.

    L’intérêt du travail de Luigi Martinelli est qu’il a étudié le rite romain traditionnel en se servant des concepts élaborés par l’anthropologue Victor Turner, principalement celui de « performance » qui a fait l’objet de ses deux derniers livres.

    Voici les deux paragraphes centraux d’une interview de Luigi Martinelli, traduits par Paix liturgique :

    Si je m’arrête sur la liturgie romaine traditionnelle, c’est bien parce que la performance corporelle et sensorielle y tient un rôle fondamental. Celle-ci communique efficacement à l’homme l’essence du contenu de la foi qui est célébrée. Elle manifeste le sens du sacré en faisant appel à la sensibilité physique de l’homme par des sollicitations extérieures aussi efficaces que la distribution intelligente du silence « actif » aux moments clés du rite ; l’importance accordée à une certaine typologie de chant, le grégorien, et à la seule musique de l’orgue pour accompagner le recueillement ; la parole vivante de la langue sacrée qui émancipe les mots de l’urgence de devoir signifier en remettant à l’honneur la valeur de la vocalité ; l’importance réservée aux actions, aux gestes, aux postures ; l’orientation dans l’espace et la verticalité. Tout est construit autour d’éléments performants susceptibles de générer réalité et expérience. Le rite romain traditionnel est un agrégat d’éléments rituels « ésotériques », dans la mesure où ils ne s’adressent pas prioritairement à notre sphère rationnelle mais à notre perception sensible qui transcende notre raison humaine. Il ne s’agit pas d’une simple liturgie de mots, conceptuelle, pas plus qu’il ne s’agit d’une commémoration ou d’une observation distante pour satisfaire ses préférences esthétiques, mais d’une expérience concrète de la réalité, une liturgie qui interpelle nos sens en engageant d’un même coup notre corps, notre esprit, notre âme dans la célébration des Saints Mystères.

    La réforme liturgique a porté quasi exclusivement sur le legomenon : les mots, les textes, les traductions, les simplifications linguistiques et sémantiques, dans le but d’éduquer et d’instruire les consciences des fidèles en favorisant leur compréhension intellectuelle du rite. La logique suivie est éminemment moderne. C’est celle de la dévaluation du rituel, qui consiste à détourner l’attention de sa puissance émotive vers sa signification, dans l’illusion que comprendre le rite c’est le vivre. Cette dérive rationaliste et logocentrique de la liturgie a restreint l’importance du corps et de la corporéité, comme la valeur des sens et de la sensibilité, dans l’action de communiquer et d’exprimer. En fait, la forme ordinaire se caractérise par son usage de la langue commune qui a créé un espace pour la verbosité ; par sa réduction du silence ; par sa limitation de la performance physique, de la formalité et de la répétitivité des gestes ; par l’émergence de la communauté comme sujet de la célébration, phénomène favorisé par le recours abondant au chant communautaire ; par un agencement différent de l’espace pour faciliter la conversation horizontale des humains. Ainsi, d’une liturgie du corps, on est passé à une liturgie de la tête. De fait, dans la forme ordinaire, les textes récités ou proclamés sont prédominants au détriment de la performance corporelle, de la puissance de l’action, du geste, du mouvement, du son, en d’autres termes, la re-présentation performantielle a été mise de côté. L’ensemble de ces facteurs a conduit à la prédominance du contenu sur la forme, avec pour conséquence l’affaiblissement de la liturgie et la perte du sens du sacré qui en découle.

    Cela dit, c’est un peu enfoncer les portes ouvertes de dire que la réforme liturgique a détruit le rite : elle avait clairement pour but de détruire cette chose de sauvages qu'étudient les anthropologues pour aboutir à une liturgie d’hommes civilisés à la foi adulte…

  • Jeudi de Pâques

    L’évangile de ce jour, ainsi que les antiennes du Benedictus et du Magnificat, célèbrent Marie Madeleine venant au tombeau et rencontrant le Christ ressuscité : Noli me tangere.

    Le deuxième répons des matines est très remarquable. C’est Marie Madeleine qui chante la Rencontre. Or le texte commence comme un répons de l’octave de la Nativité, où c’est Marie, la Mère de Dieu, qui chante de la même façon : Congratulámini mihi, omnes qui dilígitis Dóminum. Réjouissez-vous avec moi, vous tous qui aimez le Seigneur…

    Pourquoi ? parce que, comme j’étais petite, j’ai plu au Très-Haut, et de mes entrailles j’ai engendré un Dieu et un homme, chante Marie le jour de la Circoncision.

    Parce que celui que je cherchais m’est apparu : alors que je pleurais devant le tombeau, j’ai vu mon Seigneur, chante Marie Madeleine.

    La Nativité chantée par Marie l’Immaculée Mère de Dieu. La Résurrection chantée par la Pécheresse Marie de Magdala…

    Et, dans le verset, Marie Madeleine cite… saint Grégoire le Grand. Car elle emprunte au pape liturge et docteur son magnifique commentaire : « Recedéntibus discípulis, non recedébam, et amóris eius igne succénsa, ardébam desidério » : alors que les disciples se retiraient, je ne me suis pas retirée, et enflammée du feu de son amour, je brûlais de désir. C’est en fait un résumé de ce que dit saint Grégoire : « Il faut considérer à ce sujet avec quelle force l’amour divin s’était allumé dans l’âme de cette femme, qui ne quittait point le sépulcre du Seigneur bien que les disciples se retirassent. Elle cherchait avec soin celui qu’elle n’avait pas trouvé, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée du feu de son amour, elle brûlait du désir de retrouver celui qu’elle croyait enlevé. »

    Admirable définition du quaerere Deum, la recherche de Dieu : ce n’est pas un hasard si Marie Madeleine est la patronne des contemplatifs. Et ce n’est donc pas un hasard non plus si ce répons est du troisième mode, le mode dit « mystique ». Alors que celui de la Circoncision est du septième mode, dit « angélique », celui de Puer natus est nobis du jour de Noël et du Gloria des messes de la Sainte Vierge.

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  • Mercredi de Pâques

    L’évangile de ce jour est l’épisode très mystérieux de la pêche miraculeuse après la Résurrection. « Hoc est magnum sacramentum in magno Joannis Evangelio », comme dit saint Augustin. Voilà un grand mystère dans le grand Evangile de Jean…

    C’est le chapitre 21 (7x3), alors que le chapitre 20 se terminait par une conclusion générale : « Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles, qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom. »

    On y voit 7 disciples, on dirait bien apôtres, mais parmi eux le mystérieux Nathanaël ; 5 sont nommés, 2 ne le sont pas. Autour de Pierre, Jacques et Jean, ils sont retournés à la pêche, alors qu’ils avaient tout quitté pour suivre Jésus (c’est la conclusion même de la pêche miraculeuse dont parlait saint Luc), et que nous sommes dans le temps de l’Eglise, de l’apostolat. Et non dans celui du développement de la poissonnerie de Capharnaum.

    Ils pêchent mais ils ne prennent rien. Jusqu’à ce que Jésus, sur le rivage, leur dise de jeter le filet à droite. Ils le font, et le filet se remplit de 153 gros poissons, au point qu’ils ont du mal à le tirer jusqu’au rivage.

    Sur tous les points le récit est soigneusement différent de celui de la pêche miraculeuse de saint Luc. Là, Jésus se trouvait dans la barque. Ici, il est sur la rive. Là, Jésus dit aux pêcheurs (Pierre – qui n’est encore que Simon -, Jacques et Jean) de jeter leurs filets en eau profonde. Ici, il leur dit de jeter le filet à droite. Là, ils prirent tellement de poissons (sans autre précision) que les filets se rompaient, et que les barques enfonçaient. Ici, ils prennent 153 gros poissons qu’ils tirent sur le rivage.

    Le récit de saint Luc symbolise la vie de l’Eglise, qui sous la houlette du Christ rassemble toutes sortes de gens, des bons et des mauvais, au point qu’il y aura des schismes (c’est le mot grec utilisé pour parler de la déchirure des filets), et que le poids des mauvais pourra avoir l’air de faire sombrer la barque de Pierre.

    Le récit de saint Jean, après la fin de son Evangile, montre l’entrée dans le Royaume. Jésus est sur la terre ferme, sur le rivage de l’éternité, en son Royaume. Les apôtres sont sur la mer de ce monde, mais cette pêche est la dernière, c’est celle du rassemblement des élus : ils jettent le filet seulement du côté droit : celui des élus, et ils les amènent sur le rivage de l’éternité (sans schisme – le texte le précise, et sans surcharge) : dans le Royaume, où les attend le Christ ressuscité. (Sur les 153, voir ma note de l’an dernier.)

    Cette scène est si mystérieuse qu’on ne fait pas toujours attention aux détails. Notamment à ce que voient les disciples quand ils descendent des bateaux : « Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent là des braises disposées, du poisson dessus, et du pain. »

    Il y a déjà du poisson avant que les apôtres en apportent de leur pêche. Du poisson rôti : c’est le Christ crucifié (ichtys), et du pain, c’est le corps du Christ. Jésus leur demande alors d’apporter des poissons qu’ils viennent de prendre : c’est la participation des fidèles au sacrifice et à la glorification du Christ, ils deviennent un avec lui-même.

    Puis il leur dit : « Venez, mangez. » Et il leur donne du poisson et du pain. Comme dans l’épisode de la multiplication des pains, celle que saint Jean a racontée, avec 5 pains d’orge et 2 poissons : les nombres des disciples de cette scène.

    Mais l’évangéliste se garde de donner la moindre explication. Il signale seulement que c’est la troisième fois que Jésus s’est manifesté à ses disciples après sa résurrection d’entre les morts. Un autre troisième jour. Celui des chrétiens.

  • Mardi de Pâques

    Traduction d’un texte de Vultus Christi, le blog des moines du prieuré de Silvestream (Irlande) :

    Aujourd’hui nous avons le troisième introït de Pâques. Le premier, le matin du dimanche de Pâques, nous a permis d’entendre et de participer à la conversation ineffable du Fils Ressuscité avec son Père : « Je suis ressuscité et je suis toujours avec toi, alléluia. Tu as posé ta main sur moi, alléluia. Merveilleuse est ta science, alléluia, alléluia. » Le deuxième, hier matin, s’adressait aux nouveaux baptisés : « Le Seigneur vous a amenés dans un pays où coulent le lait et le miel, alléluia. Que la loi du Seigneur soit toujours dans votre bouche, alléluia, alléluia. »

    L’introït d’aujourd’hui, tiré du livre de l’Ecclésiastique, rappelle ce qui est arrivé aux catéchumènes dans la nuit de Pâques : « Il leur a donné à boire l’eau de la sagesse, alléluia. Elle s’affermira en eux et elle ne fléchira pas, alléluia. Et elle les élèvera pour toujours, alléluia. »

    Cette eau de la sagesse est l’eau même que Notre Seigneur a promis à la Samaritaine au troisième dimanche de carême : « Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, dit Jésus, n’aura plus jamais soif, mais l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissant en vie éternelle. » C’est l’eau de la grâce divine, l’eau de la vie trinitaire qui jaillit du côté ouvert du Seigneur crucifié et ressuscité, irriguant l’âme des baptisés, et rendant l’Eglise resplendissante de sainteté. C’est un flux d’eau indéfectible. C’est un torrent impétueux qui ne sera jamais à sec, parce que sa source est en Dieu. Ceux qui cèdent à sa puissance seront transportés en Dieu pour vivre dans son Amour et sa Lumière pour toujours.

    Aqua sapientiae, l’eau de la sagesse, nous parvient, et irrigue nos âmes, par les canaux des sacrements. Celui qui reste à l’écart des sacrements va souffrir de sécheresse spirituelle. Les fruits du Saint-Esprit vont se raréfier. Ceux qui apparaîtront encore seront dérisoires et, finalement, se dessécheront. Le péché crée un blocage dans l’irrigation de l’âme. La confession et l’absolution enlèvent les obstacles qui entravent le flux de la grâce. Beaucoup d’entre vous ont les yeux tournés vers la fête de la Divine Miséricorde dimanche prochain : le sacrement de pénitence renouvelle la grâce du baptême, et ouvre le cœur à l’eau vive qui jaillit du Cœur transpercé du Christ Miséricordieux.

    Voici cet introït par les moniales d’Argentan. L’image générale que donne la musique est, me semble-t-il, la fermeté que donne cette eau à celui qui la boit, fermeté qui s’épanouit dans la vie éternelle. Et on remarque sur « in aeternum » la même formule que le début de l’alléluia qui précédait. L’alléluia pascal nous introduit dans l’éternité.
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  • Lundi de Pâques

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    "Livre des péricopes" de saint Henri II
    (Cliquer sur l'image pour l'agrandir)

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    Offertoire de la messe du lundi de Pâques, par les moines de Ligugé, 1973

     

    Angelus Dómini descéndit de cælo, et dixit muliéribus : Quem quǽritis, surréxit, sicut dixit, allelúia.

    Un Ange du Seigneur descendit du ciel et dit aux femmes : Celui que vous cherchez est ressuscité, comme il l’a dit, alléluia.

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  • Pâques

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    Dis-nous, Marie, qu'as-tu vu en chemin ?
    (Giotto)
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    Séquence Victimi paschali laudes, par les moines de Solesmes, 1980

    Víctimæ pascháli laudes ímmolent Christiáni.
    A la victime pascale, que les Chrétiens immolent des louanges.

    Agnus rédemit oves : Christus ínnocens Patri reconciliávit peccatóres.
    L’Agneau a racheté les brebis : le Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec son Père.

    Mors et vita duéllo conflixére mirándo : dux vitæ mórtuus regnat vivus.
    La vie et la mort se sont affronté en un duel prodigieux : l’Auteur de la vie était mort, il règne vivant.

    Dic nobis, María, quid vidísti in via ?
    J’ai vu le tombeau du Christ vivant, et la gloire du ressuscité,

    Angélicos testes, sudárium et vestes.
    les témoins angéliques, le suaire et les linceuls.

    Surréxit Christus, spes mea : præcédet vos in Galilǽam.
    Il est ressuscité, le Christ, mon espérance : il vous précèdera en Galilée.

    Scimus Christum surrexísse a mórtuis vere : tu nobis, victor Rex, miserére.
    Nous le savons : le Christ est ressuscité des morts : ô Vous, Roi vainqueur, ayez pitié de nous.

  • Samedi Saint

    Si l’on essaye de caractériser d’un mot la liturgie du Samedi Saint, ce qui frappe, c’est la paix profonde qu’elle respire. Le Christ est entré dans l’obscurité, mais, au milieu de la nuit impénétrable, il est allé rejoindre le havre de sécurité, bien plus, il est devenu lui-même notre ultime sécurité. C’est maintenant que se vérifie enfin la parole audacieuse du Psalmiste : "Même si j’allais me cacher aux enfers, tu es encore là". Cette liturgie, à mesure qu’elle se déploie, est traversée comme de lueurs d’une aube qui approche ; les premiers rayons du matin de Pâques y brillent déjà. Si le Vendredi Saint nous présente la figure défaite de Jésus transpercé, la liturgie du Samedi Saint évoque plutôt l’image de la croix dans l’Église ancienne : la croix toute rayonnante de lumières, signe à la fois de la mort et de la résurrection.

    Ainsi le Samedi Saint peut nous rappeler une forme de piété chrétienne, peut-être trop perdue de vue au cours des temps. Lorsque nous regardons la croix aujourd’hui, nous pensons presque exclusivement à la passion historique du Seigneur sur le Calvaire. En réalité, l’origine de la dévotion à la croix est tout autre : pour prier, les chrétiens se tournaient vers l’Orient en signe de leur espérance dans le Christ, le vrai Soleil qui dominera l’histoire, en signe donc de leur foi au retour du Seigneur. À l’origine, la croix était étroitement liée à cette prière dirigée vers l’Orient : la croix représente en quelque sorte l’étendard porté devant le roi à sa venue ; elle est comme la tête du cortège déjà arrivée au milieu de l’assemblée en prières. Pour les premiers chrétiens, la croix est avant tout le signe de l’espérance ; il s’agissait moins d’un regard vers un passé révolu que d’un regard en avant vers la venue du Seigneur. Sans doute, avec le temps, la nécessité d’un regard rétrospectif vers le calvaire se fit sentir. Contre toute fuite dans le spirituel, contre la négation de l’incarnation de Dieu, il fallait défendre la bouleversante prodigalité de l’amour de Dieu qui, pour l’amour de la misérable créature humaine, était devenu lui-même homme - et quel homme ! Il fallait défendre la sainte folie de Dieu qui ne s’est pas contenté de prononcer une parole de puissance, mais qui a choisi le chemin de l’impuissance pour confondre notre rêve de domination et en triompher de l’intérieur.

    Mais, par là même, nous avons trop oublié le lien qui, dans la réalité chrétienne, existe entre la croix et l’espérance, entre la direction de la croix et la direction de l’Orient, entre le passé et l’avenir. Le souffle d’espérance qui court à travers les prières du Samedi Saint devrait imprégner à nouveau tout notre être chrétien. Le christianisme n’est pas seulement une religion tournée vers le passé, son regard se porte aussi en avant vers l’avenir. Sa foi est en même temps espérance, car le Christ n’est pas seulement Celui qui est mort et ressuscité, il est aussi Celui qui vient.
    Fais luire, Seigneur, dans nos cœurs, ce mystère de l’espérance, fais-nous connaître la lumière qui jaillit de ta croix ; fais-nous avancer en chrétiens à la rencontre de ton aurore.

    Joseph Ratzinger, né et baptisé un Samedi Saint (extrait des Méditations sur la Semaine Sainte, publiées à Freising en 1969, traduites en français dans Un seul Seigneur, une seule foi, en 1971)

  • Vendredi Saint

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    (La Trinité, Pyrénées orientales, XIIe siècle)


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    Crux fidelis

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    Texte : site Introibo. Musique : concert des maîtres de chœur, direction chanoine Jean Jeanneteau, Fontevraud, 29 juillet 1980, sur le site Musicologie médiévale.

    *

    La sainte tunique du Christ est exposée à la basilique Saint-Denys d'Argenteuil à partir d'aujourd'hui et jusqu'au 10 avril.

  • Jeudi Saint

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    “Livre des péricopes” de saint Henri II, vers 1007-1012

    "Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, [il] les aima jusqu'à la fin" (Jn 13, 1): Dieu aime sa créature, l'homme; il l'aime même dans sa chute et ne l'abandonne pas à lui-même. Il aime jusqu'au bout. Il va jusqu'au bout avec son amour, jusqu'à l'extrême:  il descend de sa gloire divine. Il dépose les habits de sa gloire divine et revêt les vêtements de l'esclave. Il descend jusqu'au degré le plus bas de notre chute. Il s'agenouille devant nous et nous rend le service de l'esclave; il lave nos pieds sales, afin que nous devenions admissibles à la table de Dieu, afin que nous devenions dignes de prendre place à sa table - une chose que par nous-mêmes nous ne pourrions ni ne devrions jamais faire.

    Dieu n'est pas un Dieu lointain, trop distant et trop grand pour s'occuper de nos sottises. Puisqu'Il est grand, il peut également s'intéresser aux petites choses. Puisqu'il est grand, l'âme de l'homme - l'homme créé pour l'amour éternel -, n'est pas une petite chose, mais est grand et digne de son amour. La sainteté de Dieu n'est pas seulement un pouvoir incandescent, devant lequel nous devons nous retirer terrifiés; elle est un pouvoir d'amour et donc un pouvoir purificateur et restaurateur.

    Dieu descend et devient esclave, il nous lave les pieds afin que nous puissions prendre place à sa table. En cela s'exprime tout le mystère de Jésus Christ. En cela devient visible ce que signifie sa rédemption. Le bain dans lequel il nous lave est son amour prêt à affronter la mort. Seul l'amour a cette force purificatrice qui nous ôte notre impureté et nous élève à la hauteur de Dieu. Le bain qui nous purifie c'est Lui-même qui se donne totalement à nous - jusqu'aux profondeurs de sa souffrance et de sa mort. Il est en permanence cet amour qui nous lave; dans les sacrements de la purification - le baptême et le sacrement de la pénitence - Il est sans cesse agenouillé à nos pieds et nous rend le service de l'esclave, le service de la purification, il nous rend aptes à recevoir Dieu. Son amour est intarissable, il va vraiment jusqu'au bout.

    Benoît XVI, Messe in Cena Domini, Saint-Jean de Latran, 13 avril 2006

  • Mercredi Saint

    L’évangile de ce jour est la Passion selon saint Luc. Du moins ce qu’il en reste depuis la réforme de 1955, qui a supprimé les 38 premiers versets. Comme pour les autres Passions, tout ce qui concerne la dernière Cène a été supprimé. Avec comme double résultat que l’on omet le lien entre l’institution de l’eucharistie et le sacrifice de la Croix, et qu’on ne chante ni ne lit plus jamais, à la messe, d’évangile sur l’institution de l’eucharistie… (Il reste toutefois l'institution de l'eucharistie dans la première épître de saint Paul aux Corinthiens, le Jeudi Saint et à la Fête Dieu.)

    Le Mercredi Saint, cette coupure a en outre pour effet de supprimer ce propos de Jésus : « Car, Je vous le dis, il faut encore que cette parole qui est écrite s'accomplisse en moi: Il a été mis au rang des scélérats. »

    C’est ainsi que traduisent Sacy et Fillion. On voit aussi : « compté parmi les criminels », « au nombre des malfaiteurs »… La Vulgate clémentine a « cum iniquis », et la Vulgate de Stuttgart a opté pour « cum injustis » avec la majorité des manuscrits. Le texte grec dit : « méta anomon ». Au sens propre les « sans-loi ». Les hors-la-loi.

    Ce qui importe surtout est que Jésus fait explicitement une citation de l’Ancien Testament, dont il souligne qu’elle prophétisait sa Passion. Il s’agit d’Isaïe 53,12. Dont le texte grec dit : « en tois anomois ». La préposition est différente mais le nom est le même, et le sens aussi : il est compté au nombre des sans-loi. Les anciennes versions latines avaient traduit « cum iniquis ». On voit aussi « inter iniquos », ou « cum sceleratis ». Saint Jérôme a vu dans l’hébreu : « cum sceleratis ». Le texte massorétique a « et poshiym », littéralement « avec les transgresseurs » (de la Loi).

    Or cette terrible citation d’Isaïe qui fait de l’Auteur de la Loi un sans-loi, de l’Innocent un criminel, du Juste par excellence un parangon de l’injustice et de l’iniquité, cette citation d’Isaïe figure dans la lecture proclamée en cette messe avant l’évangile. Et elle se trouve dans son contexte, qui explicite l’allusion faite par Jésus : c’est cette page bouleversante qui raconte littéralement la Passion :

    Mais lui, il a été transpercé à cause de nos péchés, broyé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun de nous suivait sa propre voie ; et le Seigneur a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. On le maltraite, et lui se soumet et n’ouvre pas la bouche, semblable à l’agneau qu’on mène à la tuerie, etc.

    Or cette prophétie d’Isaïe avait été incluse dans cette messe parce qu’elle correspondait à l’évangile de saint Luc, en ce jour qui précède le Triduum. Il est très regrettable que ce lien ait été brisé, par les « réformateurs » qui sévissaient déjà au Vatican.