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Liturgie - Page 182

  • Mercredi de la Passion

    Jésus va à la fête des Encænia et nous enseigne ainsi la régularité avec laquelle il convient d’accourir aux solennités ecclésiastiques, pour qu’elles soient vraiment l’expression sociale et collective de l’unité mystique qui joint tous les fidèles au Rédempteur, dans un seul sentiment de foi, d’espérance et d’amour.

    La demande que lui font les Juifs et la perplexité dont ils se disent tourmentés ne sont pas sincères mais feintes ; ils veulent arracher au Seigneur une parole qui puisse le compromettre près du Sanhédrin ; or Jésus n’accorde ni sa confiance ni son intimité à celui qui n’agit pas loyalement avec lui et ne le cherche pas avec une intention droite. Si ses interlocuteurs avaient voulu sincèrement s’instruire du rôle messianique et de la divinité du Rédempteur, ils en auraient trouvé mille preuves dans sa doctrine et dans ses miracles. Mais ce n’est point cela qu’ils cherchaient : ils voulaient une parole qui pût servir de prétexte au Sanhédrin en vue d’un procès religieux contre le divin Maître, et cette parole, Il ne la prononce pas pour le moment, mais Il en appelle à ses œuvres. (…)

    Jésus a opéré devant les Juifs un grand nombre de prodiges en confirmation de sa mission messianique et de sa divinité ; néanmoins, ils trouvent que tout cela n’est pas concluant et ils se lamentent de ce que Jésus les tient dans la perplexité. Ainsi en arrive-t-il toujours avec les incrédules : les vérités divines le plus vigoureusement affirmées dans les Écritures et enseignées par l’Église seront toujours obscurcies par mille nuées d’incertitude, uniquement parce qu’ils se servent de leur intelligence non pour croire mais pour subtiliser et combattre la vérité. Il est inutile de prétendre à pénétrer le dogme ; il faut commencer par croire Dieu qui parle et l’Église qui enseigne, selon la parole d’Isaïe tant répétée par saint Anselme d’Aoste : Nisi credideritis non intelligetis.

    Bienheureux cardinal Schuster

    Ce « saint Anselme d’Aoste » est celui qu’on appelle simplement « saint Anselme », ou « saint Anselme de Cantorbéry » si l’on veut préciser, bien qu’il fût né en effet à Aoste. Je n’ai pas trouvé de références précises de l’emploi de cette citation par saint Anselme. Mais elle correspond tellement à sa célèbre maxime « fides quaerens intellectum » qu’il l’a forcément utilisée. Cela dit, il l’a trouvée dans saint Augustin, qui l’a utilisée… 31 fois.

    Il s’agit d’Isaïe 7,9 (juste avant le « signe » de la vierge qui enfantera) dans la traduction des Septante : ἐὰν μὴ πιστεύσητε, οὐδὲ μὴ συνῆτε. Si vous ne croyez pas vous ne comprendrez pas (avec la double négation et la particule qui oppose à ce qui précède : il n’y a aucune chance que vous compreniez). Credo ut intelligam, disait saint Anselme : je crois pour comprendre. Saint Augustin l’avait encore devancé et il en donnait l’ordre : Crede ut intelligas. Crois pour comprendre.

  • Mardi de la Passion

    Dans ce chapitre de l’Évangile, mes frères, notre Seigneur Jésus-Christ se manifeste plus particulièrement à notre foi sous le rapport de son humanité.

    Toutes ses paroles et toutes ses actions le révèlent à notre foi comme Dieu et comme homme : comme Dieu qui nous a faits, comme homme qui nous a recherchés ; Dieu toujours avec son Père, homme avec nous dans le temps. Il n’aurait point recherché l’homme qu’il avait fait, s’il n’était devenu lui-même cet homme qu’il avait créé. Cependant souvenez-vous-en et que cette pensée ne sorte point de votre esprit : le Christ fait homme n’a point cessé d’être Dieu, Celui qui a fait l’homme s’est fait homme lui-même en restant Dieu.

    Lorsqu’il s’est caché comme homme il n’a point perdu sa puissance, gardons-nous de le croire ; mais il a voulu donner un exemple à notre faiblesse. On ne s’est emparé de lui que quand il l’a voulu, il a été mis à mort quand il l’a voulu. Mais comme plus tard ses membres, c’est-à-dire ses fidèles, ne devaient pas avoir la puissance qu’il possédait, lui, notre Dieu, en se cachant, en se dérobant à la fureur des hommes comme pour éviter la mort, il donnait à entendre que ses membres agiraient ainsi, en qui il est, lui-même.

    Car il n’est point vrai que le Christ soit dans le chef sans être dans le corps ; il est tout entier dans le chef et dans le corps de son Église. Ce qui donc s’attribue à ses membres, il le faut attribuer à lui-même ; mais tout ce qui lui convient à lui, ne convient pas pour cela à ses membres. Si ses membres n’étaient pas lui-même, il n’aurait pas dit à Saul : « Pourquoi me persécutes-tu ? » Car ce n’était pas lui en personne que Saul persécutait sur la terre : c’étaient ses membres, c’est-à-dire ses fidèles. Il n’a point cependant voulu dire mes saints, mes serviteurs, ou ce qui est plus honorable encore, mes frères ; mais il dit : moi ; c’est-à-dire mes membres, dont je suis le chef.

    Saint Augustin, homélie 28 sur saint Jean, lecture des matines.

    Daniel dans la fosse aux lions.

    « Mon temps n’est pas encore venu ».

     

  • Lundi de la Passion

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    Vere dignum et iustum est, æquum et salutáre, nos tibi semper et ubíque grátias ágere: Dómine, sancte Pater, omnípotens ætérne Deus: Qui salútem humáni géneris in ligno Crucis constituísti: ut unde mors oriebátur, inde vita resúrgeret: in quo ligno vincébat, in ligno quoque vincerétur: per Christum Dóminum nostrum. Per quem majestátem tuam laudant Angeli, adórant Dominatiónes, tremunt Potestátes. Cæli cælorúmque Virtútes, ac beáta Séraphim, sócia exsultatióne concélebrant. Cum quibus et nostras voces, ut admítti júbeas deprecámur, súpplici confessióne dicéntes:

    Depuis hier la préface de la messe est la préface de la Croix, Præfatio de sancta Cruce :

    Vous avez placé le salut du genre humain dans le bois de la Croix : pour, là-même où la mort était née, y faire surgir la vie : et pour que celui qui avait vaincu par le bois fût aussi vaincu par le bois.

    En latin, et particulièrement dans la Vulgate, le mot lignum désigne aussi bien l’arbre que le bois. Le premier lignum de la Préface désigne l’arbre de la connaissance du bien et du mal, par le fruit duquel le diable fit sombrer le monde dans le péché originel et par le péché dans la mort. Le second désigne le bois de la croix, sur lequel le Christ vainquit le diable. La croix est ainsi l’arbre de vie, dont le Christ est le fruit qui donne la vie éternelle.

    C’est aussi ce que l’on trouve dans l’hymne des matines de ce temps :

    De parentis protoplasti
    fraude factor condolens,
    quando pomi noxialis
    morsu in mortem corruit:
    Ipse lignum tunc notavit,
    damna ligni ut solveret.

    Attristé de l'égarement de notre premier père, qui tomba dans la mort en mordant le fruit néfaste, le Créateur choisit lui-même un arbre pour réparer la malédiction de l'arbre.

    Hoc opus nostræ salutis
    ordo depopiscerat ;
    multiformis proditoris
    ars ut artem falleret,
    et medelam ferret inde,
    hostis unde læserat.

    Cette œuvre de salut, l'ordre divin l'exigeait, pour vaincre par la ruse la ruse multiforme du Malin, et porter le remède d'où venait la blessure.

    La messe de ce jour.

    • Le jeûne de Jonas.

    Les fleuves d'eau vive.

  • Dimanche de la Passion

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    Graduel des séquences de Notker, Einsiedeln, Xe siècle.

    Júdica me, Deus, et discérne causam meam de gente non sancta : ab homine iníquo et dolóso éripe me : quia tu es Deus meus et fortitúdo mea.
    Emítte lucem tuam et veritátem tuam : ipsa me deduxérunt et adduxérunt in montem sanctum tuum et in tabernácula tua.

    Rends-moi justice, ô Dieu, et sépare ma cause de celle d’une nation qui n’est pas sainte : délivre-moi de l’homme inique et trompeur, parce que tu es mon Dieu et ma force.
    Envoie ta lumière et ta vérité ; elles me conduiront et m’amèneront à ta montagne sainte et à tes tabernacles.

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    A partir de ce jour on ne dit plus le psaume Judica me au début de la messe. Mais voici que ce dimanche, s’il n’est pas murmuré au bas de l’autel, il est proclamé par le chant. Le sens n’est pas le même. A la messe hors temps de la Passion, ce psaume est celui par lequel le prêtre demande à Dieu d’être délivré de tout ce qui pourrait le distraire de l’action sacrée, afin que, guidé par la lumière divine, il monte saintement à l’autel. L’introït quant à lui, avec les mêmes mots, nous introduit dans la Passion. C’est le Christ qui parle. Le Christ trahi, flagellé, conspué, crucifié. Il demande à Dieu de le délivrer de ses ennemis, et le voilà complètement en leur pouvoir, il demande la lumière, et ce sont les ténèbres qui vont recouvrir la terre. Il demande à être conduit sur la montagne divine, à la demeure de Dieu, et il sera conduit au Calvaire. Il faut garder cela en mémoire quand dans la peine ou la tentation on se dit que Dieu ne veut pas nous exaucer alors que ce que nous demandons est très pour la gloire de Dieu et pour notre sanctification. Le temps de la Passion, nous montre le Père sourd aux demandes de son Fils, au point de le laisser mourir sur une croix comme un esclave criminel. Mais il y aura ensuite le matin de Pâques, et le même Christ chantera : « Je suis ressuscité et je suis encore avec toi. » Telle est toujours la fin de l’épreuve, en ce monde ou dans l’autre. Pour tous ceux qui cherchent le Christ comme pour le Christ lui-même.

    Le verbe judicare veut dire juger, rendre justice, tant pour condamner que, comme ici, pour acquitter et condamner la partie adverse. (Il a souvent aussi dans la Bible - mais pas ici - le sens d’exercer le pouvoir, d’être l’autorité supérieure : les « Juges », « vous jugerez les 12 tribus d’Israël »…).

    L’introït commence dans un murmure de gémissement qui s’achève en plainte implorante sur « Deus ». Puis c’est, avec le bond de la quinte sol-do, le cri sur « causam » : ma cause qui est juste, le motif de mon inculpation qui est une monstrueuse injustice. Le cri principal est toutefois plus loin, sur « eripe me », qui monte encore plus haut, préparé par « doloso » (qui souligne l’injustice) et fait terminer la phrase une quinte plus haut que la conclusion normale du mode. Le 4e mode, choisi parce qu’il est contemplatif et qu’ainsi le cri du Christ peut se terminer de façon sereine et paisible sur « fortitudo mea » : cette force très tranquille annonce la paix surnaturelle et la douce lumière de l’introït de Pâques, qui est la suite de celui-ci, dans le même mode…

    Le voici par les moines de Saint-Wandrille, dans un vieux 45 tours qui précisément donne ces deux introïts à la suite.


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    Addendum 11h45. C'était encore beaucoup plus beau tout à l'heure au Barroux. Et depuis ce matin la messe est diffusée en vidéo. Merci aux moines.

  • Splendida facta est facies Moysi

    ℟. Spléndida facta est fácies Móysi, dum respíceret in eum Dóminus : * Vidéntes senióres claritátem vultus ejus, admirántes timuérunt valde.
    . Cumque descendísset de monte Sínai, portábat duas tábulas testimonii, ignorans quod cornúta esset fácies eius ex consórtio sermónis Dei.
    ℟. Vidéntes senióres claritátem vultus ejus, admirántes timuérunt valde.

    La face de Moïse était devenue rayonnante de lumière, depuis que le Seigneur l’avait regardé. Les anciens d’Israël, voyant la lumière de son visage, furent dans l’étonnement et saisis de crainte.
    Et lorsque Moïse descendit de la montagne de Sinaï, il portait les deux tables du témoignage, et il ignorait que sa face était cornue depuis l’entretien du Seigneur avec lui.

    C’est un « hasard » que ce répons des matines soit chanté le jour où dans l’évangile Jésus proclame qu’il est « la lumière du monde ». Mais la coïncidence vaut d’être remarquée. En disant qu’il est la lumière du monde, Jésus souligne qu’il est Dieu. Ce même Dieu qui a illuminé Moïse au point que la lumière divine est restée sur son visage.

    Les exégètes modernes se sont copieusement moqués de saint Jérôme pour les « cornes » qu’il a attribuées à Moïse. On a même osé (et on continue de le faire) voir là une des innombrables « erreurs de traduction » de saint Jérôme. Le mot hébreu est Q.R.N. et ce mot veut dire corne, avoir des cornes, produire des cornes. C’est le mot qui est utilisé dans le psaume 68 pour les jeunes taureaux qui « produisent des cornes et des sabots ». Hélas à la Renaissance on ne comprenait plus vraiment que ces cornes étaient des rayons de lumière émanant de tout son visage, et le Moïse cornu de Michel-Ange n’est pas pour rien dans les sarcasmes des imbéciles contre saint Jérôme.

    Peut-être les Septante eurent raison de traduire par « glorifié », pour qu’il n’y ait aucune confusion possible. Mais saint Jérôme voulait traduire la réalité du texte. Aquila, disciple du célèbre rabbin Aqiba, avait également traduit par « cornes ».

    De ce point de vue, le répons est remarquable. Parce qu’il commence par une phrase qui ne figure pas dans la Bible et qui ne sert qu’à expliquer et à souligner que les « cornes » de Moïse sont une émanation de la lumière divine. Dommage que Michel-Ange n’ait pas médité ce répons…

  • Vendredi de la quatrième semaine de carême

    Videns Dóminus flentes soróres Lázari ad monuméntum, lacrimátus est coram Judǽis, et exclamávit : Lázare, veni foras : et pródiit ligátis mánibus et pédibus, qui fúerat quatriduánus mórtuus.

    Le Seigneur voyant pleurer les sœurs de Lazare près du sépulcre pleura lui-même en présence des Juifs et s’écria : Lazare, viens dehors : et celui qui était mort depuis quatre jours parut ayant les pieds et les mains liés.

    L’antienne pour la communion, contrairement à l’usage quadragésimal, est empruntée au texte évangélique précédemment lu, et provient de la liturgie ambrosienne, qui, dans le recueil de ses chants, accuse une certaine antériorité relativement à la liturgie romaine. Le videns Dominus, avec sa mélodie syllabique dans l’antiphonaire grégorien, est d’un effet merveilleux, surtout par l’élan du Lazare, veni foras, où l’artiste a voulu exprimer toute la puissance de l’affection de Jésus pour son ami. (…)

    La résurrection de Lazare symbolise aussi le sacrement de la Pénitence. Jésus a seul la vertu de convertir les cœurs, mais il confie aux apôtres et aux prêtres la tâche de délier Lazare des bandelettes et du suaire sépulcral, pour que désormais il puisse marcher d’un pas rapide dans la voie des divins commandements.

    Bienheureux cardinal Schuster

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    Par les moniales d’Argentan, sous la direction de dom Gajard.


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  • Jeudi de la quatrième semaine de carême

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    Dans le bréviaire mozarabe, ce jour à laudes :

    Tibi soli peccavimus Domine; et malum coram te fecimus: cui quidem non celantur abscondita nostra, quae cordis retinent claustra: et tamen erubescimus pandere, quod non timemus perpetrare. Sed tu Domine, qui non despicis poenitentes, suscipe preces humilium; et veniam tribue peccatorum: ac per potentiam Trinitatis, rectitudinem, qua gradiamur, doceat nos Spiritus Sanctus; et ad sanctitatis gloriam pertrahat spiritus rectus, atque ad iustificationem principalis deducat spiritus: ut unicae virtutis immensa potestas, et Pater regat quos condidit; et Filius custodiat quos redemit; et Spiritus Sanctus repleat quos creavit. . Amen.

    Contre toi seul nous avons péché, Seigneur, et nous avons fait le mal devant toi, à qui certes n’est pas caché ce qui est au plus profond de nous, que les serrures du cœur retiennent ; et pourtant nous rougissons de dévoiler ce que nous n’avons pas craint de perpétrer. Mais toi, Seigneur, qui ne méprises pas ceux qui se repentent, accueille les prières des humbles ; et accorde le pardon aux pécheurs. Et par la puissance de la Trinité, que le Saint-Esprit nous enseigne la rectitude par laquelle nous puissions avancer, et qu’un esprit droit nous entraîne à la gloire de la sainteté, et que l’esprit principal nous conduise à la justification ; afin que l’immense puissance de l’unique force, et le Père dirige ceux qu’il a créés, et le Fils garde ceux qu’il a rachetés, et le Saint-Esprit remplisse ceux qu’il a créés. Amen.

    Cette oraison suit le psaume 50 et lui est étroitement liée. Elle en reprend plusieurs expressions, dont le début qui est le début du verset 6 et qui sert aussi d’antienne. Elle reprend surtout les « trois esprits » que les pères de l’Eglise avaient repérés et où ils avaient vu la Sainte Trinité, ce qui est explicitement le cas ici : l’esprit droit, l’esprit de rectitude (verset 12), est le Fils, l’esprit saint (verset 13) est le Saint-Esprit, l’esprit principal (verset 14) est le Père. Principalis traduit le grec ἡγεμονικός (hègemonikos) : qui guide, qui dirige. L’adjectif substantivé désignait la raison chez les stoïciens, la partie supérieure de l’âme, qui la dirige et l’unifie, concept repris par Clément d’Alexandrie et Origène.

  • Enrichissement

    La Congrégation pour la doctrine de la foi publie deux décrets concernant la « forme extraordinaire du rite romain ».

    Le décret Quo magis donne la possibilité de célébrer la fête des saints canonisés depuis 1960, le jour de leur fête dans le nouveau calendrier, si le jour liturgique le permet. (Ce qui n’est pas très fréquent, vu le nombre de fêtes de troisième classe, comme le reconnaît le décret.)

    Le décret Cum sanctissima donne la permission d’utiliser sept nouvelles préfaces. Trois préfaces qui existaient déjà « en certains lieux », et quatre (de Angelis, de Sancto Ioanne Baptista, de Martyribus et de Nuptiis) qui sont prises « dans le Missel de la forme ordinaire et proviennent pour la plupart, dans leurs parties centrales ou "embolismes", de sources liturgiques antiques ». Dans le principe on ne peut que se féliciter de l'arrivée de nouvelles préfaces, car saint Pie V avait été très avare en la matière. Mais il va falloir examiner ces textes parce que l’expression « pour la plupart, dans leurs parties centrales » n’inspire pas confiance quand on sait comment les textes anciens repris dans la néo-« liturgie » ont été trafiqués.

  • Il y a 50 ans (17) : l'Annonciation

    Les experts ayant affirmé que la fête s’appelait « Annonciation du Seigneur » lorsqu’elle fut introduite à Rome, la fête s’appela ainsi dans le nouveau calendrier.

    La réalité est que cette fête a eu de nombreuses appellations, et que dans le vénérable sacramentaire de saint Grégoire elle est appelée Annuntiatio angeli ad beatam Mariam : annonciation de l’ange à la bienheureuse Marie. Et dans les non moins vénérables Ordines Romani c’est Annunciatio sanctae Mariae. Dans le martyrologe romain c’est Annuntiatio beatissimae Virginis genitricis Dei Mariae. Au cours de l’histoire on a vu diverses appellations, comme Annunciatio Domini en effet, ou Annuntiatio dominica, Annunciatio Christi, Conceptio Christi… Mais l’appellation correcte ne peut pas être Annuntiatio Domini, d’autant que cette expression désigne le martyrologe du 25 décembre.

    En outre, chez les byzantins, la fête s’est toujours appelée « Annonciation de la très sainte Mère de Dieu et toujours Vierge Marie ».

    Le changement de nom, et donc de classification (la fête mariale devient « fête du Seigneur »), a pour but évident de diminuer le culte marial.

    La comparaison entre la collecte du missel traditionnel et du nouveau missel est instructive. Une fois de plus les experts qui prétendaient « restaurer » la liturgie sont pris en flagrant délit de bricolage. Leur collecte est une de leurs inventions Frankenstein habituelles, faites de morceaux disparates accolés.

    Voici la collecte traditionnelle :

    Deus, qui de beátæ Maríæ Vírginis útero Verbum tuum, Angelo nuntiánte, carnem suscípere voluísti : præsta supplícibus tuis ; ut, qui vere eam Genetrícem Dei crédimus, eius apud te intercessiónibus adiuvémur.

    O Dieu, qui avez voulu que votre Verbe prît un corps humain à la parole de l’Ange dans le sein de la bienheureuse Vierge Marie ; accordez à ceux qui vous en supplient que, nous qui la croyons véritablement Mère de Dieu, nous soyons secourus auprès de vous grâce à son intercession.

    Et la nouvelle :

    Deus, qui Verbum tuum in útero Vírginis Maríæ veritátem carnis humánæ suscípere voluísti, concéde, quæsumus, ut, qui Redemptórem nostrum Deum et hóminem confitémur, ipsíus étiam divínæ natúræ mereámur esse consórtes.

    Dieu, qui as voulu que Ton Verbe prît véritablement une chair humaine dans le sein de la Vierge Marie, accorde-nous, nous T'en prions, puisque nous reconnaissons en lui notre Rédempteur, homme et Dieu, d'être associés à Sa nature divine.

    On a gardé quelques mots de la collecte traditionnelle, on a supprimé l’ange, on a ajouté une expression de saint Léon le Grand, et on a inventé une fin, qui insiste sur « Dieu et homme » et reprend hors contexte une formule (modifiée) d’une prière de l’offertoire qu’on a supprimée dans l’ordinaire de la messe…

    On remarque que cette collecte… n’évoque pas l’Annonciation, mais l’Incarnation, avec insistance sur Jésus Dieu et homme, ce qui est célébré à Noël. D’ailleurs l’invitatoire de la fête est celui de Noël, et les trois cantiques de l’« office des lectures » sont ceux de la Nativité dans le bréviaire monastique. Dans tout cet office il n’y a que l’unique répons qui évoque l’Annonciation.

    Ainsi élimine-t-on de la collecte l’ange, qui est gênant pour une religion adulte dégagée des mythes et des superstitions d’un autre âge. On reprend une formule de saint Léon le Grand condamnant Eutychès : veritátem carnis humánæ : le Christ a pris la « vérité de la chair humaine », comme si la tendance actuelle n’était pas plutôt d’estomper sa divinité. Et pour les francophones on remarque que la traduction officielle a omis « veritatem »… Il n’est plus question de la maternité divine de la Sainte Vierge, remplacée par le Christ en deux natures. Et l’on a supprimé l’appel à l’intercession de Marie… A la place, on demande d’être participants de la nature divine, ce que demande tous les jours la messe traditionnelle dans une superbe oraison dont il ne reste que ce lambeau annuel…

  • Annonciation

    Comme je le disais samedi, le kondakion de l’Annonciation est l’hymne finale de l’Acathiste : Invincible chef d’armée. En voici une version émouvante, composée par Thémistocle Polycrate (mais oui, et il y a son portrait vers la fin), qui était fier de ses harmonisations occidentalisantes – par le chœur de la cathédrale orthodoxe d’Athènes, en 1925.

    Τῇ ὑπερμάχῳ στρατηγῷ τὰ νικητήρια,
    Ὡς λυτρωθεῖσα τῶν δεινῶν εὐχαριστήρια,
    Ἀναγράφω σοι ἡ Πόλις σου Θεοτόκε.
    Ἀλλ᾿ὡς ἔχουσα τὸ κράτος ἀπροσμάχητον,
    Ἐκ παντοίων με κινδύνων ἐλευθέρωσον,
    Ἵνα κράζω σοι· Χαῖρε, Νύμφη ἀνύμφευτε.

    Invincible chef d’armée, à vous les accents de victoire ! Libérée du danger, votre ville, ô Mère de Dieu, vous offre des hymnes de reconnaissance. Vous dont la puissance est irrésistible, de tout péril délivrez-moi, pour que je puisse vous acclamer : Salut, Epouse sans époux !

    Et voici une version toute différente, très ornée, très byzantine, par l'archimandrite Romanos Anastasiadis, moine du monastère Sant-Elie de Roustika près de Réthymnon en Crète :