Justítiæ Dómini rectæ, lætificántes corda, et judícia ejus dulciora super mel et favum : nam et servus tuus custódit ea.
Les justices du Seigneur sont droites, elles réjouissent les cœurs, et ses jugements sont plus doux que le miel, et qu’un rayon plein de miel ; aussi votre serviteur les observe.
L’antienne d’offertoire paraît être un simple verset de psaume. En réalité elle est composée d’expressions prises dans quatre versets du psaume 18.
Le texte chanté est différent. Il n’a pas « judicia ejus », et de ce fait il est affecté d’une faute de grammaire, inlassablement reproduite sur les manuscrits sans que ça ne gêne personne… (Le neutre « dulciora » ne qualifie plus le neutre « judicia » mais le féminin « justitiae ».)
L’autre différence est que le chant a « custodiet » au lieu de « custodit » : le futur (qui se trouve dans le psautier romain) au lieu du présent.
Maintenant, si l’on considère la mélodie, on trouve quelque chose de curieux. Elle est indiquée en mode 4, mode de mi, alors qu’elle est à l’évidence en mode 6, mode de fa. Jusqu’à la dernière note qui est en effet, contre toute attente, un mi. L’antienne est tellement en mode 6 que dans les deux premières éditions du Liber Gradualis de Solesmes (1883 et 1895), la mélodie se terminait non par la-sol-fa sol-fa-mi mi mais par une répétition du premier motif : la-sol-fa la-sol-fa fa.
Sur le plan de l’expression, cette chute est tout aussi étonnante. L’antienne en effet est d’une joyeuse et ferme sérénité, d’un bout à l’autre, avec le retour plusieurs fois du motif souriant et affirmatif de « Domine », conformément à ce que chante le plus souvent le mode de fa (ancêtre du ton de fa majeur). Mais la finale en mi casse cette ambiance, introduit une incertitude. Et c’est le futur « custodiet » qui est ici illustré. S’il y avait « custodit » comme dans le missel (et le psautier de la Vulgate), l’antienne devrait se terminer sur un fa : ton serviteur garde tes commandements, c’est une constatation ferme. Mais au futur on ne peut pas en être si sûr : il « gardera ». Je garderai tes commandements. J’espère que je le ferai… Mais je suis faible et je peux succomber au péché… C’est ce que gémit ce « mi » insolite.
Par les moines d'En Calcat, en 1956 :