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Liturgie - Page 183

  • Mardi de la quatrième semaine de carême

    Le Seigneur monta donc ensuite à la fête, « alors que la fête était en son milieu, et il enseignait. Les juifs étaient étonnés et ils disaient : comment connaît-il les lettres, alors qu’il n’a pas étudié ? » Celui qui se cachait enseignait, il parlait en public et on ne l’arrêtait pas. En effet s’il se cachait c’était pour servir d’exemple ; et si on ne l’arrêtait pas, c’était l’effet de sa puissance. Mais, comme il enseignait, « les Juifs étaient étonnés ». Tous à la vérité, du moins je le pense, étaient étonnés, mais tous ne se convertissaient pas. Et d’où provenait cet étonnement ? C’est que beaucoup savaient où il était né, comment il avait été éduqué. Jamais ils ne l’avaient vu apprendre les lettres, pourtant ils l’entendaient discuter sur la loi, citer des témoignages de la loi, que personne ne pouvait citer sans les avoir lus, et que personne ne pouvait lire sans avoir appris les lettres, et c’est pourquoi ils s’étonnaient. Mais leur étonnement fut, pour le Maître, l’occasion de leur révéler plus profondément la vérité. Partant en effet de leur étonnement et de leurs paroles, le Seigneur leur dit quelque chose de profond qui mérite d’être examiné et expliqué avec plus de soin.

    Que répond donc le Seigneur à ceux qui s’étonnaient qu’il sût les lettres sans les avoir apprises ? « Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé. » Voici une première profondeur, car ces quelques mots semblent renfermer une contradiction. En effet, il ne dit pas : Cette doctrine n’est pas la mienne ; mais il dit : « Ma doctrine n’est pas à moi. » Si elle n’est pas à toi, comment est-elle la tienne ? Et si elle est la tienne, comment n’est-elle pas à toi ? Tu dis en effet l’un et l’autre : « c’est ma doctrine », et, « elle n’est pas à moi. » (…)

    Si nous examinons avec attention ce que le saint Évangéliste dit de lui-même en son prologue : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu », nous trouverons là la solution de la difficulté. Quelle est la doctrine du Père, si ce n’est le Verbe du Père ? Le Christ est donc lui-même la doctrine du Père, puisqu’il est le Verbe [la Parole] du Père. Comme un verbe [une parole] ne peut être le verbe [la parole] de personne, mais doit l’être de quelqu’un, il a pu dire également, d’une part, qu’il était lui-même sa propre doctrine, et d’autre part, qu’elle n’était pas de lui, puisqu’il est le Verbe du Père. Et, en effet, qu’y a-t-il qui soit plus à toi que toi-même ? et qu’y a-t-il aussi de moins à toi que toi-même, si ce que tu es appartient à quelqu’un ?

    Saint Augustin, sermon 29 sur saint Jean, 2 et 3 (lecture des matines)

  • Lundi de la quatrième semaine de carême

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    Antiphonaire des cordeliers de Fribourg, vers 1300.

    Curieusement, comme si la liturgie voulait presser le mouvement en ce début de seconde moitié du carême, les répons des matines de ce jour évoquent déjà l’arrivée dans la terre promise, alors qu’on a commencé seulement hier à lire le livre de l’Exode. Dans les livres du moyen âge ce sont d’ailleurs des répons de ce dimanche. Le premier (qui se toujours d’abord au dimanche dans le bréviaire monastique) est tiré des derniers discours de Moïse, en Deutéronome 27, 2 à 7.

    ℟. Vos, qui transitúri estis Jordánem, ædificáte altáre Dómino. * De lapídibus, quos ferrum non tétigit : et offérte super illud holocáusta, et hóstias pacíficas Deo vestro.
    . Cumque intravéritis terram, quam Dóminus datúrus est vobis, ædificáte ibi altáre Dómino.
    ℟. De lapídibus, quos ferrum non tétigit : et offérte super illud holocáusta, et hóstias pacíficas Deo vestro.

    Vous qui devez passer le Jourdain, élevez un autel au Seigneur, avec des pierres que le fer n’aura pas touchées ; et offrez sur cet autel des holocaustes, et des hosties pacifiques à votre Dieu. Lorsque vous serez entrés dans la terre que le Seigneur votre Dieu vous donnera, vous bâtirez là un autel au Seigneur.

    Le deuxième répons reprend Deutéronome 27,3, et dans son verset une formule précédente (Deut. 23,22) :

    ℟. Audi, Israël, præcépta Dómini, et ea in corde tuo quasi in libro scribe : * Et dabo tibi terram fluéntem lac et mel.
    . Obsérva ígitur, et audi vocem meam : et inimícus ero inimícis tuis.
    ℟. Et dabo tibi terram fluéntem lac et mel.

    Écoute, Israël, les préceptes du Seigneur, et écris-les dans ton cœur comme dans un livre ; et je te donnerai une terre où coulent du lait et du miel. Observe donc et écoute ma parole, et je serai un ennemi pour ton ennemi.

    Quant au troisième répons, il est carrément tiré du livre d’après l’Exode, à savoir Josué (1,5,6,9 et 5,6 pour la mention du pays où coule le lait et le miel). Et voilà donc que Dieu parle à Josué, chef du peuple hébreu maintenant que Moïse est mort :

    ℟. Sicut fui cum Móyse ita ero tecum, dicit Dóminus : * Confortáre, et esto robústus : introdúces pópulum meum ad terram lacte et melle manántem.
    . Noli timére, quóniam tecum sum : ad quæcúmque perréxeris, non dimíttam te, neque derelínquam.
    * Confortáre, et esto robústus : introdúces pópulum meum ad terram lacte et melle manántem.
    Gloria…
    * Confortáre, et esto robústus : introdúces pópulum meum ad terram lacte et melle manántem.

    Comme j’ai été avec Moïse, ainsi je serai avec toi, dit le Seigneur ; prends courage et sois fort : tu introduiras mon peuple dans une terre où coulent le lait et le miel. Ne crains point, parce que je suis avec toi ; en quelque lieu que tu ailles, je ne te laisserai, ni ne t’abandonnerai.

  • Quatrième dimanche de carême

    Puisque, pour la première fois depuis la Terreur, il est interdit d’aller à la messe, voici les chants de celle de ce jour, par les moines de Triors.

    Les initiatives se multiplient sur internet pour diffuser des messes. Je ne vois jamais indiqué que regarder une messe sur un écran n’est pas participer à la messe. Or ces messes électroniques risquent de donner de mauvaises habitudes si on laisse croire que c’est la messe. C’est autant la messe qu’est une baignade le fait de voir la mer à la télévision.

    Cela dit, suivre la messe peut assurément être une aide à la prière (mais ne peut pas être davantage). La plus belle est sans (aucun) doute celle du Barroux, en direct à 10h ici.

     

    Introït

    Lætáre, Jerúsalem : et convéntum fácite, omnes qui dilígitis eam : gaudéte cum lætítia, qui in tristítia fuístis : ut exsultétis, et satiémini ab ubéribus consolatiónis vestræ.
    Lætátus sum in his, quæ dicta sunt mihi : in domum Dómini íbimus.

    Réjouis-toi, Jérusalem, et rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez ; tressaillez de joie avec elle, vous qui avez été dans la tristesse afin que vous exultiez et soyez rassasiés à la mamelle de vos consolations.
    Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit : Nous irons dans la maison du Seigneur.

     

    Graduel

    Lætátus sum in his, quæ dicta sunt mihi : in domum Dómini íbimus. ℣. Fiat pax in virtúte tua : et abundántia in túrribus tuis

    Je me suis réjoui de ce qui m’a été dit : Nous irons dans la maison du Seigneur. Que la paix soit dans tes forteresses, et l’abondance dans tes tours.

     

    Trait

    Qui confídunt in Dómino, sicut mons Sion : non commovébitur in ætérnum, qui hábitat in Jerúsalem.
    . Montes in circúitu ejus : et Dóminus in circúitu pópuli sui, ex hoc nunc et usque in sǽculum.

    Ceux qui se confient dans le Seigneur, sont comme la montagne de Sion. Il ne sera jamais ébranlé, celui qui habite dans Jérusalem.
    Des montagnes sont autour d’elle ; et le Seigneur est autour de son peuple, dès maintenant et à jamais.

     

    Offertoire

    Laudáte Dóminum quia benígnus est : psállite nómini ejus, quóniam suávis est : ómnia quæcúmque vóluit, fecit in cælo et in terra.

    Louez le Seigneur, car il est bienveillant : psalmodiez pour son nom, car il est doux : tout ce qu’il a voulu, il l’a fait, au ciel et sur la terre.

     

    Communion

    Jerúsalem, quæ ædificátur ut cívitas, cujus participátio ejus in idípsum : illuc enim ascendérunt tribus, tribus Dómini, ad confiténdum nómini tuo, Dómine.

    Jérusalem qui est bâtie comme une ville, dont toutes les parties se tiennent ensemble. Car c’est là que montaient les tribus, les tribus du Seigneur, pour célébrer votre nom, ô Seigneur !

    *

    La liturgie de ce jour.

    • La multiplication des pains: 1 ; 2

    Le dimanche de la rose.

    Déjà nous avons parcouru…

  • Saint Benoît

    Depuis 1960, dans le calendrier romain, la férie de carême prime sur la fête de saint Benoît. Mais dans le calendrier monastique c’est toujours la grande fête de saint Benoît, mort au milieu du carême pour souligner l’importance de ce temps et de la pénitence. La messe est celle du commun des abbés, mais avec une séquence propre que voici (traduction dom Guéranger). Chantée par les moines du Mont Cassin, où saint Benoît est mort il y a 1473 ans.

    Laeta quies magni ducis,
    Dona ferens novae lucis,
    Hodie recolitur.

    Cette journée qui resplendit d’un éclat nouveau, est celle où notre grand chef entra dans son repos.

    Charis datur piae menti,
    Corde sonet in ardenti,
    Quidquid foris promitur.

    La grâce a visité l’âme filiale de ses enfants ; que leurs chants soient dignes de l’amour qui enflamme leurs cœurs.

    Hunc per callem orientis
    Admiremur ascendentis
    Patriarchae speciem.

    Admirons notre Patriarche qui s’élève par un chemin céleste, à l’orient.

    Amplum semen magnae
    prolis illum fecit instar
    solis Abrahae persimilem.

    L’innombrable famille sortie de lui l’a fait l’égal d’Abraham semblable au soleil.

    Corvum cernis ministrantem,
    Hinc Eliam latitantem
    Specu nosce parvulo.

    C’est Élie caché au fond de son antre ; un corbeau exécute ses ordres.

    Elisaeus dignoscatur,
    Cum securis revocatur
    De torrentis alveo.

    C’est Élisée, quand il retire la hache tombée au fond du lac.

    Illum Joseph candor morum,
    Illum Jacob futurorum.
    Mens effecit conscia.

    Par la pureté de sa vie il ressemble à Joseph ; par son esprit prophétique il retrace Jacob.

    Ipse memor suae gentis,
    Nos perducat in manentis.
    Semper Christi gaudia. Amen.

    Qu’il daigne se souvenir des enfants dont il est le Père, et qu’il nous conduise aux joies éternelles du Christ qui demeure à jamais ! Amen.

  • Jam Christe, sol justitiæ

    Jam Christe, sol justitiæ,
    Mentis diescant tenebræ,
    Virtutum ut lux redeat,
    Terris diem cum reparas.

    Jésus, vrai soleil de justice,
    De l’âme ténébreuse éclaire enfin les yeux,
    Et fais que des vertus la lumière propice
    Y rentre en même temps que le jour en ces lieux.

    Dans tempus acceptabile,
    Et pœnitens cor tribue,
    Convertat ut benignitas
    Quos longa suffert pietas.

    Nous donnant ces jours favorables,
    Imprime au fond des cœurs un sacré repentir :
    Ta pitié trop longtemps les a soufferts coupables ;
    Par ta bénignité daigne les convertir.

    Quiddamque pænitentiæ
    Da ferre, quamvis gravium,
    Majore tuo munere,
    Quo demptio fit criminum.

    Fais-nous par quelque pénitence
    Obtenir le pardon des plus affreux péchés :
    Plus elle sera rude, et plus de ta clémence
    Nous bénirons la force et les trésors cachés.

    Dies venit, dies tua,
    In qua reflorent omnia :
    Lætemur in hac ut tuam
    Per hanc reducti gratiam.

    Ce jour vient, ce jour salutaire
    Où par tout l’univers tu fais tout refleurir :
    Ramène en ce grand jour au chemin de te plaire
    Ceux qu’à toi ce grand jour oblige à recourir.

    Te rerum universitas,
    Clemens adoret Trinitas ;
    Et nos novi per veniam
    Novum canamus canticum. Amen.

    Qu’en tous lieux t’adore un vrai zèle,
    Grand Dieu, dont la bonté nous tire du tombeau ;
    Tandis que renaissants par ta grâce nouvelle,
    Nous chantons à ta gloire un cantique nouveau.

    (Hymne des laudes du Carême, traduction Pierre Corneille.)

    Par les moniales d’Argentan, dans un enregistrement de 1976. Un disque… américain, premier volume d’hymnes, dont le second volume paraîtra sous la marque française Société du son…


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  • Saint Joseph

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    Au cours de sa vie, qui fut un pèlerinage dans la foi, Joseph, comme Marie, resta jusqu'au bout fidèle à l'appel de Dieu. La vie de Marie consista à accomplir à fond le premier fiat prononcé au moment de l'Annonciation, tandis que Joseph, comme on l'a dit, ne proféra aucune parole lors de son « annonciation » : il « fit » simplement « ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit » (Mt 1, 24). Et ce premier « il fit » devint le commencement du « chemin de Joseph ». Le long de ce chemin, les Évangiles ne mentionnent aucune parole dite par lui. Mais le silence de Joseph a une portée particulière : grâce à lui, on peut saisir pleinement la vérité contenue dans le jugement que l'Évangile émet sur Joseph : le « juste » (Mt 1, 19). Il faut savoir lire cette vérité car en elle est contenu l'un des témoignages les plus importants sur l'homme et sur sa vocation. Au cours des générations, l'Église lit ce témoignage d'une manière toujours plus attentive et plus consciente, comme si elle tirait du trésor de cette figure insigne « du neuf et de l’ancien » (Mt 13, 52).

    *

    Le climat de silence qui accompagne tout ce qui se réfère à la figure de Joseph s'étend aussi à son travail de charpentier dans la maison de Nazareth. Toutefois, c’est un silence qui révèle d'une manière spéciale le profil intérieur de cette figure. Les Evangiles parlent exclusivement de ce que « fit » Joseph ; mais ils permettent de découvrir dans ses « actions », enveloppées de silence, un climat de profonde contemplation. Joseph était quotidiennement en contact avec le mystère « caché depuis les siècles », qui « établit sa demeure » sous son toit. Cela explique par exemple pourquoi sainte Thérèse de Jésus, la grande réformatrice du Carmel contemplatif, se fit la promotrice du renouveau du culte rendu à saint Joseph dans la chrétienté occidentale.

    Le sacrifice absolu que Joseph fit de toute son existence aux exigences de la venue du Messie dans sa maison trouve son juste motif « dans son insondable vie intérieure, d'où lui viennent des ordres et des réconforts tout à fait particuliers et d'où découlent pour lui la logique et la force, propres aux âmes simples et transparentes, des grandes décisions, comme celle de mettre aussitôt à la disposition des desseins divins sa liberté, sa vocation humaine légitime, son bonheur conjugal, acceptant la condition, la responsabilité et le poids de la famille et renonçant, au profit d'un amour virginal incomparable, à l'amour conjugal naturel qui la constitue et l'alimente) ». Cette soumission à Dieu, qui est promptitude de la volonté à se consacrer à tout ce qui concerne son service, n'est autre que l'exercice de la dévotion qui constitue une des expressions de la vertu de religion.

    *

    Les âmes les plus sensibles aux impulsions de l'amour divin voient à juste titre en Joseph un exemple lumineux de vie intérieure. En outre, l'apparente tension entre la vie active et la vie contemplative est dépassée en lui de manière idéale, comme cela peut se faire en celui qui possède la perfection de la charité. Selon la distinction bien connue entre l'amour de la vérité (caritas veritatis) et l'exigence de l'amour (necessitas caritatis), nous pouvons dire que Joseph a expérimenté aussi bien l’amour de la vérité, c'est-à-dire le pur amour de contemplation de la Vérité divine qui rayonnait de l'humanité du Christ, que l'exigence de l'amour, c'est-à-dire l'amour, pur lui aussi, du service, requis par la protection et le développement de cette même humanité.

    Jean-Paul II, Redemptoris custos

  • Mercredi de la troisième semaine de carême

    Le Kyrie, le Sanctus et l’Agnus Dei des messes de semaine du carême (et de l’Avent), par les moines de Montserrat.

  • Dédicace

    Le 17 mars est la fête de la dédicace de la cathédrale de mon diocèse. Je remarque que ce n’est pas exceptionnel qu’une cathédrale soit consacrée un jour de mars, donc en plein carême, ce qui ne permettait pas de faire la fête, surtout quand le carême était encore le carême. Si quelqu’un sait pourquoi, je serai heureux de l’apprendre. Est-il possible que ce soit à cause de l’introït, qui parle de Jacob, donc des lectures de la deuxième semaine de carême ? Mais cela me paraît douteux.

    Voici l’offertoire, par les moines de Solesmes en 1958.


    podcast

    Dómine Deus, in simplicitáte cordis mei lætus óbtuli univérsa ; et pópulum tuum, qui repertus est, vidi cum ingénti gáudio : Deus Israël, custódi hanc voluntátem.

    Seigneur, mon Dieu, je vous ai offert toutes ces choses dans la simplicité de mon cœur et avec joie ; et j’ai été ravi de voir aussi tout ce peuple assemblé, ô Dieu d’Israël, conservez cette volonté.

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    L’offertoire Domine Deus est d’une admirable simplicité et sérénité d’inspiration et d’allure. Si l’on excepte la phrase du milieu, et populum tuum qui s’anime peu à peu, et s’éclaire d’un grand rayon de joie (cum ingenti gaudio, avec sa cadence en la mineur), tout le reste est pour ainsi dire sans mouvement, en dépité des deux élans passagers au do aigu : sorte de grand balancement, ondulant autour de la tierce modale fa-la, et qui s’achève dans la quasi-immobilité silencieuse par où il avait commencé.

    Dom Gajard

    Et le voici dans une belle polyphonie de Nicolas Zieleński, le premier grand compositeur polonais, maître de chapelle du primat de Pologne au début du XVIIe siècle, qui avait mis en musique tous les offertoires (et toutes les communions) de l’année liturgique. On remarque que la partition fut publiée à Venise. La musique de Zielenski est influencée par la musique vénitienne de l’époque (Gabrieli), comme le sera ensuite celle de Schütz.

  • Lundi de la troisième semaine de carême

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    ℟. Tóllite hinc vobíscum múnera, et ite ad dóminum terræ: et cum invenéritis, adoráte eum super terram : * Deus autem meus fáciat eum vobis placábilem: et remíttat et hunc fratrem vestrum vobíscum, et eum quem tenet in vínculis.
    . Súmite de óptimis terræ frúgibus in vasis vestris, et deférte viro múnera.
    ℟. Deus autem meus fáciat eum vobis placábilem: et remíttat et hunc fratrem vestrum vobíscum, et eum quem tenet in vínculis.

    Prenez avec vous d’ici des présents, et allez au maître de ce pays, et lorsque vous serez auprès de lui, saluez-le en vous prosternant contre terre. Prenez des meilleurs fruits de ce pays-ci dans vos vases, et portez-les à cet homme en présent. Que mon Dieu vous le rende favorable, afin qu’il renvoie avec vous celui-ci d’entre vos frères, et celui qu’il retient dans les liens.

    Cette semaine se termine la lecture de la Genèse. C’est l’histoire de Joseph (et non le « roman de Joseph » comme osent le dire les néo-exégètes y compris « catholiques ») qui se déroule depuis hier jusqu’à samedi. Et cette année il se trouve que c’est cette semaine qu’a lieu la fête de saint Joseph. On connaît le rapport entre les deux Joseph, mais le Joseph de la Genèse est d’abord une prophétie christique, de la Passion, de la Résurrection, de l’Eglise, de l’Eucharistie. Mais le répons ci-dessus (tous les répons des féries de la semaine sont sur Joseph), élaboré à partir des versets 11 à 14 du chapitre 43, n’est pas sans faire penser à l’adoration des mages. Les mages étant ici les frères de Joseph, qui conformément au songe qu’il avait fait, se prosternent devant lui : ce sont les fondateurs des 12 tribus qui se prosternent devant le Christ.

    Ci-dessus le répons dans l'antiphonaire cistercien de Lubiąż (Leubus), de 1295, conservé à la bibliothèque universitaire de Wrocław. Les lettrines sont remarquables:

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    Sur la page précédente il y a celle-ci :

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    Et la page encore précédente est celle où commencent les répons de Joseph :

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  • 3e dimanche de carême

    Justítiæ Dómini rectæ, lætificántes corda, et judícia ejus dulciora super mel et favum : nam et servus tuus custódit ea.

    Les justices du Seigneur sont droites, elles réjouissent les cœurs, et ses jugements sont plus doux que le miel, et qu’un rayon plein de miel ; aussi votre serviteur les observe.

    L’antienne d’offertoire paraît être un simple verset de psaume. En réalité elle est composée d’expressions prises dans quatre versets du psaume 18.

    Screenshot_2020-03-12 GregoBase - Justitiae Domini.png

    Le texte chanté est différent. Il n’a pas « judicia ejus », et de ce fait il est affecté d’une faute de grammaire, inlassablement reproduite sur les manuscrits sans que ça ne gêne personne… (Le neutre « dulciora » ne qualifie plus le neutre « judicia » mais le féminin « justitiae ».)

    L’autre différence est que le chant a « custodiet » au lieu de « custodit » : le futur (qui se trouve dans le psautier romain) au lieu du présent.

    Maintenant, si l’on considère la mélodie, on trouve quelque chose de curieux. Elle est indiquée en mode 4, mode de mi, alors qu’elle est à l’évidence en mode 6, mode de fa. Jusqu’à la dernière note qui est en effet, contre toute attente, un mi. L’antienne est tellement en mode 6 que dans les deux premières éditions du Liber Gradualis de Solesmes (1883 et 1895), la mélodie se terminait non par la-sol-fa sol-fa-mi mi mais par une répétition du premier motif : la-sol-fa la-sol-fa fa.

    Sur le plan de l’expression, cette chute est tout aussi étonnante. L’antienne en effet est d’une joyeuse et ferme sérénité, d’un bout à l’autre, avec le retour plusieurs fois du motif souriant et affirmatif de « Domine », conformément à ce que chante le plus souvent le mode de fa (ancêtre du ton de fa majeur). Mais la finale en mi casse cette ambiance, introduit une incertitude. Et c’est le futur « custodiet » qui est ici illustré. S’il y avait « custodit » comme dans le missel (et le psautier de la Vulgate), l’antienne devrait se terminer sur un fa : ton serviteur garde tes commandements, c’est une constatation ferme. Mais au futur on ne peut pas en être si sûr : il « gardera ». Je garderai tes commandements. J’espère que je le ferai… Mais je suis faible et je peux succomber au péché… C’est ce que gémit ce « mi » insolite.

    Par les moines d'En Calcat, en 1956 :

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