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Eglise - Page 291

  • Vengeance d’outre-tombe

    Tout n’est pas clair dans l’affaire de Mgr Wielgus, qui a démissionné de son mandat d’archevêque de Varsovie au début de sa messe d’intronisation. Il semble qu’il ait cherché à minimiser sa « collaboration » avec la police secrète communiste. Cela dit, la plupart des commentateurs ignorent de quoi ils parlent. Eux-mêmes qui collaborent en permanence, sans vergogne, avec la police de la pensée, se prennent pour des justiciers de façon éhontée.

    Mgr Wielgus, a signé, semble-t-il à plusieurs reprises, des papiers selon lesquels il consentait à être un informateur de la police secrète. C’était dans le cadre de ses études d’histoire de la philosophie médiévale, qui impliquaient qu’il sorte du pays. Le fait de signer un tel papier n’était rien d’autre qu’une annexe quasi obligatoire du passeport et n’engageait à rien, sinon que cela pouvait être ensuite un moyen de pression (éventuellement efficace si la personne est promue à des postes de responsabilité). La commission épiscopale a confirmé l’existence de ses documents, mais a souligné que cela ne prouvait pas que Mgr Wielgus ait nui à qui que ce soit. Car il n’y a justement aucune trace de notes ou de rapports qu’il aurait fournis à la police secrète. Il y eut ainsi, pour une raison ou pour une autre, et souvent moins nobles que des études, de très nombreux « collaborateurs » de la police secrète, qui n’ont jamais eu l’intention de collaborer à quoi que ce soit.

    Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, le P. Federico Lombardi, a constaté que la démission de Mgr Wielgus était la meilleure solution, pour répondre au trouble provoqué par des « révélations » qui ont « gravement compromis sa crédibilité ». Mais, a-t-il ajouté, il s’agit d’un élément parmi d’autres d’une campagne contre l’Eglise en Pologne, qui « ressemble beaucoup à une bizarre alliance entre ses ennemis d’hier et d’autres adversaires, à une vengeance de qui l’a persécutée jadis avant d’être vaincu par la foi et la volonté de liberté du peuple polonais ».

    Il s’agit en effet d’une vengeance d’outre-tombe du communisme vaincu, et qui n’a pas fini de faire des victimes. Ce que le P. Lombardi appelle une « bizarre alliance » n’est pas si bizarre. Les « révélations » communistes ont pour relais des journaux et plumitifs d’extrême droite, ce qui n’a rien d’étonnant. On avait bien vu des activistes d’extrême droite devenir des cadres communistes, ou même des taupes communistes au sein de l’Eglise.

    Contrairement à ce qui a été dit ici et là, Radio Maryja, cataloguée chez nous comme intégriste, d’extrême droite, xénophobe, antisémite, etc., n’a participé en rien à la campagne contre Mgr Wielgus. Elle a au contraire (si je ne me trompe) défendu le prélat et soutenu les manifestations en sa faveur. Comme l’irréprochable Mgr Glemp, qui demeure provisoirement archevêque de Varsovie.

  • Curieux propos attribués au cardinal Bertone

    La documentation catholique publie en janvier un entretien avec le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d'Etat du Vatican.

    Interrogé sur « l'appui » qu’aurait manifesté le pape à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, selon le Premier ministre turc, Mgr Bertone rappelle que « le pape et le Saint-Siège n'ont pas de pouvoir particulier pour favoriser l'entrée de la Turquie en Europe ou y opposer un veto ». « Mais il semble bien, poursuit-il, que l'Europe sans la Turquie ne bénéficierait plus de ce pont entre l'Orient et l'Occident, que la Turquie a toujours été au cours de l'Histoire. La Turquie est depuis longtemps un partenaire de l'Europe. » Et de reprendre à son compte les arguments bien connus, et tant rebattus, des partisans de l’adhésion de la Turquie : « Aujourd'hui, la Turquie connaît un système de laïcité particulier et un régime qui tend vers plus de démocratie. Il est de l'intérêt de l'Europe de l'aider à être une véritable démocratie pour consolider toujours plus un système de valeurs… Laisser la Turquie hors de l'Europe risque en outre de favoriser le fondamentalisme islamiste à l'intérieur du pays. »

    Et il ajoute aussitôt ce très étrange propos : « L'intégration à l'Europe peut se réaliser par cercles concentriques avec un premier cercle des pays historiquement européens, actuellement réunis dans la zone euro, et un deuxième niveau pour ceux qui en sont plus éloignés. »

    Les pays historiquement européens actuellement réunis dans la zone euro ?

    Ainsi le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède, la Norvège, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la Croatie, la Serbie… ne seraient pas des pays historiquement européens ? Et ils pourraient faire partie d’un deuxième cercle « plus éloigné » en compagnie de la Turquie ?

    On a du mal à croire que le secrétaire d’Etat soit l’auteur de tels propos.

  • Zenit en arabe

    L’agence Zenit annonce qu’elle lance son édition en arabe, « à l’occasion de la visite du pape en Turquie ». On ne voit pas le rapport, puisque les Turcs ne parlent pas arabe, et que le service est destiné d’abord aux chrétiens de langue arabe, lesquels n’existent pas en Turquie… Quoi qu’il en soit, c’est une excellente initiative, qui permettra aux chrétiens arabophones, le plus souvent enfermés dans des sociétés islamiques, d’avoir un regard direct et quotidien sur la vie de l’Eglise. Et, qui sait, de toucher des musulmans.

    Cette nouvelle édition travaillera en collaboration avec la section arabe de Radio Vatican et la revue Oasis du patriarcat de Venise.

    Il n'est pas possible pour le moment de visualiser les informations en langue arabe sur le site de Zenit. La construction de la page est en cours. Seul l'abonnement par courriel est disponible : infoarabic@zenit.org, en indiquant le nom complet, le pays et l’adresse électronique de la personne souhaitant être abonnée, ainsi que le type d'abonnement (quotidien ou hebdomadaire). Cette initiative, que Zenit avait à cœur depuis longtemps, a pu voir le jour grâce à une subvention de l'Aide à l'Eglise en Détresse qui a accepté de couvrir, pendant un an, les frais liés à cette nouvelle édition.

  • Parole d’évêque

    A l’ouverture de l’assemblée plénière des évêques portugais à Fatima, le président de la conférence épiscopale, Mgr José Ortiga, s’est exprimé sur le référendum qui va être prochainement organisé sur l’avortement.  Il a déclaré que l’on ne peut pas justifier « le droit d’avorter pour une femme en invoquant le droit à disposer de son corps parce que celui qui est conçu n’est pas un appendice de la mère mais une réalité autonome et donc inviolable ». Il a ajouté : « On ne peut pas reconnaître au pouvoir constitué une quelconque compétence pour libéraliser ou dépénaliser ce qui, par nature est un crime. » Tout est dit en quelques mots.

    On lira d'autre part avec grand profit la réflexion de Jeanne Smits, sur son blog, à propos du référendum au Dakota du Sud, sur le thème de l'avortement et de la prudence politique.

  • Recevoir Vatican II ?

    Au terme de l’assemblé plénière des évêques de France, Mgr Ricard a de nouveau évoqué la question de « l’accueil de ceux qui gardent un attachement à la messe dite de saint Pie V », qui doit se faire « dans la charité et la vérité », etc. Et il a répété aussi aux évêques qu’il leur restait à « recevoir » Vatican II pour vérifier « que l’on ne met pas sous son patronage des façons de vivre, de penser, de célébrer ou de s’organiser qui n’ont rien à voir avec lui ».

    Chiche.

    Voici donc, pour en rester à la liturgie, ce que les évêques vont découvrir s’ils veulent « recevoir » Vatican II :

    « Obéissant fidèlement à la tradition, le saint Concile déclare que la sainte Mère l'Eglise considère comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et qu'elle veut, à l'avenir, les conserver et les favoriser de toutes manières. »

    « Absolument personne d'autre [que le Saint-Siège et les évêques], même prêtre, ne peut de son propre chef ajouter, enlever ou changer quoi que ce soit dans la liturgie. »

    « L’usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les rites latins. »

    « On pourra donner la place qui convient à la langue du pays dans les messes célébrées avec concours de peuple, surtout pour les lectures et la "prière commune", et, selon les conditions locales, aussi dans les parties qui reviennent au peuple. On veillera cependant à ce que les fidèles puissent dire ou chanter ensemble en langue latine aussi les parties de l'ordinaire de la messe qui leur reviennent. »

    « Les pasteurs veilleront à ce que les Heures principales, surtout les vêpres, les dimanches et jours de fêtes solennelles, soient célébrées en commun dans l'église. On recommande aux laïcs eux-mêmes la récitation de l'office divin, soit avec les prêtres, soit lorsqu'ils sont réunis entre eux, voire individuellement. Selon la tradition séculaire du rite latin dans l'office divin, les clercs doivent garder la langue latine. »

    « L'Église reconnaît dans le chant grégorien le chant propre de la liturgie romaine ; c'est donc lui qui, dans les actions liturgiques, toutes choses égales d'ailleurs, doit occuper la première place. »

    Enfin, il n’est dit nulle part que l’orientation doive être inversée et la messe célébrée face au peuple.

  • Le mystère Ortega

    Daniel Ortega va sans doute remporter l’élection présidentielle au Nicaragua, malgré les efforts des Etats-Unis pour empêcher le retour de l’ancien guérillero, qui renversa Somoza en 1979 avec l’aide de Castro et installa son régime « sandiniste », à savoir communiste, dans ce pays d’Europe centrale très catholique, mais gangrené par la « théologie de la libération ».

    On se souvient qu’en 1983 le pape Jean-Paul II avait dû présider une messe dans un décor ouvertement révolutionnaire, et qu’il avait été sifflé et hué lorsque dans son homélie il avait critiqué le « sandinisme ».

    Le révolutionnaire Ortega, toujours en treillis comme son mentor Castro, qui avait mené une guerre sans merci contre les opposants armés et héroïques de la Contra , a été le seul dictateur communiste à organiser des élections libres. Le paradoxe est même que si Ortega n’avait pas fait la révolution il n’y aurait peut-être toujours pas d’élections libres au Nicaragua.

    C’était en 1990, et il fut battu. Il s’est présenté de nouveau en 1996 et en 2001, chaque fois battu par un candidat de la droite unie. Cette fois, la droite était divisée, avec deux candidats importants. Et Ortega est en passe de redevenir président, démocratiquement, en bénéficiant d’une loi qu’il a contribué à faire voter, stipulant que le candidat est élu s’il obtient 35 % des voix au premier tour avec une avance de 5 % sur le suivant.

    Ortega, quoique toujours dirigeant du Front sandiniste de libération nationale, a jeté son treillis aux orties, et dans ses discours il ne fait plus aucune mention du marxisme ni du combat anti-impérialiste. D’ailleurs ses députés ont voté le traité de libre-échange avec les Etats-Unis. En revanche il parle sans cesse de Dieu, du Christ et de l’Eglise, et il a multiplié, lors de ses meetings, des drapeaux roses qui prennent le pas sur les drapeaux rouge et noir du FSLN. Il se veut un combattant de la paix, de l’amour et de la réconciliation, et a pris comme candidat à la vice-présidence un ancien chef de la Contra , Jaime Morales…

    Cette année, il s’est même marié à l’église, avec la femme qui lui a donné six enfants. Et c’est le cardinal Obango y Bravo, archevêque de Managua, qui a donné la bénédiction. (Le cardinal Obango y Bravo avait salué la chute du dictateur Somoza par une « messe de la victoire », avant de devenir un opposant au régime sandiniste puis un artisan de la réconciliation.)

    Le 26 octobre dernier, le Parlement nicaraguayen a voté une loi d’interdiction totale de l’avortement. Daniel Ortega a pris position en faveur de cette loi.

    On peut assurément se demander si l’ancien révolutionnaire s’est vraiment converti ou s’il joue le converti avec le plus parfait cynisme, dans ce pays très catholique, dans le seul but de reprendre le pouvoir. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes en Amérique latine, où les choses ne sont jamais aussi claires…

  • Le cardinal Pompedda

    Le cardinal Mario Francesco Pompedda est mort, à l’âge de 77 ans. On dit qu’il faisait partie de « l’aile libérale », et certains lui avaient attribué la paternité du « journal du conclave » racontant ce qui s’était passé pour l’élection de Benoît XVI. Peu importe. Pour nous, le nom du cardinal Pompedda est lié à un grand souvenir : il avait été l’envoyé spécial de Jean-Paul II aux cérémonies du septième centenaire de la mort de saint Yves, en mai 2003, à Tréguier. Pour honorer le saint patron des hommes de loi, le pape avait tenu à se faire représenter par le plus haut magistrat de l’Eglise, puisque le cardinal Pompedda était préfet du tribunal suprême de la signature apostolique et président de la Cour de cassation de l’Etat du Vatican. Le gouvernement français, quant à lui, avait délégué le… secrétaire d’Etat aux personnes handicapées… A cette occasion, Jean-Paul II avait envoyé un superbe message à l’évêque de Tréguier, rappelant notamment que la loi civile doit se conformer à la loi morale naturelle si l’on veut que les droits de l’homme aient un sens. Tout le message, soulignant « l’étonnante actualité » des valeurs vécues par saint Yves, était une réfutation du « Non à une loi morale qui primerait la loi civile », expression par laquelle Jacques Chirac avait rejeté l’encyclique Evangelium vitæ.

  • Le message des évêques

    Il y a du bon et du moins bon, mais il y a quelque chose, ce qui est déjà beaucoup, dans le Message du conseil permanent des évêques de France à l ‘occasion des prochaines élections. Il est manifeste que le pontificat de Jean-Paul II commence (enfin !) à porter ses fruits, et que celui de Benoît XVI accroît singulièrement le mouvement.

    Il y a tout d’abord ce qui devrait aller de soi, mais qui fait presque figure de nouveauté, tant on avait l’habitude de voir les évêques s’exprimer en matière politique et sociale comme si Dieu n’existait pas. Le message commence par « l’appel de Dieu à la conscience de l’homme » : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Les évêques auraient pu rappeler (car qui aujourd’hui connaît la Genèse  ?) qu’il s’agit en fait de l’acte d’accusation de Caïn qui vient de tuer son frère Abel. Cela donne au propos un sens très fort : comment as-tu pu tuer ton frère ? Les évêques ont semble-t-il eu peur de dire que les atteintes à la fraternité – à la charité – sont littéralement homicides.

    Mais on doit leur donner acte qu’ils soulignent que pour un chrétien la fraternité vient du fait que nous disons Notre Père.

    Et le message se conclut par une citation de la première épître de saint Pierre, se terminant ainsi : « Honorez tout le monde, aimez vos frères, craignez Dieu ». Un document épiscopal qui conclut sur la « crainte de Dieu », voilà qui est assez remarquable.

    Le message évoque avec une certaine insistance la « doctrine sociale de l’Eglise », expression qui avait quasiment disparu, parce qu’on ne voulait pas laisser penser que l’Eglise puisse, avec une autorité doctrinale, empiéter sur les prérogatives des acteurs laïques.

    Le message reprend aussi l’expression « vivre-ensemble », qui pour le coup vient d’ailleurs, et qui est devenue une tarte à la crème du politiquement correct. Mais les évêques lui donnent un sens précis. National. Mais oui. L’homme doit « répondre librement à l’appel à aimer sa famille, sa cité et son pays ». « Il n’est pas de citoyen du monde qui ne soit d’abord citoyen de son pays. » « Aimer son pays, soulignent-ils, ne consiste pas seulement à l’aimer virtuellement, par à coup, où lorsque tel événement suscite l’émotion. » La charité exige que le chrétien porte secours à son frère en difficulté, mais cela « n’épuise pas les devoirs », la charité exige aussi l’action politique : « L’action, par le biais du politique, est une forme indispensable de l’amour du prochain. Celui qui méprise le politique ne peut pas dire qu’il aime son prochain et répond à ses attentes. Celui qui méprise le politique méprise la justice. »

    Les évêques soulignent que si les hommes politiques « sont conduits à se plier au fonctionnement des médias où le slogan masque souvent la complexité des analyses de situation », le citoyen est en droit d’attendre d’eux « un effort de vérité devant les effets de la médiatisation », et ils ajoutent que le débat est essentiel, car « la démocratie, pour vivre, a besoin que chacun puisse exprimer son avis et l’exprime effectivement ».

    Qu’on le veuille ou non, et assurément les rédacteurs du message ne le veulent pas, ces propos concernent au premier chef le sort qui est réservé à Jean-Marie Le Pen et au Front national. Car ceux-ci ne doivent pas seulement se plier au fait que le slogan masque les analyses, ils doivent d’abord subir des slogans fabriqués contre eux, et ils ne peuvent pas exprimer effectivement leur avis, malgré leur gigantesque « effort de vérité » tentant de faire face à l’attitude hostile des médias.

    Mais les évêques ne pensent pas seulement aux hommes politiques, ils pensent aussi à eux-mêmes : plus loin, ils disent que « l’Eglise est prête à prendre part à un débat loyal où son avis ne serait pas disqualifié au départ ou marginalisé »… C’est à propos des questions de la vie et de la famille. Et sur ces sujet le message est ferme : « Comment construire la confiance si la société accepte l’exclusion des plus faibles, depuis la pratique de l’avortement jusqu’à la tentation de l’euthanasie ? » Il faut « promouvoir l’institution familiale », soulignent-ils, il est nécessaire de « garder au mariage son caractère unique d’union acceptée librement, ouverte à la procréation et institutionnellement reconnue ».

    Dans le cadre des « chantiers de la fraternité », le message évoque aussi, bien entendu, l’immigration. Ici, le discours est plus flottant, et balance entre le fameux accueil de l’étranger, qui doit être « généreux », et le fait que « nous ne pouvons pas recevoir tout le monde ». Balancement qui devient très périlleux lorsque les évêques affirment d’un côté qu’il est « normal que notre pays définisse une politique de l’immigration » (on en prend acte), et de l’autre côté qu’il est « impossible de renvoyer tous les clandestins » : il est normal que la loi définisse qui est clandestin, mais on ne peut pas appliquer la loi…

    C’est un balancement du même type que l’on constate en ce qui concerne l’Europe. D’un côté « l’Europe est devenue la condition de la liberté et de la prospérité de notre pays », mais il existe un bien commun national, et si l’unité nationale prend une nouvelle forme avec la régionalisation et l’Union européenne, on ne peut accepter une « disparition de l’Etat au profit d’une construction européenne qui risquerait alors de se réduire à des structures bureaucratiques ». C’est pourquoi les évêques en appellent à « un sens renouvelé de l’Etat, garant de l’unité nationale, dans un espace circonscrit à la fois par les régions et par l’Europe élargie ».

    Et ils concluent : « La prochaine présidence de la République aura à cet égard un rôle décisif. » En effet. Mais quel est le candidat qui met en avant l’unité nationale et refuse la disparition de l’Etat dans le magma « européen » ?

  • A propos des limbes

    Lors de l’assemblée plénière de la Commission théologique internationale, qui s’est tenue au Vatican au début de ce mois, les théologiens catholiques ont poursuivi leur réflexion engagée en 2004 et portant jusqu’en 2008 sur différents thèmes, notamment les limbes.

    Contrairement à ce que l’on a pu lire ici ou là, ils sont arrivés à une première conclusion : « L'idée des limbes, comme lieu auquel sont destinées les âmes des enfants morts sans baptême, peut être abandonnée sans problème de foi », car elle n'est « ni essentielle, ni nécessaire ».

    Ce n’est pas une surprise. Les limbes ne figurent pas dans le Catéchisme de l’Eglise catholique promulgué par Jean-Paul II, et le cardinal Ratzinger, dès 1984, s’était prononcé pour l’abandon de cette « hypothèse théologique » qu’il jugeait « problématique ».

    L’hypothèse des limbes a une longue histoire, mais elle a surtout pris corps au moyen âge, notamment avec saint Thomas d’Aquin, et s’est peu à peu imposée, au point d’être enseignée dans le catéchisme de saint Pie X.

    Mon opinion personnelle (mais je ne suis pas le seul à le penser) est qu’il ne s’agit pas d’une hypothèse mais d’une erreur, due au développement d’une théologie occidentale de plus en plus rationalisante et, en matière eschatologique, judiciaire, qui tente de mettre le mystère en fiches, en diagrammes et en verdicts au lieu de le contempler (rappelons que les orientaux appellent théologie, au sens propre, la contemplation).

    Le Christ est mort et ressuscité pour sauver tous les hommes. Il a déchiré le chirographe de la dette que nous avait légué Adam. Il est la lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. Pour être damné, il faut refuser cette lumière. L’enfant qui vient de naître ne le peut pas. Il ne peut donc pas être damné, même à la peine ultra-allégée des limbes. Le baptême confère le salut, mais cela n’implique pas que celui qui n’a pas pu être baptisé soit damné : « Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. » Le baptême n’apparaît pas dans la deuxième partie de la phrase, alors que le parallélisme entre les deux propositions impliquerait logiquement qu’il y soit. C’est celui qui ne croira pas qui sera condamné, non pas celui qui ne sera pas baptisé. Dieu est amour, Dieu est miséricorde, il ne peut pas laisser dans un « lieu » (quelle drôle d’expression) tel que les « limbes » (en « bordure » de l’enfer !) les âmes d’enfants qui n’ont pas pu refuser sa grâce.

    Les limbes sont une insulte à l’amour de Dieu, à la miséricorde de Dieu, et à la toute-puissance de Dieu, qu’on veut réduire à la mesure de notre petit cerveau. Je me souviens d’avoir entendu Jean-Marie Paupert, pourtant fervent thomiste, traiter d’imbéciles (au sens propre du mot) les partisans des limbes.

    Cela me fait penser à l’immaculée conception. Saint Thomas d’Aquin, et de nombreux autres théologiens, avaient montré, par un raisonnement impeccable (c’est le cas de le dire) que l’immaculée conception était impossible. Parce que si l’on raisonne selon les catégories de la raison humaine, elle est effectivement impossible : aucune créature humaine ne peut échapper au péché originel. N’empêche que la Mère de Dieu a méchamment taclé saint Thomas d’Aquin lorsqu’elle a dit à Bernadette : Je suis l’Immaculée Conception. En disant cela elle ne confirmait pas seulement le dogme que venait de définir le pape : elle ne disait pas seulement qu’elle avait été conçue sans péché, mais qu’elle est elle-même la Conception immaculée. Ce qui est impossible à « comprendre ». Et pourtant « l’explication » se trouve dans la liturgie de la sainte Vierge, qui fait de Marie comme une incarnation de la Sagesse éternelle. Elle se trouve dans le mystère d’une femme dont la conception se situe hors du temps, donc « en amont » du péché originel, et qui est elle-même cette Conception, dans le Saint-Esprit.

    Il y a des domaines où il faut arrêter de raisonner. Et passer à la vitesse supérieure : l’adoration. Et cela, c’est la vie éternelle. Il n’y a pas de « lieu » qui s’appelle les limbes, mais le paradis n’est pas non plus un « lieu » « après la mort », le paradis c’est connaître et aimer Dieu dans la prière et la contemplation, vivre en Dieu. Ici et maintenant. (Cela se trouve noir sur blanc dans l’Evangile.) Le paradis n’est pas plus un lieu que l’éternité n’est une durée. Il faut se dégager de l’espace-temps pour comprendre quelque chose au mystère divin. C’est très difficile, mais nous avons des outils extrêmement performants pour cela : la prière et les sacrements, et d’abord la messe qui nous met en contact direct avec « l’au-delà ».

  • Il n’y avait pas de « provocation »

    Vérification faite, le pape n’a pas parlé de « courage de la provocation » dans la l’affirmation de la foi, dans sa catéchèse de mercredi. Le texte qu’il a prononcé est celui qui a été publié par le Vatican : « Il faut être bien conscient que notre identité chrétienne requiert force, clarté, et courage face à toutes les contradictions du monde dans lequel nous vivons. »

    Il est curieux que l’AFP ait entendu « provocazione » au lieu de « contraddizione ».

    Il est vrai que le propos du pape – son commentaire des propos « polémiques » de l’épître de saint Jude, son appel au courage dans l’affirmation de l’identité chrétienne ­– va tout à fait dans ce sens-là. Car dans « le monde dans lequel nous vivons », cette affirmation ne peut être vue que comme une provocation.

    Mais il n’a pas prononcé le mot. A vrai dire, c’était très étonnant qu’il le fît, car ce n’est pas dans son vocabulaire.

    Au fond, cela aura permis d’attirer l’attention, premièrement sur ses remarquables catéchèses, et deuxièmement sur celle-là où il appelle à témoigner de la foi et de l’identité chrétienne avec « force, clarté et courage ». C’est très bien ainsi.