Une association polonaise pro-vie, Ordo Iuris, a établi un « classement international à la lumière de la protection de la vie humaine pendant sa phase de développement prénatal », nous dit un article de Réinformation.TV. Un classement qui renverse des mythes, nous dit-on. Le premier étant celui d’une Pologne qui aurait une législation très restrictive en matière d’avortement : le pays n’arrive qu’en 127e position, finalement pas si loin de la France, 164e.
On comprend parfaitement l’intention d’Ordo Iuris, d’autant mieux que c’est une association qui se fonde sur le plan de la loi, comme son nom l’indique, et dont l’action s’inscrit dans le combat en cours pour l’interdiction de l’avortement eugénique en Pologne.
Mais les conclusions (ici en polonais) relèvent d’une illusion d’optique. Le classement est sans doute inattaquable sur le plan strictement légal, mais il ignore superbement que dans la majorité des Etats du monde la loi n’a que peu d’importance, et qu’il y a loin de la loi à la réalité de la « protection de la vie ».
Ainsi le Maroc est-il beaucoup mieux classé que la Pologne (71e), alors qu’on y pratique à l’évidence, et ouvertement, infiniment plus d’avortements. D’ailleurs l’avortement y est « légal » en ce sens que la femme qui va se faire avorter signe un papier attestant qu’elle est en état d’hémorragie suite à une fausse couche spontanée…
Il en est de même par exemple pour la Corée du Sud, où l’avortement est théoriquement interdit mais pratiqué à grande échelle dans les hôpitaux, même si le gouvernement vient de rappeler qu’il est interdit. Dans ce pays 1 femme sur 5 affirme avoir déjà avorté.
Or la Corée du Sud est 106e au classement, en réalité à peu près au même niveau que la Pologne. Mais la Pologne est plus loin parce que dans ce pays il n’y aurait pas de restriction à l’avortement en cas de danger pour la santé physique ou mentale de la mère. Mais la considération de la législation est absurde si on ne la couple pas avec d’autres statistiques, et d’abord avec celles du nombre d’avortements. Car il y a moins de 2.000 avortements légaux en Pologne, dont la moitié en raison du risque pour la mère (la moitié pour eugénisme, presque tous pour trisomie). Alors que, avec une législation un peu plus restrictive, il y a des centaines de milliers d’avortements en Corée du Sud, avortements certes « illégaux » mais en milieu hospitalier comme s’ils étaient légaux.
Autrement dit la situation réelle de « la protection de la vie humaine pendant sa phase de développement prénatal » est que la Pologne est l’un des pays les plus sûrs du monde, bien plus sûr que nombre de pays du tiers monde ou d’îlots du Pacifique où l’avortement est interdit mais où les mères meurent de faim ou de maladie avant de mettre leur enfant au monde… ou en couches. Car cela aussi c'est une réalité.
D’autre part il y a un triste gag dans ce classement. Le Vatican (sic) est 8e : après les 7 pays qui interdisent totalement l’avortement. Parce que, nous dit-on en note, le code pénal italien s’impose au Vatican. Or selon la loi italienne l’avortement est autorisé jusqu’au 90e jour de grossesse. Ce qui met l’Italie au 184e rang dans le classement. Et pourquoi le « Vatican » n’est-il pas lui aussi au 184e rang ? Parce que l’auteur d’un avortement au Vatican (?) encourt l’excommunication…