François avait fait savoir que cette année il n’irait pas prier devant la statue de la Vierge place d’Espagne à Rome. Sous prétexte de pandémie, naturellement. Sans doute des conseillers l’ont-ils convaincu que cette nouvelle rupture de tradition ne serait pas bien perçue dans ce qui reste du peuple catholique assidu aux faits et gestes de ce pape. Il s’est donc rendu en catimini devant la « colonne de l’Immaculée Conception », à l’aube, juste pour la photo.
Et ce jour-là il a décrété que c’était le début d’une « année spéciale saint Joseph ». Sous prétexte que c’est le 150e anniversaire de la proclamation de saint Joseph comme patron de l’Eglise. Il est du reste curieux que Pie IX ait fait cette proclamation « en ce jour consacré à la Vierge Immaculée, Mère de Dieu, épouse du très chaste Joseph », alors que ce jour – Pie IX était bien placé pour le savoir - n’est pas la fête de la femme de Joseph mais la fête de la Conception immaculée de Marie.
François s’est donc fendu d’un nouveau texte, sur saint Joseph, dont on apprend qu’il « a toujours été aimé par le peuple chrétien » (mais il a été discrètement introduit dans le calendrier romain en… 1476), et dont on doit savoir surtout qu’il est le saint patron des immigrés clandestins musulmans qui envahissent l’Europe, et donc... de l’accueil des étrangers… Et dans ce document il n’y a plus aucune allusion à l’Immaculée.
Mais en fait le grand sujet du jour, au Vatican, ce fut le lancement du partenariat avec le « Conseil pour le capitalisme inclusif ». A la tête de cet organisme il y a 27 « Gardiens du capitalisme inclusif », dont des chefs de très grosses entreprises (Mastercard, Dupont, Visa, BP, Johnson et Johnson, Estée Lauder…)… et de la Fondation Rockefeller. Le Conseil « revendique plus de 10.500 milliards de dollars d’actifs, plus de 2,1 milliards de dollars de capitalisation boursière et 200 millions de travailleurs dans plus de 163 pays ».
Le magazine Forbes souligne l’ironie de la chose : « ces gens qui en appellent à la fin des inégalités de richesses et de revenus sont extraordinairement riches » : le plus riche a un patrimoine de 90 milliards de dollars. Plusieurs d’entre eux gagnent plus de 20 millions de dollars par an. Ils pourraient aisément donner l’exemple en donnant une petite partie de leurs revenus, souligne Forbes, mais quand leurs entreprises financent des projets humanitaires, ce n’est jamais sur leurs fonds personnels, c’est toujours l’entreprise, donc les actionnaires…
On goûtera la prose de Lynn Forester de Rothschild, une des 27, qui a fondé Inclusive Capital Partners et qui a eu l’idée de ce Conseil : « Le capitalisme a créé une énorme prospérité mondiale, mais il a également laissé trop de gens derrière, il a conduit à la dégradation de notre planète, et souvent la société ne lui fait pas confiance. Ce Conseil suivra l'avertissement du Pape François d'écouter “le cri de la terre et le cri des pauvres” et de répondre aux demandes de la société pour un modèle de croissance plus équitable et plus durable. »
Trève d’ironie et d’hypocrisie. On notera surtout que toutes les actions du « Conseil pour un capitalisme inclusif avec le Vatican » visent fondamentalement à promouvoir « des mesures environnementales, sociales et de gouvernance » afin « d'atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies ». Objectifs, déjà explicitement soutenus par le pape, qui comprennent le droit au « planning familial » et à la « santé reproductive », autrement dit à la contraception et à l’avortement.