Lettre de saint Clément aux Corinthiens, 45-50 :
Vous rivalisez d'ardeur, frères, dans les choses du salut. Vous vous êtes longuement penchés sur les Écritures saintes, qui sont véridiques, qui nous viennent du Saint-Esprit Vous savez quelles ne contiennent ni injustice, ni fausseté. Vous n'y trouverez pas que des justes aient été chassés par des hommes pieux. Les justes ont été persécutés, mais par des pécheurs ; emprisonnés, mais par des impies ; lapidés, mais par des méchants ; mis à mort, mais par des hommes remplis d'une honteuse et criminelle jalousie. Ces souffrances, ils les ont endurées glorieusement.
Que dire en effet, frères ? Est-ce par des hommes craignant Dieu que Daniel a été jeté dans la fosse aux lions ? Ananias, Azarias et Misaël, est-ce par des serviteurs doués au service inestimable et glorieux du Très-Haut, qu'ils ont été jetés dans la fournaise ardente ? En aucune façon. Qui donc les traitait de la sorte ? Des individus odieux, remplis de toute espèce de malice, et qui excitèrent leur rage jusqu'à livrer aux tortures des serviteurs de Dieu, saints et irréprochables, ignorant que le Très-Haut protège et défend ceux qui servent son saint nom en toute pureté de conscience. A Lui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.
Quant à ceux qui ont souffert avec confiance, la gloire et l'honneur ont été leur héritage, Dieu les a exaltés et les a inscrits dans le livre, pour y conserver leur mémoire aux siècles des siècles. Amen.
C'est à ces exemples que nous devons, nous aussi, adhérer, frères. "Attachez-vous aux saints, car en s'attachant à eux on se trouve sanctifié " Et dans un autre endroit : " Tu seras pur avec le pur, élu avec l'élu, mais rusant avec le fourbe" (Ps 17, 26-27). Attachons-nous donc aux hommes purs et justes, car ce sont eux qui sont les élus de Dieu. Que signifient parmi vous les querelles, les éclats, les dissensions, les schismes et la guerre ? N'avons-nous pas un seul Dieu, un seul Christ, un seul esprit de charité répandu sur nous, une seule vocation dans le Christ ? Pourquoi déchirer et écarteler les membres du Christ ? Pourquoi vous révolter contre votre propre corps ? en venir à ce point de démence d'oublier que nous sommes membres les uns des autres ? Souvenez-vous des paroles de Jésus, Notre Seigneur : "Malheur à cet homme! Mieux vaudrait pour lui n'être pas né que de scandaliser un seul de mes élus ! Mieux vaudrait pour lui se voir passer autour du cou une pierre à moudre et être précipité dans la mer que de pervertir un seul de mes élus" (Mt 26, 24 ; Lc 17, 2).
Or, votre schisme en a perverti beaucoup, il en a jeté beaucoup dans le découragement, beaucoup dans le doute, nous tous dans la tristesse !
Et votre querelle se prolonge !
Reprenons la lettre du bienheureux Apôtre Paul. Que vous a-t-il écrit dans les commencements de l'Évangile ? En vérité, il était inspiré par l'Esprit lorsqu'il vous a écrit au sujet de Céphas et d'Apollos, car à cette époque déjà vous formiez des partis ; mais cela vous rendait alors moins coupables, car vos partis se formaient autour d'Apôtres autorisés ou d'hommes éprouvés par eux. Mais aujourd'hui voyez quels hommes vous ont troublés et comment se sont affaiblis votre charité fraternelle et le renom de sainteté qu'elle vous donnait.
C'est une honte, bien-aimés, une honte par trop grande ; c'est indigne d'une conduite soumise au Christ qu'on raconte que l'Église de Corinthe s'est révoltée contre ses presbytres à cause d'un ou deux individus. Et le bruit n'en est pas venu seulement jusqu'à nous, mais aussi jusqu'à ceux qui ne partagent pas notre foi, de sorte que le nom du Seigneur est blasphémé à cause de votre folie, et que vous vous exposez vous-mêmes à des dangers.
Faisons donc disparaître ce mal au plus vite, et jetons-nous aux pieds du Maître et supplions-le avec larmes de se montrer favorable, de nous réconcilier, de rétablir chez nous la pratique pieuse et sainte de la charité fraternelle. Car la charité est une porte de justice qui s'ouvre sur la vie, selon qu'il est écrit : "Ouvrez-moi les portes de justice, j'entrerai et je rendrai grâce au Seigneur. C'est ici la porte du Seigneur, c'est par elle que les justes entreront" (Ps 117,19-20).
Beaucoup de portes nous sont ouvertes : celle de la justice est celle du Christ. Bienheureux ceux qui entrent et dirigent leur marche "dans la sainteté et la justice" (Lc 1, 75), et qui accomplissent sans désordre tous leurs devoirs !
Quelqu'un est-il fidèle, capable d'exposer une connaissance, quelqu'un est-il sage dans le discernement des discours, ou chaste dans sa conduite ? Il doit être d'autant plus humble qu'il paraît plus grand, et chercher l'utilité commune de tous et non la sienne.
Les sommets où nous porte la charité sont ineffables. La charité nous unit à Dieu, "la charité couvre une multitude de péchés" (1 P 4, 8). La charité supporte tout, la charité est longanime ; rien de mesquin dans la charité, rien d'orgueilleux. La charité ne fait pas de schisme, ne fomente pas de révolte ; elle accomplit toutes choses dans la concorde ; c'est la charité qui fait la perfection de tous les élus de Dieu ; sans la charité, rien n'est agréable à Dieu. C'est dans la charité que le Maître nous a tirés à lui ; c'est à cause de la charité qu'il a eue pour nous, que Notre Seigneur Jésus-Christ a donné son sang pour nous, selon le dessein de Dieu, sa chair pour notre chair, son âme pour nos âmes.
Vous voyez, bien-aimés, combien la charité est chose grande et admirable, et il n'est pas possible d'en expliquer la perfection. Qui peut être trouvé capable d'y atteindre, sinon celui à qui Dieu en a fait la grâce ?
Prions-le donc, et demandons à sa miséricorde d'être trouvés dans la charité, loin de toute acception de personnes, exempts de reproches. Toutes les générations, depuis Adam jusqu'à ce jour, ont passé, mais ceux qui ont été trouvés dans la charité par la grâce de Dieu demeurent dans le séjour des saints, qui se manifesteront lorsque apparaîtra le royaume du Christ. Il est écrit en effet : "Entrez dans vos chambres un instant, jusqu'à ce que soient passées ma colère et ma fureur ; et je me souviendrai d'un jour favorable, et je vous ferai remonter du tombeau" (Is 26, 20 ; Ez 37, 12).
Heureux sommes-nous, bien-aimés, si nous accomplissons les commandements de Dieu dans la concorde de la charité, afin que nos péchés nous soient remis à cause de la charité. Il est écrit en effet : "Heureux qui est acquitté de son péché, absous de sa faute. Heureux l'homme à qui le Seigneur n'impute aucun tort et dont la bouche est sans fraude " (Ps 31,1-2).
Cette béatitude s'adresse à ceux qui ont été élus de Dieu par Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.