Le mercredi 20 octobre 1599, le cardinal [Sfondrate] commanda d'enlever le pavé aux abords de l'autel. On déblaya ensuite la terre qui se trouvait sous les dalles, et on dégarnit les fondations du mur qui fermait l'enceinte souterraine. Ce mur ayant été attaqué lui-même, et une ouverture pratiquée avec beaucoup d'efforts dans son épaisseur, les regards pénétrèrent enfin dans l'espace vide qui s'étendait sous l'autel. Deux sarcophages de marbre blanc, placés côte à côte, à 3 pieds au-dessous du sol, apparurent aux yeux de Sfondrate.
Transporté d'une sainte joie, le cardinal songe à s'entourer de témoins respectables avant de procéder à l'ouverture des tombeaux. Il mande aussitôt l'évêque d'Isernia, vice-gérant du cardinal-vicaire; Jacques Buzzi, chanoine de la congrégation de Latran, et les Pères Pierre Alagona et Pierre Morra, de la Compagnie de Jésus. Ils arrivèrent bientôt accompagnés de plusieurs personnes de la maison du cardinal.
Après une nouvelle reconnaissance des lieux, on s'empressa d'ouvrir le premier tombeau, celui qui se trouvait le plus près de l'entrée du souterrain. Les ouvriers ayant enlevé la table de marbre qui le recouvrait, on aperçut dans l'intérieur un coffre en bois de cyprès. Ce cercueil ne présentait aucune trace de serrure, et la planche du dessus n'était point fixée avec des clous. Elle était fort mince et retenue au moyen d'une coulisse, en dedans de laquelle on pouvait la faire aller et venir. Sfondrate et les assistants furent quelque temps incertains sur les moyens qu'il leur fallait prendre pour ouvrir cette arche sacrée, que déjà tant d'indices leur désignaient comme celle-là même où reposait Cécile. Enfin le cardinal découvrit lui-même le moyen à employer, et de ses mains, tremblantes d'émotion, il enleva respectueusement le frêle obstacle qui dérobait la vue du corps de la vierge.
Le moment fut solennel. Après huit siècles d'obscurité et de silence, Cécile apparaissait encore une fois aux yeux des fidèles du Christ, dans l'ineffable majesté de son martyre. C'était bien encore dans l'intérieur du cercueil l'étoffe précieuse, quoique un peu fanée par le temps, dont Paschal avait fait garnir les parois. Les siècles avaient respecté jusqu'à la gaze de soie que le pontife avait étendue sur les restes glorieux de Cécile, et à travers ce voile transparent, l'or dont étaient ornés les vêtements de la vierge scintillait aux yeux des spectateurs. (…)
Mais qui n'eût aspiré à contempler de plus près la dépouille mortelle de l'épouse du Christ? Sfondrate leva enfin avec un profond respect le voile qui recouvrait le trésor que les mains d'Urbain et de Paschal avaient successivement confié à la terre, et les assistants eurent sous les yeux Cécile elle-même, dans toute la vérité de son sacrifice.
Elle était revêtue de sa robe brochée d'or, sur laquelle on distinguait encore les taches glorieuses de son sang virginal; à ses pieds reposaient les linges teints de la pourpre de son martyre. Etendue sur le côté droit, les bras affaissés en avant du corps, elle semblait dormir profondément. Le cou portait encore les cicatrices des plaies dont le glaive du licteur l'avait sillonné; la tête, par une inflexion mystérieuse et touchante, était retournée vers le fond du cercueil. Le corps se trouvait dans une complète intégrité, et la pose générale, conservée par un prodige unique, après tant de siècles, dans toute sa grâce et sa modestie, retraçait avec la plus saisissante vérité Cécile rendant le dernier soupir, étendue sur le pavé de la salle du bain. On se croyait reporté au jour où le saint évêque Urbain avait renfermé dans l'arche de cyprès le corps de Cécile, sans altérer en rien l'attitude que l'épouse du Christ avait choisie pour exhaler son âme dans le sein de son Epoux. On admirait aussi la discrétion de Paschal qui n'avait point troublé le repos de la vierge, et avait su conserver à la postérité un si grand spectacle.
(Dom Guéranger, Sainte Cécile et la société romaine, ch. 22)
On demanda au sculpteur Stefano Maderno d’immortaliser dans le marbre le corps de sainte Cécile tel qu’il était apparu. Ce fut le chef-d’œuvre de Maderno qui ensuite, éclipsé par le Bernin, se fit douanier… En réalité, si Maderno était très habile à reproduire ce qu’il voyait, le chef-d’œuvre est la sainteté de Cécile…
C’est dans l’église Sainte-Cécile du Trastevere, construite sur la maison de la martyre au Ve siècle. Elle avait été rénovée au IXe siècle par le pape Pascal qui découvrit le tombeau après une vision. L’église a été refaite à l’âge baroque, mais on a gardé la mosaïque qui représente le Christ avec sainte Cécile, d’autres saints, et le pape saint Pascal représenté (à gauche) avec une auréole carrée, ce qui montre que la mosaïque a été réalisée de son vivant.
Commentaires
Bonjour,
Radio Notre Dame ce matin parlait d'une Cécile historique et d'une Cécile légendaire dont les recits sont tardifs et relatifs à la découverte de la tombe au 6e siècle.
C'est le leitmotiv de l'impiété pour tous les anciens martyrs depuis longtemps. Je ne comprends pas vraiment pourquoi vous l'indiquez aujourd'hui. Si c'est pour souligner que Radio Notre Dame est en plein dans l'impiété historiquement correcte, je n'en vois pas l'intérêt puisque c'est la doctrine de cette radio.
Je me demandais si vous connaissiez les arguments des
historiens en toute objectivité.
@ Yves Daoudal
L'intérêt du commentaire de Quarere Deum, c'est de permettre à des personnes nouvellement converties au catholicisme (comme moi) de pouvoir trouver des éléments de réponse par rapport à des affirmations contradictoires.
Pour vous, je comprends que cela n'ait pas d'intérêt, mais est-ce que votre blog ne sert qu'à vous remémorer, à vous-même et à ceux qui ont grandi dans une culture catholique, ce que vous savez déjà?
A Quaerere Deum
Les arguments des historiens en toute objectivité, je ne comprends pas ce que ça veut dire. Personne n'est "objectif". J'ai montré récemment l'une des impostures des "historiens", qui est de considérer que n'est historique que ce que l'on peut prouver par des documents.
http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2018/11/11/aeterne-rerum-conditor-6104037.html
Ce n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres. J'ai parlé aussi de la légende de saint Ubald:
http://yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2017/05/16/saint-ubald-5944258.html
A Anne
Votre réaction est ahurissante. Si vous croyez que je fais un blog pour me remémorer ce que je sais déjà, c'est ou bien que vous me prenez pour un parfait abruti, ou bien que je suis gravement atteint par la maladie d'Aloïs (je ne sais plus son nom)...
@ Yves Daoudal
J'apprécie toujours la délicatesse et le raffinement de la charité à la mode française qui s'exprime par des réponses d'une courtoisie ''ahurissante''.
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@ Yves Daoudal
J'apprécie toujours la délicatesse et le raffinement de la charité à la mode française qui s'exprime par des réponses d'une courtoisie ''ahurissante''.
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Les radios dites chrétiennes sont insupportables. Il est préférable d'écouter les réseaux sociaux en faisant son tri. Dernièrement ce témoignage sur le pèlerinage de Chartres n'est-il pas magnifique ?
Marion Sigaut : "A la Pentecôte 2018 j’ai fait mon premier pèlerinage de Chartres."
https://www.youtube.com/watch?v=QNdwD7S6ZLE
M. Daoudal, je crois qu'il faut comprendre Anne. Je suis catho de naissance et nettement tradi, mais je dois admettre que j'ai un peu de mal avec certaines histoires de martyrs anciens. Il faut quand même tenir compte que sainte Philomène et saint Georges ont été retrogradés sous Jean XXIII, donc avant même le Novus Ordo Missae. Cela a forcément maréqué bien des esprits et même dans le missel édité par le Barroux, il y a des notices qui parlent de "détails légendaires" concernant quelques saints (je ne l'ai pas sous la main en ce moment, alors je n'ai pas vérifié pour sainte Cécile).. Il est vrai que ces notices ont été prises en bonne partie dans une édition du missel Feder, sous l'égide des j.ésuites je crois... Bref, ce n'est pas sans intérêt et ce pourrait être édifiant de rappeler quelquefois les raisons pour lesquelles on ne doit pas écarter du revers de la main les vieilles hagiographies. Aprèes tout, vous faites déjà en ce sens un travail convaincant avec vos commentaires bibliques.
il y a quand même des détails légendaires dans les vies de saints anciens; par exemple les légendes sur les origines de l'Eglise du Puy font de saint Georges (un autre) donné comme prezmier évêque du Velay, un disciple direct de saint Pierre, ce qui est invraisemblable; ce pauvre saint Georges avait la particularité d'avoir deux cranes, un au Puy et un à Saint Paulien; saint Paulien était l'ancienne capitale gallo-romaine du Velay, et aurait donc du être le siège de la cathédrale; ses chanoines, qui considéraient ceux du Puy comme des usurpateurs, conformément à la légende qui faisait de saint Georges le premier évêque du diocèse, avaient trouvé sur place des reliques à celui-ci; je pense que ce n'est pas un cas isolé et qu'il y a sans doute beaucoup de détails légendaires, par exemple, dans les vies de saints bretons
Le propos de Monsieur daoudal est parfaitement de mise .
L'un des cas les plus magnifiques est celui de Sainte Pétronille " fille de Saint Pierre "
Même à la fin du Moyen-Âge on ne croyait plus à son existence vraiment et que ce fût la fille de St Pierre. On pensait que son nom même était une forgerie à partir du nom de l'apôtre.
Et puis à la Renaissance quand on a fouillé les catacombes on a trouvé dans la catacombe de Domitille un superbe chapelle funéraire avec une fresque de belle envergure avec une grande orante et l'inscription "Petronella Martyr"... vérifiable en un clic sur Google Images!!
Quand sa filiation avec Saint-Pierre il s'agit d'une filiation spirituelle indiquant qu'elle était membre de l'Église romaine . Quel extraordinaire pied de nez à l'incrédulité moderne de rigueur !!! À force de ne pas vouloir être dupe on en devient couillon!
Il y a un cas aussi avec trois saints martyrs Roumains dont j'ai oublié le nom . Je recherche en vain depuis des années cette information vue dans les années 90 dans une publication de l'Institut d'archéologie chrétienne de Rome si je me souviens bien.
Tous les savants disaient que c'étaient des saints sans aucun lien les uns avec les autres importés et réunis à la faveur d'une translation de reliques .
Jusqu'au jour où on a trouvé à la faveur de travaux immobiliers dans les années 70 je crois une crypte avec 3 corps. Dessus chacun avait un écriteau avec son nom et ils etaient couchés sur le sol côté à côte dans l'ordre où la liturgie et le martyrologe les honoraient!!!
La mosaïque de saint Paschal 1er est à Sainte-Praxède, pas à Sainte-Cécile.
Il y a en effet une mosaïque similaire à Sainte-Praxède, mais avec... sainte Praxède.