Dom Guéranger donne en ce jour deux séquences médiévales qui chantent Marie Madeleine. Voici la seconde, qui était « parmi les plus rares », selon le Thesaurus hymnologicus de Hermann Adalbert Daniel. Entre diverses trouvailles qui ne nécessitent pas d’être un distingué latiniste pour être goûtées, il y a ce « Facto clamat quod cor amat » : par ce qu’elle faisait elle criait ce que son cœur aimait. On remarque aussi que c’est un temps où la scolastique rationnelle puis la « piété » sentimentale n’avaient pas encore imposé cette idée que la première apparition du Christ ressuscité aurait été pour sa mère : « Bienheureux les yeux (de Marie Madeleine) auxquels il a été donné de voir en premier le roi du monde après qu’il a déposé la mort. »
Mane prima Sabbati
Surgens Dei Filius,
Nostra spes et gloria.
Au matin du Dimanche, le Fils de Dieu, notre espérance et notre gloire, s’est levé du tombeau.
Victo rege sceleris,
Rediit ab inferis,
Cum summa victoria.
Vainqueur du roi du péché, il est remonté des enfers avec les honneurs du triomphe ;
Resurgentis itaque
Maria Magdalena
Facta est prænuntia.
Et Marie-Madeleine a été la messagère de sa résurrection glorieuse.
Ferens Christi fratribus,
Ejus morte tristibus,
Expectata gaudia.
Elle est allée porter aux frères du Christ, si désolés de sa cruelle mort, la nouvelle joyeuse et désirée.
O beati oculi,
Quibus regem sæculi,
Morte jam deposita,
Primum est intuita !
Heureux les yeux qui, les premiers, contemplèrent le maître du monde affranchi de la mort !
Hæc est illa femina,
Cujus cuncta crimina
Ad Christi vestigia
Ejus lavit gratia.
C’est cette femme dont tous les péchés furent lavés aux pieds du Christ, par sa grâce.
Quas dum plorat et mens orat,
Facto clamat quod cor amat,
Jesum super omnia.
Elle pleurait, son âme priait ; ses actions annonçaient ce que son cœur aimait, Jésus par-dessus tout.
Non ignorat quem adorat,
Quod precatur jam deletur,
Quod mens timet conscia.
Celui qu’elle adorait, elle le reconnaissait déjà ; ce qu’elle implorait, déjà elle l’avait obtenu : le pardon des fautes qui effrayaient sa conscience.
O Maria, mater pia,
Stella Maris appellaris,
Operum per menta.
O Marie, douce mère, ton nom veut dire Etoile de la mer ; tes œuvres ont mérité un tel nom.
Matri Christi coæquata,
Dum fuisti sic vocata,
Sed honore subdita.
Tu partages l’honneur de ce nom avec la Mère du Christ ; mais tes honneurs s’effacent devant les siens.
Illa mundi imperatrix,
Ista beata peccatrix :
Lætitiæ primordia
Fuderunt in Ecclesia.
L’une est l’impératrice du monde ; l’autre, l’heureuse pécheresse : toutes deux furent le principe de la joie dans l’Église.
Illa enim fuit porta,
Per quam salus est ex orta :
Hæc resurgentis nuntia
Mundum replet lætitia.
La première est la Porte par laquelle le salut est venu ; la seconde a rempli le monde d’allégresse en proclamant la Résurrection.
O Maria Magdalena,
Audi vota laude plena,
Apud Christum chorum istum
Clementer concilia.
O Marie-Madeleine, écoute nos vœux et nos louanges ; présente au Christ notre assemblée ; daigne nous obtenir sa faveur.
Ut fons summæ pietatis
Qui te lavit a peccatis,
Servos suos atque tuos
Mundet data venia.
Il est la source de toute bonté, lui qui t’a lavée de tes fautes ; prie-le de nous purifier aussi, et de nous donner pardon, à nous ses serviteurs et tes clients.
Amen dicant omnia.
A cette prière, que toute créature dise Amen.
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• Pourquoi Marie-Madeleine en ce jour ?
• Brève histoire iconographique du Noli me tangere.
• Le deuxième répons des matines.