Voici une belle pêche, rosée et si sucrée que tous les confiseurs ne sauraient imaginer une si douce saveur. Dis-moi, ma Céline, est-ce pour la pêche que le bon Dieu a créé cette jolie couleur rose si veloutée et si agréable à voir et à toucher ? Est-ce pour elle encore qu'Il a dépensé tant de sucre ?... mais non, c'est pour nous et non pas pour elle. Ce qui lui appartient, ce qui fait l'essence de sa vie c'est son noyau, nous pouvons lui enlever toute sa beauté sans lui enlever son être. Ainsi Jésus se plaît à prodiguer ses dons à quelques-unes de ses créatures, mais bien souvent c'est pour s'attirer d'autres cœurs, et puis quand son but est atteint, il fait disparaître ces dons extérieurs, il dépouille complètement les âmes qui Lui sont les plus chères. En se voyant dans une aussi grande pauvreté ces pauvres petites âmes ont peur, il leur semble qu'elles ne sont bonnes à rien puisqu'elles reçoivent tout des autres et ne peuvent rien donner, mais il n'en est pas ainsi, l'essence de leur être travaille en secret, Jésus forme en elles le germe qui doit se développer là-haut dans les célestes jardins des Cieux. Il se plaît à leur montrer leur néant et sa puissance, Il se sert pour arriver à elles des instruments les plus vils afin de leur montrer que c'est bien Lui seul qui travaille. Il se hâte de perfectionner son œuvre pour le jour ou, les ombres s'étant évanouies, Il ne se servira plus d'intermédiaires, mais d'un Face à Face éternel !
Lettre 147, à Céline, 13 août 1893