Panem de cælo dedísti nobis, Dómine, habéntem omne delectaméntum et omnem sapórem suavitátis.
Vous nous avez donné le pain du ciel, Seigneur, plein de délices et de toute saveur de suavité. (« Pour toute harmonie aux goûts », dit littéralement le texte grec, c’est-à-dire : qui peut satisfaire tous les goûts, qui a la saveur que l’on désire, comme l’explicite le verset suivant : « s’accommodant à la volonté de chacun d’eux, elle se changeait en tout ce qu’il voulait ».)
C’est l’antienne de communion de la messe de ce jour. Un verset du livre de la Sagesse (16, 20) qui est spécialement en situation.
Il se trouve que par une coïncidence qui doit être assez rare, la lecture biblique de la semaine qui vient de s’écouler était précisément le livre de la Sagesse, et que le chapitre 16 devait être lu vendredi. C’est ce que j’ai fait, dans la Bible Osty que je continue à lire jusqu’à la lie (jusqu’à ce que je l’ai entièrement lue, puis je la rangerai soigneusement au fond du placard…).
Ce verset du livre de la Sagesse permet au chanoine Osty de donner un exemple particulièrement topique de ses principes d’exégèse (qui ne sont pas seulement les siens, hélas). Tout ce qu’il trouve à dire est que l’on est en présence d’une « légende juive » qui « avait pris d’extraordinaires proportions » (par rapport au récit de l’Exode où les Hébreux sont rapidement écœurés de cette nourriture insipide et toujours identique).
Le chanoine Osty se refuse absolument à interpréter l’Ancien Testament par le Nouveau, et à tenir le moindre compte de la liturgie (c’est-à-dire de ce qui fait la richesse de la véritable exégèse chrétienne). Il en reste donc strictement à la « légende juive ».
Ici on atteint un sommet, car il refuse même de prendre en compte les paroles essentielles de Jésus disant qu’il est le pain descendu du ciel, qu’il est, lui le Verbe de Dieu, la manne véritable (accomplissant ce que Dieu dans l’Exode, annonçant la manne, disait à Moïse : « Je vais faire pleuvoir des pains du ciel »).
Car il ne s’agit pas d’une légende mais d’une prophétie (conformément à ce qu’est le texte inspiré). Le livre de la Sagesse annonce le vrai « pain des anges » (comme disait déjà le psaume 77 – et le « pain des anges » ne peut pas être un pain matériel, il est la Parole de Dieu), le Verbe divin qui se fait chair pour se communiquer à l’homme sous la forme du pain. Et le Verbe unique et multiforme satisfait tous les goûts intérieurs de l’homme, tous ses désirs de vie divine.
La prophétie est d’ailleurs rendue encore plus transparente par les versets 25 et 26 :
C'est pourquoi, se transformant alors en toutes sortes de goûts, elle obéissait à Votre grâce, qui est la nourricière de tous, selon la volonté de ceux qui Vous exprimaient leurs désirs; afin que Vos enfants, que Vous aimiez, Seigneur, connussent que ce ne sont point les fruits naturels qui nourrissent les hommes, mais que Votre Parole conserve ceux qui croient en Vous.
Et c’était déjà dans le Deutéronome (8,3) :
Il vous a affligé de la faim, et Il vous a donné pour nourriture la manne qui était inconnue à vous et à vos pères, pour vous faire voir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
Et l’on aura reconnu ici ce que Jésus répond à Satan qui lui demande de transformer des pierres en pains: la manne était la préfiguration de la Parole de Dieu qui va se faire pain (et non les pierres).
Je trouve stupéfiant de publier une traduction de la Bible, munie de notes surabondantes, où l’on refuse absolument au lecteur toute indication des réseaux de signification qui touchent au cœur même de la foi.