Au gré des saisons et des festivals se multiplient sur les scènes, depuis des décennies maintenant, des mises en scène d’opéra absurdes, qui défigurent les œuvres, qui montrent systématiquement autre chose, et souvent le contraire, de ce que dit le livret, et de ce que chante la musique. Et toute l’intelligentsia applaudit. Que les spectateurs supportent en silence ou sifflent copieusement, les directeurs d’opéra n’en ont cure. Ils sont grassement subventionnés pour subvertir l’opéra, ils jouent leur rôle. Et il n’y a que peu de chanteurs qui aient la possibilité de refuser ce qu’on leur demande de faire, qui est souvent contraire aux principes du chant, voire contraire à la dignité humaine. Et même ceux qui peuvent refuser ne le font pas, par conformisme, pour ne pas avoir l’air de s’opposer à l’artistiquement correct. On peut saluer Angela Gheorghiu, qui refuse de chanter dans des productions qui défigurent les opéras. Dans un récent numéro de Diapason elle disait qu’elle avait accepté a priori de chanter dans la Traviata mise en scène par Pier Luigi Pizzi, à qui elle faisait confiance, car il n’est pas connu comme un de ces professionnels de la « transgression » obligatoire. Quand elle est arrivée elle a vu des SS sur la scène : « Excuse-moi, tu ne crois pas t’être trompé d’histoire ? Si ton génie est supérieur à ceux de Dumas et de Verdi, pourquoi n’écris-tu pas un nouvel opéra ? »
Les SS, c’est ce qu’il y a de plus courant. On les a vus abondamment dans la Tétralogie, moi je les ai vus dans Lohengrin. Tout récemment, on a vu Un bal masqué de Verdi avec des personnages de science fiction qui finissent gazés (c'est une manie), et un Pelléas et Mélisande où les héros (un maquereau et une pute) copulent sur un capot de voiture dans la scène de la fontaine. Et il y en a comme ça tous les mois...
Donc la mise en scène d’opéra, c’est de préférence n’importe quoi, et jamais un directeur n’oserait intervenir.
Or voici que le directeur du Festival d’Aix-en-Provence est intervenu. Moment historique. Il a exigé que dans la mise en scène de L’enlèvement au sérail de Mozart, qui se déroule dans un camp de l’Etat islamique, soit supprimées les têtes tranchées, et soit maquillé le drapeau jihadiste.
« Ce n’est pas de la censure, c’est de la maturité », a-t-il dit. Ouf.
Néanmoins c’est de la censure. Et en l’occurrence une censure idiote. Car si l’idée de transporter L’enlèvement au sérail dans un camp jihadiste n’est pas du meilleur goût, il n’empêche qu’à plusieurs moments de l’opéra le pacha Sélim, et son intendant Osmin, menacent les protagonistes de leur trancher la tête au nom de Mahomet, de les empaler, des les écorcher, etc.
Il y a donc aujourd’hui un tabou.
Ce n’est pas bien de montrer « Daech » !
Tartuffes.