Animemur ad agonem,
Recolentes passionem
Gloriosæ virginis.
Contrectantes sacrum florem,
Respiremus ad odorem
Respersæ dulcedinis.
Pulchra, prudens et illustris,
Jam duobus Agnes lustris
Addebat triennium.
Proles amat hanc præfecti:
Sed ad ejus virgo flecti
Respuit arbitrium.
Mira vis fidei,
Mira virginitas,
Mira virginei
Cordis integritas.
Sic Dei Filius,
Nutu mirabili,
Se mirabilius
Prodit in fragili.
Languet amans : cubat lecto:
Languor notus fit præfecto;
Maturat remedia.
Offert multa, spondet plura,
Periturus peritura;
Sed vilescunt omnia.
Nudam prostituit
Præses flagitiis:
Quam Christus induit
Comarum fimbriis
Stolaque cœlesti.
Cœlestis nuntius
Assistit propius:
Cella libidinis
Fit locus luminis;
Turbantur incesti.
Cæcus amans indignatur,
Et irrumpens præfocatur
A maligno spiritu.
Luget pater, lugent cuncti:
Roma flevit pro defuncti
Juvenis interitu.
Suscitatur ab Agnete,
Turba fremit indiscrete:
Rogum parant Virgini.
Rogus ardens reos urit,
In furentes flamma furit,
Dans honorem Numini.
Grates agens Salvatori,
Guttur offert hæc lictori,
Nec ad horam timet mori,
Puritatis conscia.
Agnes, Agni salutaris
Stans ad dextram gloriaris,
Et parentes consolaris
Invitans ad gaudia.
Ne te flerent ut defunctam
Jam cœlesti Sponso junctam:
His sub agni forma suam
evelavit, atque tuam
Virginalem gloriam.
Nos ab Agno salutari
Non permitte separari,
Cui te totam consecrasti;
Cujus ope tu curasti
Nobilem Constantiam.
Vas electum, vas honoris,
Incorrupti flos odoris,
Angelorum grata choris,
Honestatis et pudoris
Formam præbes sæculo.
Palma fruens triumphali,
Flore vernans virginali,
Nos indignos speciali,
Fac sanctorum generali
Vel subscribi titulo. Amen.
Animons-nous à la lutte, en célébrant la Passion d’une vierge glorieuse. En touchant la fleur sacrée, respirons les parfums de suavité qu’elle exhale.
Belle, prudente et d’illustre race, déjà Agnès à deux premiers lustres avait ajouté trois ans. Aimée du fils du Préfet, la vierge à ses désirs résiste avec courage.
Merveilleuse force de la foi! Merveilleuse virginité ! Merveilleuse intégrité d’un cœur virginal ! Ainsi le Fils de Dieu, par un conseil admirable, se montre plus admirable dans un instrument fragile.
L’amant languit sur sa couche de souffrance ; la cause de cette langueur est connue du Préfet, qui s’empresse d’y chercher remède. Il offre beaucoup, promet plus encore de choses périssables, périssable qu’il est; mais tout cela est vil aux yeux de la vierge.
Le Préfet la fait exposer nue dans un lieu infâme ; mais le Christ la revêt du voile de sa chevelure et d’un vêtement céleste. Un messager d’en haut veille à ses côtés ; l’antre du crime devient un séjour de lumière; la terreur s’empare des débauchés.
L’aveugle amant s’irrite ; il s’élance, et tombe étouffé par l’esprit malin. Le père pleure, tout pleure : Rome a pleuré aux funérailles du jeune mort.
Agnès le rend à la vie : la foule frémit confusément, et cependant on prépare pour la vierge un bûcher. Mais les flammes brûlent les impies; elles tourmentent les bourreaux furieux, et rendent hommage au grand Dieu.
Agnès, au Seigneur rendant grâces, présente son cou au licteur; tranquille sur sa pureté, elle ne craint pas de mourir sur l’heure. Debout à la droite de l’Agneau du salut, tu es glorieuse, Agnès ! tu viens consoler tes parents ; tu les invites aux réjouissances.
Qu’ils cessent de pleurer ta mort, maintenant que tu es unie à l’Époux céleste. Apparaissant sous la forme d’un agneau, il leur révèle sa gloire, et les honneurs de ta virginité. Ne permets pas que jamais nous soyons séparés de cet Agneau salutaire, à qui tu t’es consacrée tout entière, et par la puissance duquel tu guéris la noble Constantia.
Vase élu, vase d’honneur, fleur d’incorruptible parfum, bien-aimée des chœurs des Anges, tu donnes au monde un exemple de noblesse et de pudeur. Toi, ornée de la palme triomphale, couronnée des fleurs de la virginité : nous, indignes d’une récompense spéciale, fais-nous du moins inscrire sur les fastes communs des saints. Amen.
Séquence d’Adam de Saint-Victor, traduction de dom Guéranger. Certains spécialistes contestent l’attribution à Adam de Saint-Victor, car elle ne se trouve que dans des suppléments du XIVe et du XVIe siècle au graduel de Saint-Victor. Mais elle se trouve dans les plus anciens graduels de Paris, et est donnée pour authentique par les quatre sources auxquelles se fiait Léon Gautier, qui édita les œuvres d’Adam de Saint-Victor, en 1894, « à la mémoire de dom Guéranger ».