La messe d’aujourd’hui nous aide à lire dans l’âme souffrante du Christ. Nous parcourons les quatre psaumes d’où sont tirés les chants psalmodiques et que, dans l’antiquité, on chantait presque toujours en entier. Le psaume 54 est devenu, pour l’Église, un psaume de Passion. Nous mettons ce psaume dans la bouche du Christ : « Je suis attristé dans mon épreuve et je tremble devant les menaces de l’ennemi... Mon cœur tremble au dedans de moi et les terreurs de la mort fondent sur moi… » Le Christ pense à Judas, aux chrétiens pécheurs, il pense à chacun de nous : « Si c’était un ennemi qui m’eût outragé, je l’aurais supporté ; si un adversaire s’élevait contre moi, je me cacherais devant lui. Mais toi, tu étais mon ami et mon confident, tu mangeais avec moi les doux aliments... » — Le Christ voit la grande détresse des âmes ; il voit les dévastations dont elles sont l’objet ; il voit le péché, le monde et le diable s’acharner à leur perte et il récite le psaume 43 (Graduel) : « Tu nous as livrés comme des brebis destinées à la boucherie,... tu as vendu ton peuple à vil prix... Tu nous rends la fable des nations et les peuples hochent la tête à notre sujet. » Ce n’est là qu’un aspect des sentiments du Christ dans sa Passion, nous sommes dans le vestibule du sanctuaire (avant-messe).
Dans le sanctuaire même, nous entendons des accents plus sublimes, nous récitons le psaume 39 à l’Offrande. Saint Paul appelle ce psaume la prière du matin du Christ à son entrée dans le monde, et la liturgie des matines du Vendredi-Saint en fait sa prière du soir sur la Croix. Dans ce psaume, le Christ a mis tous ses sentiments de Victime : « Tu ne désires ni sacrifice ni oblation, mais tu m’as percé les oreilles (tu m’as donné une volonté obéissante). Tu n’as voulu ni holocauste, ni victime propitiatoire, alors j’ai dit : Voici que je viens — c’est de moi qu’il est écrit dans le Livre — pour faire ta volonté. Ô Dieu, je l’accomplis avec joie ; ta loi est les délices de mon cœur. » Qu’il est beau, ce psaume, précisément au moment de l’Offrande !
Nous entrons alors dans le sacrifice du Christ, nous entrons aussi dans les sentiments de victime qui sont ceux du Seigneur ; bien plus, nous nous unissons à son offrande : notre sacrifice devient le sacrifice du Christ, notre offrande est consacrée au moment de la Transsubstantiation. Telle doit être notre voie : passer toute notre journée en union avec les sentiments du Christ dans sa Passion et son sacrifice ; faire de nos propres souffrances une partie du sacrifice du Christ. Enfin le psaume de communion, le psaume 19, est une prière sacerdotale du Seigneur, une prière avant le grand combat sur le Golgotha. — Ces quatre psaumes doivent nous exciter à étudier aussi, dans les autres psaumes, la vie intérieure et souffrante du Christ. Ce qui prouve que nous ne risquons pas de nous tromper en le faisant, c’est la parole du Christ : « Il faut que soit accompli tout ce qui est écrit dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les psaumes, à mon sujet » (Luc, XXIV, 44).
Dom Pius Parsch