Le fils aîné de la seconde femme de Kadhafi, qui porte le doux nom de Seif Al Islam, c’est-à-dire de Sabre de l’Islam (ce sabre de la paix et de la tolérance qui orne si joliment le drapeau saoudien), a annoncé hier soir son retrait de la vie politique : « J'ai décidé de ne plus intervenir dans les affaires de l'Etat », a-t-il déclaré devant des milliers de jeunes sympathisants dans la ville de Sebha, à 800 km au sud de Tripoli, au cours d’un discours retransmis par la télévision libyenne (ce qui lui donne un sceau officiel).
Il a indiqué « qu'en l'absence d'institutions et d'un cadre administratif » en Libye, il avait été « obligé d'intervenir ». Et de souligner : « Oui, je suis intervenu dans tous les dossiers, dans les affaires extérieures comme en ce qui concerne le développement en Libye, l'habitat, la planification urbaine, etc. » Il a même affirmé avoir réglé tous les problèmes de la Libye sur le plan national et avec l'extérieur, évoquant notamment les affaires de Lockerbie et des infirmières bulgares.
Il a ajouté : « J'ai réalisé mon programme. Le train est actuellement sur les rails. Je n'ai plus de grandes batailles à mener et ma situation devient embarrassante… Le plan a changé. Si cela continue il y aura problème… »
Et après ces propos, aussi sibyllins que peuvent l’être ceux de son père, il a appelé à la construction d'une « société civile forte » capable de participer à la prise de décision.
Dans une interview au journal russe Kommersant publiée par la presse libyenne, Seif al-Islam affirmait récemment « qu'il se consacrerait désormais au développement de la société civile et de l'activité économique en Libye ainsi qu'à l'action caritative ».
Pour l’heure, il n’y a en Libye (où il n’y a ni partis politiques, ni syndicats, ni ONG, ni presse libre, pas même de président puisque le dictateur est « guide de la révolution ») aucune autre institution de la société civile que la Fondation internationale Kadhafi de… Seif Al-Islam.
Le jeune homme ne se vante pas outre mesure quand il dit qu’il a réglé tous les problèmes de la Libye avec l’extérieur. Alors qu’il n’occupe officiellement aucune fonction, c’est lui en effet qui a réglé toutes les affaires, comme une sorte d’ambassadeur-ministre plénipotentiaire de son père, et a réussi à rétablir les relations entre la Libye et les pays occidentaux.
Il est apparu sur la scène internationale en 2000, lorsqu’il avait réglé le problème des otages occidentaux du groupe islamiste Abou Sayyaf à Jolo aux Philippines. Sa fondation « caritative » avait versé une rançon de 25 millions de dollars…
Plus récemment, c’est lui qui a négocié les contrats français en réglant l’affaire des infirmières bulgares. « Je n’ai pas lié la libération des infirmières et l’achat par la Libye de missiles Milan », affirmera-t-il pour authentifier les affirmations de son « ami » Nicolas Sarkozy…
Seif Al Islam est un de ces personnages qui savent séduire les Occidentaux. Il est dans le même genre que le prince Al-Walid bin Talal bin Abdoul Aziz Al Saoud. Chez lui en Libye, c’est un sultan d’anthologie, qui chasse au faucon dans le désert et élève des tigres. A Paris ou à Londres, à Vienne ou à Berlin, c’est un charmant jeune homme occidentalisé, affable et souriant.
La nouvelle du retrait de Seif Al Islam, alors qu’il était à l’évidence le successeur de son père et qu’il est depuis huit ans l’homme clef du régime, est assez curieuse.
On rappellera qu’en novembre 2006, l’agence Reuters avait annoncé que Seif al-Islam, « connu pour avoir critiqué le système politique de son pays, a l'intention de quitter la Libye et de travailler à l'étranger ». On nous donnait même le nom de la firme dans laquelle il allait travailler…