Il est curieux que l’Eglise ait choisi comme évangile celui où Marthe se plaint que sa sœur ne l’aide pas. On nous dit que c’est pour insister sur l’hospitalité chrétienne, dont Marthe est ici une belle figure. « Une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison. » Mais l’enseignement de ce passage est surtout que l’union à Dieu est tout et que tout le reste, représenté par Marthe, est sans intérêt à côté du bonheur de la communion avec les Personnes divines.
Beaucoup de chrétiens, d’ailleurs, ne comprennent pas cet évangile. Je me rappelle que ma grand-mère disait : « Voilà Jésus qui arrive avec toute sa troupe, ç’est du boulot de donner à manger à tant d’hommes jeunes, et Marthe est toute seule, et elle dit à Jésus de demander à sa sœur de l’aider, et lui, il répond qu’elle a choisi la meilleure part ? Eh bien moi j’aurais dit : Démerdez-vous, si c’est comme ça ! » Et comme ma grand-mère ne disait pas habituellement de mots grossiers, celui-là exprimait le degré de sa révolte.
Or il y a un autre évangile de sainte Marthe, qui constitue quant à lui sans conteste un magnifique éloge de la sœur de Marie, c’est son dialogue avec Jésus qui arrive après la mort de Lazare. Il est vrai que ce passage se trouve dans l’évangile du vendredi de la quatrième semaine de carême, et qu’il constitue aussi l’évangile de la messe des morts (ce qui est tout à fait remarquable). Marthe montre ici quelle est sa foi, une foi véritablement extraordinaire quand on pense que nous sommes non seulement avant la Pentecôte mais avant la Passion et la Résurrection. Et quand on la compare à diverses réactions des apôtres…
- Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant même, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera.
- Ton frère ressuscitera.
- Je sais qu’il ressuscitera à la Résurrection, au dernier jour.
- Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s’il est mort, et quiconque vit et croit en moi ne mourra pas dans l’éternité. Crois-tu cela ?
- Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde.
En grec, « je crois » est ici au parfait. Ce qui montre précisément la… perfection de la foi de Marthe : « j’ai mis ma foi pleine et entière, pour toujours, de façon inébranlable, dans cette vérité que tu es le Fils de Dieu », avec l’article défini : le seul et unique Fils de Dieu.