Le « Prologue de Tobie », dans la Vulgate clémentine, également reproduit dans la récente Vulgate de Stuttgart, est une lettre de saint Jérôme expliquant pourquoi et comment il a traduit ce livre. La lettre est adressée à ses amis saint Chromace, évêque d’Aquilée, et saint Héliodore, évêque d’Altino.
« En vérité, je ne saurais comprendre votre empressement ; vous voulez absolument que je traduise en latin un livre écrit en chaldéen, je veux dire le livre de Tobie, que les Hébreux retranchent du nombre des livres canoniques pour le mettre au nombre des apocryphes. Je vous ai obéi, mais ce n'a pas été sans me faire violence ; car les Hébreux nous font un procès sur cela, et nous accusent de traduire en latin des livres qui ne sont point dans leur canon. Leurs plaintes ne m'ont pourtant pas empêché de poursuivre mon travail, persuadé qu'il était plus à propos d'obéir à des évêques que de craindre les murmures des pharisiens. Comme donc le chaldéen approche beaucoup de l'hébreu, je me suis servi d'un homme qui parlait parfaitement bien l'une et l'autre langue, et après avoir fait venir un copiste, je lui ai dicté en latin tout ce que celui-là m'exprimait en hébreu. J'ai consacré un jour tout entier à cet ouvrage.
« Je n'en veux point d'autre récompense que le secours de vos prières et le plaisir de savoir que vous êtes contents de mon travail. »
La première fois que j’ai lu ce texte (en latin) je me suis dit que j’avais dû mal comprendre. Mais saint Jérôme affirme réellement qu’il a traduit le livre de Tobie d’hébreu en latin en une seule journée. C’est un élément qu’il convient de garder en mémoire quand les exégètes qui méprisent la Vulgate prétendent que saint Jérôme n’avait pas une bonne connaissance de l’hébreu, voire même n’avait qu’une connaissance rudimentaire de cette langue…
On remarquera aussi que pour saint Jérôme il n’existait qu’un texte araméen de Tobie. Texte aujourd’hui perdu. Les traductions modernes de la Bible sont celles de textes grecs d’un texte sans doute hébreu lui aussi disparu, et qui sont différents. Or le texte de saint Jérôme, donc le texte de la Vulgate, est d’un plus grand intérêt pour le chrétien, comme je l’ai récemment signalé.