Interrogée dans La Croix sur la réunion en Espagne des pays qui ont ratifié la Constitution européenne, Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes, souligne que c’est « seulement tous ensemble que l’on pourra trouver la solution ou bien on ne la trouvera pas ». Que ceux-là souhaitent se réunir, « pourquoi pas », poursuit-elle, mais « la famille européenne rassemble aujourd’hui des pays qui ont dit oui, des pays qui ont dit non, et des pays qui ne se sont pas prononcés : c’est une réalité qui s’impose à tous, sachant que pour entrer en vigueur, un traité doit être ratifié par chacun des Etats membres ». De ce fait, « la priorité doit être de forger un nouveau consensus, à 27 ».
Voilà une réaction mesurée mais ferme, et conforme à la réalité, pensera-t-on. Mais il y a la suite. Une fois ces vérités rappelées, Catherine Colonna dit exactement comme les conjurés de Madrid !
Il faut, dit-elle, « partir de la base qui existe, celle du projet de traité constitutionnel, qui est le fruit d’un long travail », et il faut « préserver les équilibres qui sont ceux du texte ». C’est presque mot pour mot le texte de la déclaration finale de Madrid.
Bref, ils sont tous d’accord pour nous resservir le même texte, plus ou moins modifié, plus ou moins enrichi, mais essentiellement identique.
Ce n’est pas une surprise, dans la mesure où le gouvernement auquel appartient Mme Colonna est politiquement le même que celui qui a signé le texte. Il n’empêche que c’est un énorme déni de démocratie. Si la quasi-totalité de la classe politico-médiatique faisait campagne pour le oui au référendum, les Français ont dit non. Ce n’est pas pour qu’on leur resserve le même texte, plus ou moins fardé de ci de là.
Mais l’Europe doit continuer d’avancer contre les peuples, et les référendums français et néerlandais doivent n’être que des incidents de parcours qui ne remettent pas en cause le beau travail accompli. Et l’on fait mine de ne pas se souvenir que si deux pays seulement ont rejeté le texte, ceux qui l’ont ratifié ont soigneusement omis (à l’exception de l’Espagne et du Luxembourg) de demander l’avis de leur peuple, et que d’autres ont sauté sur l’occasion pour geler le processus…
Dans cette optique, on relèvera la fin d’une interview à Libération de l’Allemand Martin Schulz, président du groupe socialiste au Parlement européen. Evoquant le futur nouveau référendum en France, il affirme être « sûr » que « si toute la gauche se mobilise en faveur du oui » la réponse sera positive… Et un non est de toute façon « inimaginable ». S’il y a un deuxième non « après que toute l’Europe a essayé de trouver des compromis avec la France, il faudra poser la question de son appartenance à l’Union ».
Sic. Que voilà une belle menace… Mais elle n’a aucun sens. Car ce n’est pas « avec la France » qu’il faut trouver un « compromis ». C’est avec tous les pays qui n’ont pas ratifié le traité et qui sont vis-à-vis du texte exactement dans la même situation (car sur la plan juridique il n’existe que les pays qui ont ratifié et les pays qui n’ont pas ratifié). Rappelons qu’une déclaration annexée au traité imagine comme seule difficulté l’hypothèse extrême que deux ans après la signature du traité, donc en octobre 2006, les quatre cinquièmes des Etats membres auraient ratifié le traité et que de rares pays seraient à la traîne. En janvier 2007, on est loin des quatre cinquièmes…