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C'était tout à l'heure à la laure des Grottes de Kiev.
A la divine liturgie du Samedi Saint l’alléluia entre l’épître et l’évangile est remplacé par le psaume 81:
Ressuscite ô Dieu et juge la terre, car tu hériteras de toutes les nations. ℣. Dieu se tient dans l'assemblée des dieux, au milieu d'eux, Il juge les dieux : ℣. Jusques-à quand jugerez-vous injustement et prendrez-vous le parti des pécheurs ? ℣. Rendez justice à l'orphelin et à l'indigent, faites droit à l'humble et au pauvre. ℣. Libérez le pauvre et l'indigent, de la main du pécheur délivrez-le. ℣. Ils ne savent ni ne comprennent, ils marchent dans les ténèbres. Tous les fondements de la terre seront ébranlés. ℣. J'avais dit : « Vous êtes tous des dieux et des fils du Très-Haut. » Eh bien vous, comme des hommes vous mourrez, comme l'un des princes vous tomberez.
Un bref résumé de cette divine liturgie (avec le changement de vêtements qui célèbre déjà la résurrection):
Pour la dernière fois aujourd’hui à la messe on chante la merveilleuse et lumineuse séquence de Pâques. La voici telle qu’elle fut interprétée à Montserrat le 29 mars 1964.
Victimæ paschali laudes immolent Christiani.
À la Victime pascale, les chrétiens offrent un sacrifice de louanges.
Agnus redemit oves : Christus innocens Patri reconciliavit peccatores.
L'Agneau a racheté les brebis ; le Christ innocent a réconcilié les pécheurs avec le Père.
Mors et vita duello conflixere mirando : dux vitæ mortuus, regnat vivus.
La mort et la vie se sont affrontées en un duel étonnant ; le chef de la vie, bien que mort, règne vivant.
Dic nobis Maria, quid vidisti in via ?
Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu en chemin ?
Sepulchrum Christi viventis, et gloriam vidi resurgentis :
J'ai vu le tombeau du Christ vivant et la gloire du Ressuscitant,
Angelicos testes, sudarium, et vestes.
Les anges témoins, le suaire et les vêtements.
Surrexit Christus spes mea : præcedet suos in Galilæam.
Le Christ, notre espérance, est ressuscité, il précédera les siens en Galilée.
Scimus Christum surrexisse a mortuis vere : tu nobis, victor Rex, miserere. Amen, Alleluia.
Nous savons que le Christ est vraiment ressuscité des morts. Toi, Roi vainqueur, aie pitié de nous. Amen. Alléluia.
Dans une lettre datée du 4 avril, Mgr Michael Mulvey, évêque de Corpus Christi, dans le Texas, a fait savoir qu’il devait « suspendre » l’unique messe traditionnelle qui était célébrée dans le diocèse parce que le prêtre qui la célébrait, l’abbé Vasquez, « a présenté sa démission en tant que pasteur de Saint-Jean Baptiste, prenant effet le 10 avril. »
Or, le 31 mars, l’abbé Vasquez écrivait sur Twitter :
En raison des instructions du Vatican sur la réglementation de la messe latine traditionnelle et de la nouvelle compétence permettant de passer outre la dispense de l'évêque local, Mgr Mulvey nous a informés que la messe latine traditionnelle à Saint-Jean n’aurait plus lieu. Aucune cérémonie selon le Missel de 1962 ne peut être proposée pendant le reste de cette semaine ni la semaine prochaine (Semaine Sainte). L'évêque nous a permis de célébrer le dimanche des Rameaux et le dimanche de Pâques comme dernières messes latines traditionnelles. (…)
Je vous demande vos prières et vous assure de la mienne en cette période très difficile.
"Or, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus leur avait indiquée. Et Le voyant, ils l’adorèrent ; cependant, quelques-uns eurent des doutes. Et Jésus, s’approchant, leur parla ainsi : Toute puissance m’a été donnée dans le Ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, et leur enseignant à observer tout ce que Je vous ai commandé. Et voici que Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles."
La brève lecture évangélique (Matthieu 28, 16-20) contient en abrégé toute l’histoire de l’Église, la somme de ses droits, sa mission dans le monde.
Euntes docete : c’est l’affirmation de sa libre puissance d’enseigner partout la loi évangélique, indépendamment du pouvoir civil ;
baptizantes : c’est l’autorité de paître les fidèles avec les divins Sacrements, dont le baptême est comme la porte ;
docentes servare omnia quæcumque mandavi : c’est la puissance législative et judiciaire de l’Église, sans laquelle il n’y a pas d’autorité véritable ;
ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi : c’est l’assurance de l’indéfectible assistance de la vertu divine jusqu’à la fin des siècles.
℟. Tulérunt Dóminum meum, et néscio ubi posuérunt eum. Dicunt ei Angeli: Múlier, quid ploras? surréxit sicut dixit: * Præcédet vos in Galilǽam: ibi eum vidébitis, allelúia, allelúia. ℣. Cum ergo fleret, inclinávit se, et prospéxit in monuméntum: et vidit duos Angelos in albis, sedéntes, qui dicunt ei. ℟. Præcédet vos in Galilǽam: ibi eum vidébitis, allelúia, allelúia.
Ils ont emporté mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis. Les Anges lui disent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Il est ressuscité comme il l’a dit : * Il vous précédera en Galilée : c’est là que vous le verrez, alléluia, alléluia. Tout en pleurant, elle se pencha, regarda le sépulcre, et vit deux Anges assis, vêtus de blanc, qui lui dirent. Il vous précédera en Galilée : c’est là que vous le verrez, alléluia, alléluia.
Deuxième répons des matines, par les moines de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux. Marie Madeleine chante la Rencontre. Or le texte commence comme un répons de l’octave de la Nativité, où c’est Marie, la Mère de Dieu, qui chante de la même façon : Congratulámini mihi, omnes qui dilígitis Dóminum. Réjouissez-vous avec moi, vous tous qui aimez le Seigneur…
Pourquoi ? parce que, comme j’étais petite, j’ai plu au Très-Haut, et de mes entrailles j’ai engendré un Dieu et un homme, chante Marie le jour de la Circoncision.
Parce que celui que je cherchais m’est apparu : alors que je pleurais devant le tombeau, j’ai vu mon Seigneur, chante Marie Madeleine.
La Nativité chantée par Marie l’Immaculée Mère de Dieu. La Résurrection chantée par la Pécheresse Marie de Magdala…
Et, dans le verset, Marie Madeleine cite… saint Grégoire le Grand. Car elle emprunte au pape liturge et docteur son magnifique commentaire : « Recedéntibus discípulis, non recedébam, et amóris eius igne succénsa, ardébam desidério » : alors que les disciples se retiraient, je ne me suis pas retirée, et enflammée du feu de son amour, je brûlais de désir. C’est en fait un résumé de ce que dit saint Grégoire : « Il faut considérer à ce sujet avec quelle force l’amour divin s’était allumé dans l’âme de cette femme, qui ne quittait point le sépulcre du Seigneur bien que les disciples se retirassent. Elle cherchait avec soin celui qu’elle n’avait pas trouvé, elle pleurait en le cherchant, et, embrasée du feu de son amour, elle brûlait du désir de retrouver celui qu’elle croyait enlevé. »
Admirable définition du quaerere Deum, la recherche de Dieu : ce n’est pas un hasard si Marie Madeleine est la patronne des contemplatifs.
L’icône canonique de Pâques est la descente aux enfers. Elle représente le Christ brisant les portes de l’enfer et en libérant Adam et Eve et les justes de l’Ancien Testament, dont les rois David et Salomon et des prophètes. Au fil du temps, parallèlement à la perpétuation de ce schéma, mais conformément à la loi de l’inflation, on a ajouté des scènes. D’abord la procession des justes vers le paradis (où se trouvent déjà Enoch et Elie), conduite par le bon larron, qui s’appelle Rakh et y arrive avant tout le monde. Et des scènes prises dans l’Evangile de Nicodème. Puis on a importé d’Occident l’image du Christ sortant triomphant du tombeau, qui se superpose à celle de la descente aux enfers. Puis on a ajouté, ad libitum, d’autres scènes évangéliques de la Passion et d’après la Résurrection. Quand il n’y en a qu’une c’est, en bas à droite, celle de l’évangile de ce jour : la très mystérieuse pêche miraculeuse des 153 poissons. Elle peut être très détaillée malgré le peu de place dont elle dispose, avec un beau bateau à voiles, des apôtres qui déploient ou ramènent le filet, et toujours Pierre qui s’est jeté à l’eau et qui est accueilli par le Seigneur sur le rivage (ou même parfois qui marche sur l’eau). Certaines ajoutent le feu sur lequel Jésus fait déjà cuire du poisson. Cette scène, en bas de l’icône qui montre le paradis en haut, illustre l’histoire de l’Eglise, sur les eaux incertaines du monde, mais bénéficiant toujours de l’indéfectible présence eucharistique du Christ.
Il faut attendre le mardi pour que la liturgie nous montre le Christ ressuscité apparaissant à ses apôtres. C’est le… troisième jour (encore un) après la Résurrection.
La liturgie pascale souligne en effet l’un des grands paradoxes du christianisme en omettant toute apparition du Ressuscité au cours de la veillée pascale et du dimanche de Pâques. Les seuls personnages sont « l’Ange du Seigneur » qui annonce la Résurrection, et les myrophores auxquelles l’ange fait cette annonce. Tous ces personnages sont en un même lieu : le tombeau vide. C’est ce tombeau vide qui est au centre du mystère pascal.
Curieusement, dans le déroulement de la liturgie, les premières personnes auxquelles le Ressuscité apparaît, ce sont les « pèlerins d’Emmaüs », le lundi de Pâques. Deux hommes qu’on n’avait jamais vus auparavant, et qu’on ne reverra plus, et dont seul saint Luc nous parle.
Il faut donc attendre le mardi pour que la liturgie, poursuivant le texte de saint Luc, évoque la première apparition aux apôtres, qui a pourtant eu lieu le soir de Pâques. C’est ainsi le troisième jour des célébrations pascales que la liturgie nous montre les apôtres effrayés et stupéfaits devant cette vision que nous avons eu quant à nous tout le temps de méditer. Mais l’évangile relance la méditation en insistant sur un point précis du Credo : « la résurrection de la chair ». Bien qu’il entre alors que les portes sont fermées à clef, le Ressuscité n’est pas un fantôme, il mange du poisson et du miel, il est ressuscité comme il le dit lui-même « en chair et en os ». Et voilà le mystère qui s’épaissit devant le corps sans épaisseur qui est pourtant un vrai corps.
Toute la semaine de Pâques, toutes les antiennes des heures du jour, des laudes aux vêpres, évoquent exclusivement la descente de « l’Ange du Seigneur ». On n’y voit ni le Christ ni le mot de résurrection. Tout au plus, dans la dernière, l’ange dit aux femmes qu’il sait bien qu’elles cherchent Jésus…
Cette insistance vient sans doute du fait que personne n’a vu la Résurrection, et que pour se conformer à la réalité, la liturgie célèbre le Messager divin, celui qui vient annoncer et montrer que le tombeau est vide.
Et ces antiennes sont prises exclusivement dans les versets 2 à 5 du dernier chapitre de saint Matthieu.
Angelus autem Dómini descéndit de cælo, et accédens revólvit lápidem, et sedébat super eum, allelúia, allelúia.
Or l’Ange du Seigneurdescendit du ciel, et s’approchant, il renversa la pierre et s’assit dessus, alléluia, alléluia.
Et ecce terræmótus factus est magnus : Angelus enim Dómini descéndit de cælo, allelúia.
Et voilà qu’un tremblement de terre très grand se produisit : car l’Ange du Seigneur descendit du ciel, alléluia.
Erat autemaspéctus eius sicut fulgur, vestiménta autem ejus sicut nix, allelúia, allelúia.
Or il avaitl’aspect d’un éclair, et ses vêtements étaient comme la neige, alléluia, alléluia.
Præ timóre autem eiusextérriti sunt custódes, et facti sunt velut mórtui, allelúia.
Par crainte de luiles gardes furent épouvantés, et ils devinrent comme morts, alléluia.
Respóndens autem Angelus,dixit muliéribus : Nolíte timére : scio enim quod Jesum quǽritis, allelúia.
Et l’Ange répondantdit aux femmes : ne craignez point : je sais que vous cherchez Jésus, alléluia.
Angelus Domini… Antiphonaire du XVe siècle, Bratislava.
Terra trémuit, et quiévit, dum resúrgeret in judício Deus, allelúia.
La terre a tremblé et s’est tue lorsque Dieu s’est levé pour rendre justice, alléluia.
Solesmes, dom Gajard, 1964.
Nous ne pouvons pas chanter cette mélodie trop solennellement ou trop majestueusement. Bien qu’elle emploie le quatrième mode comme l’introït, elle diffère radicalement quant à l’esprit, car elle est pleine de force de d’une puissance irrésistible. On est tenté de crier : Bien que vous ayez les deux pieds solidement plantés sur la terre, il n'y a pas d'échappatoire ; vous devez faire l'expérience qu'à un moment donné, cette terre solide et toutes les choses terrestres seront ébranlées et détruites. Et toute la clameur du monde, sa pompe et sa vantardise, sa prétention à l'indépendance et à l'autonomie, ses chants et son exultation deviendront un jour muets lorsque Dieu viendra en jugement. Le magnifique triomphe pascal que le Victor Rex a remporté sur ses ennemis, sur la mort et sur toutes les puissances de ce monde, garantit également sa victoire finale. Le tremblement de la terre au matin de Pâques n'est qu'un prélude au puissant cataclysme qui se produira à la fin des temps.
La première phrase monte progressivement. Après tremuit, elle s'appuie sur la dominante du mode, illustrant peut-être la peur de toute la création. Avec et, la mélodie atteint une hauteur rarement atteinte par le quatrième mode et sollicite l'attention : même le monde vantard se sentira un jour extrêmement petit et abattu. Les derniers neumes de cette phrase sont également utilisés pour conclure la première phrase de l'offertoire de la Messe de Minuit à Noël. La deuxième phrase ressemble un peu à la première. Elle commence et se termine également par le ré, termine sa première moitié par le la et atteint deux fois le do aigu. Ici, la mélodie gagne en amplitude et devient plus expressive de la victoire, en particulier à judicio avec sa quinte, le pressus, et le rude sol-si bécarre-la-sol-la. L’Alleluia, dans son premier membre, est apparenté à celui de la fête de l'Ascension, bien que ce dernier soit au premier mode. Maintenant la mélodie n'atteint plus le do - le si qui l'a précédé devient même si bémol - l'ensemble devient plus tendre, plus personnel. Celui qui doit un jour apparaître comme notre Juge devient aujourd'hui encore notre Rédempteur dans le Saint Sacrifice.
Les antiennes et les psaumes du premier nocturne des matines du Samedi Saint chantent le repos du Seigneur au tombeau, dans la paix et dans l’espérance, même si les répons sont toujours centrés sur la douloureuse Passion. Mais la liturgie manifeste bientôt son impatience de vivre la Résurrection. Le deuxième nocturne proclame d’emblée : « Elevez-vous, portes éternelles et le Roi de gloire entrera… Seigneur, tu as tiré mon âme de l’enfer. »
Le Samedi du repos du corps du Christ dans le tombeau est aussi le jour de la descente aux enfers, dont il brise les portes et les verrous pour libérer Adam et Eve et les saints de l’Ancien Testament, et c’est le thème de l’icône byzantine de la Résurrection. On en trouve un écho dans le premier répons du deuxième nocturne.
Antiphonaire franciscain espagnol, XVIe siècle.
℟. Recéssit pastor noster, fons aquæ vivæ, ad cujus tránsitum sol obscurátus est :* Nam et ille captus est, qui captívum tenébat primum hóminem : hódie portas mortis et seras páriter Salvátor noster disrúpit. ℣. Destrúxit quidem claustra inférni, et subvértit poténtias diáboli. ℟. Nam et ille captus est, qui captívum tenébat primum hóminem: hódie portas mortis et seras páriter Salvátor noster disrúpit.
Il s'est retiré, notre Pasteur, source d'eau vive ; à son trépas, le soleil s'est obscurci : car celui-là a été capturé, qui tenait captif le premier homme : aujourd'hui, les portes de la mort et ses serrures, notre Sauveur les a pareillement brisées. Il a détruit les clôtures de l'enfer et a renversé les puissances du diable. Car celui-là a été capturé, qui tenait captif le premier homme : aujourd'hui, les portes de la mort et ses serrures, notre Sauveur les a pareillement brisées.