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Liturgie - Page 65

  • Samedi de la deuxième semaine de carême

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    (Murillo)

    Troisième sermon de saint Pierre Chrysologue sur le fils prodigue.

    Se levant, il alla vers son père. Alors qu’il était encore loin, le père l’aperçut. Il fut ému de compassion, accourut vers lui, lui sauta au cou, et l’embrassa. Le jeune homme se releva de la ruine du corps et de l’âme. Il se releva des profondeurs de l’enfer jusqu’à atteindre les hauteurs du ciel. Auprès du Père céleste, le pardon a plus redressé le fils que la faute ne l’avait abattu.

    Se levant, il alla vers son Père. Il vint non par le mouvement des pieds mais par l’élan impétueux de l’esprit. En dépit de la distance, il n’eut pas besoin d’itinéraire, parce qu’il avait trouvé le raccourci de la voie du salut. Il n’a pas à chercher le Père céleste en parcourant les routes celui qui le cherche dans la foi, car il découvre bientôt qu’Il lui est présent.

    Se levant, il alla vers son père. Alors qu’il était encore loin…. Comment est-il éloigné celui qui s’en vient ? C’est qu’il n’est pas encore arrivé. Celui qui vient, vient à la pénitence, mais il n’est pas encore arrivé à la grâce. Il vient à la maison du père, mais il n’est pas encore arrivé à la gloire d’auparavant, ou de la vertu ou de l’honneur d’antan.

    Lorsqu’il était encore éloigné, son père le vit. Le Père l’a vu, Celui qui habite dans les hauteurs, pour que le fils puisse l’atteindre. Les yeux du père éclairèrent le regard du fils qui s’en venait, pour que fuie toute l’obscurité que la faute avait répandue autour de lui. Les ténèbres de la nuit ne ressemblent pas à ces ténèbres qui naissent du désordre des péchés. Ecoute le Prophète qui dit : Mes iniquités se sont emparées de moi, et je ne pouvais plus voir. Et ailleurs : Mes iniquités se sont appesanties sur moi. Et, un peu plus loin : Et j’ai perdu la lumière de mes yeux. La nuit ensevelit la lumière du jour, le péché celle des sens. Les membres apportent de la confusion dans l’âme. Si donc le Père céleste n’avait pas jeté ses rayons dans le visage du fils qui s’en retournait à la maison, et n’avait enlevé toute l’obscurité de la confusion par la luminosité de son regard, ce fils n’aurait jamais vu l’éclat du visage du père.

    Il l’a vu de loin. Et il fut touché de compassion. Il est mu par la miséricorde, Celui qui ne peut être mu d’un lieu à un autre. Il accourt, non en avançant avec les pieds, mais par le sentiment de pitié.

    Il lui sauta au cou. Non dans un élan purement physique, mais pressé par la compassion. Il s’est jeté à son cou pour redresser celui qui gisait par terre. Il s’est jeté à son cou pour qu’avec le fardeau de l’amour, Il lui enlève le fardeau des péchés. Venez à moi, dit-Il, vous tous qui peinez sous le poids de vos fardeaux. Prenez sur vous mon joug, car mon fardeau est léger. Prenez sur vous mon joug, car il est léger. Vous constatez que ce fardeau du père soulage le fils et ne l’écrase pas.

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  • Vendredi de la deuxième semaine de carême

    Dans l'Evangile, Jésus reprend le « cantique de la vigne » d'Isaïe, mais l'adapte à ses auditeurs et à la nouvelle heure de l'histoire du salut. L'accent n'est pas tant mis sur la vigne que sur les vignerons, auxquels les "serviteurs" du maître demandent, en son nom, le loyer du terrain. Mais les serviteurs sont maltraités et même tués. Comment ne pas penser aux épreuves du peuple élu et au sort réservé aux prophètes envoyés par Dieu? A la fin, le propriétaire de la vigne fait une dernière tentative: il envoie son propre fils, convaincu que lui, au moins, ils l'écouteront. C'est le contraire qui arrive: les vignerons le tuent justement parce qu'il est le fils, autrement dit l'héritier, convaincus de pouvoir ainsi prendre facilement possession de la vigne. Nous assistons donc à un saut de qualité par rapport à l'accusation de violation de la justice sociale, telle qu'elle émerge du cantique d'Isaïe. Nous voyons clairement ici comment le mépris pour l'ordre donné par le maître se transforme en mépris envers lui: ce n'est pas la simple désobéissance à un précepte divin, c'est le véritable rejet de Dieu: le mystère de la Croix apparaît.

    Ce que dénonce la page évangélique interpelle notre manière de penser et d'agir. Elle n'évoque pas seulement l'"heure" du Christ, du mystère de la Croix à ce moment-là, mais aussi celui de la présence de la Croix dans tous les temps. Elle interpelle, d'une manière particulière, les peuples qui ont reçu l'annonce de l'Evangile. Si nous regardons l'histoire, nous sommes obligés de noter assez fréquemment la froideur et la rébellion de chrétiens incohérents. Suite à cela, Dieu, même s'il ne manque jamais à sa promesse de salut, a souvent dû recourir au châtiment. On pense spontanément, dans ce contexte, à la première annonce de l'Evangile, de laquelle surgiront des communautés chrétiennes d'abord florissantes, qui ont ensuite disparu et ne sont plus rappelées aujourd'hui que dans les livres d'histoire. Ne pourrait-il pas advenir de même à notre époque? Des nations un temps riches de foi et de vocations perdent désormais leur identité propre, sous l'influence délétère et destructive d'une certaine culture moderne. On y trouve celui qui, ayant décidé que "Dieu est mort", se déclare "dieu" lui-même, et se considère le seul artisan de son propre destin, le propriétaire absolu du monde.

    En se débarrassant de Dieu et en n'attendant pas de Lui son salut, l'homme croit pouvoir faire ce qui lui plaît et se présenter comme seule mesure de lui-même et de sa propre action. Mais, quand l'homme élimine Dieu de son propre horizon, qu'il déclare Dieu "mort", est-il vraiment plus heureux? Devient-il vraiment plus libre? Quand les hommes se proclament propriétaires absolus d'eux-mêmes et uniques maîtres de la création, peuvent-ils vraiment construire une société où règnent la liberté, la justice et la paix? N'arrive-t-il pas plutôt - comme nous le démontre amplement la chronique quotidienne - que s'étendent l'arbitraire du pouvoir, les intérêts égoïstes, l'injustice et l'exploitation, la violence dans chacune de ses expressions? Le point d'arrivée, à la fin, est que l'homme se retrouve plus seul et la société plus divisée et confuse.

    Mais les paroles de Jésus contiennent une promesse: la vigne ne sera pas détruite. Alors qu'il abandonne à leur destin les vignerons infidèles, le maître ne se détache pas de sa vigne et la confie à d'autres serviteurs fidèles. Ceci indique que, si dans certaines régions la foi s'affaiblit jusqu'à s'éteindre, il y aura toujours d'autres peuples prêts à l'accueillir. C'est justement pour cela que Jésus, alors qu'il cite le Psaume 117: "La pierre qu'ont rejetée les bâtisseurs est devenue la tête de l'angle" (v.22), assure que sa mort ne sera pas la défaite de Dieu. Une fois tué, Il ne restera pas dans la tombe, au contraire, et celle qui semblait justement être une défaite totale, marquera le début d'une nouvelle victoire. A sa passion douloureuse et à sa mort sur la croix succédera la gloire de sa résurrection. La vigne continuera alors à produire du raisin et sera louée par le maître "à d'autres vignerons, qui lui en livreront les fruits en leur temps" (Mt 21, 41).

    L'image de la vigne, avec ses implications morales, doctrinales et spirituelles, reviendra dans le discours de la Dernière Cène, lorsque, prenant congé des Apôtres, le Seigneur dira: "Je suis la vigne véritable et mon Père est le vigneron. Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, il l'enlève, et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, pour qu'il porte encore plus de fruit" (Jn 15, 1-2). A partir de l'événement pascal, l'histoire du salut connaîtra donc un tournant décisif, et en seront protagonistes ces "autres vignerons" qui, greffés comme bourgeons choisis sur le Christ, véritable vigne, porteront des fruits abondants de vie éternelle (cf. Prière lors de la Collecte). Nous faisons partie, nous aussi, de ces "vignerons", greffés au Christ qui veut devenir lui-même la "vraie vigne". Prions pour que le Seigneur, qui nous donne son sang et qui se donne Lui-même dans l'Eucharistie, nous aide à "porter du fruit" pour la vie éternelle et pour notre temps.

    Benoît XVI, homélie (5 octobre 2008).

  • Trois falsifications

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    L’évangile de la messe d’aujourd’hui est la parabole du riche et du pauvre Lazare. La traduction de la soi-disant Bible de la liturgie est un festival d’impostures.

    Quiconque connaît un peu ce texte se souvient que le pauvre Lazare, une fois mort, est « porté par les anges dans le sein d’Abraham ». L’image est très touchante, et très expressive. Eh bien il faut l’oublier. Les nouveaux maîtres de la liturgie ex-latine ont décidé que les anges ont emporté Lazare « auprès d’Abraham ». Or le texte latin ne permet pas de traduire ainsi. « in sinu Abrahae », cela ne peut se traduire que « dans le sein d’Abraham ». On sait que les nouveaux maîtres de la liturgie ex-latine prennent le texte grec et non le texte latin. Mais c’est exactement la même chose. Le texte grec dit « εἰς τὸν κόλπον Ἀβραάμ », is ton kolpon Abraham, ce qui veut dire « dans le sein d’Abraham » et rien d’autre. Il est d’autant plus important de conserver cette expression qu’elle se trouve également dans le prologue de saint Jean : « le Fils unique-engendré qui est dans le sein du Père », lui seul nous a fait connaître Dieu. Lazare est dans le sein d’Abraham comme le Fils est dans le sein du Père.

    Deuxième falsification : Abraham dirait au riche : « Rappelle-toi : tu as reçu le bonheur pendant ta vie. » Non, Abraham ne peut pas dire au riche qu’il a reçu le bonheur. Car il n’y a pas d’autre bonheur que de rechercher Dieu et d’agir en conséquence. Le riche n’a pas « reçu le bonheur », il a reçu « des biens », bona, dont il s’est mal servi.

    Troisième falsification : comme d’habitude, on gomme tout ce qui a trait à la pénitence, au repentir. Le riche dit à Abraham d’envoyer Lazare vers ses frères parce que si un mort revient à la vie et va les trouver « ils se convertiront ». Non. Une fois de plus, le mot latin « pænitentia » veut dire repentir, puis pénitence. Et « pænitentiam agere » veut dire évidemment « faire pénitence », se repentir. On mesure dans ces modifications systématiques que la lex orandi de la néo-liturgie n’est plus la lex credendi de l’Eglise catholique.

    On peut ajouter que la traduction du dernier mot ne convient pas. Abraham dit que même si un mort ressuscite « ils ne croiront pas ». Ne credent. La Bible de la Liturgie traduit : « ils ne seront pas convaincus ». Certes, c’est le sens. Mais le verbe utilisé est bien « croire », parce que « bienheureux ceux qui n’auront pas vu et auront cru ». Il s’agit bien de la foi, et non d’une conviction.

    Enfin, évidemment, la Bible de la liturgie ex-latine ne traduit pas le texte latin qui dit que le riche mourut « et fut enseveli dans l’enfer ». La tradition grecque ponctue autrement : le riche « fut enterré. Et dans l’enfer »… L’image latine est certes uniquement de la tradition latine, mais elle est frappante…

  • Jeudi de la deuxième semaine de carême

    « Je vous conjure et je vous supplie, père Abraham, d'envoyer Lazare dans la maison de mon père où j'ai cinq frères, afin qu'il leur annonce ce que je souffre, et qu'ils ne viennent pas dans ce lieu de tourment. » Il demande pour d'autres, n'ayant pu rien obtenir pour lui-même. Voyez combien la punition l'a rendu doux et humain : lui qui avait méprisé et dédaigné Lazare, quoique présent et sous ses yeux, songe à d'autres qu'il ne voit pas ; plein d'égard et d'attention, il s'occupe d'eux avec inquiétude, il cherche tous les moyens de les garantir des maux qui les menacent. Il conjure Abraham d'envoyer Lazare dans la maison de son père, dans l'endroit même où ce généreux athlète a signalé toute sa vertu. Que ceux, semble-t-il dire, qui l'ont vu combattre, le voient couronné ; que ceux qui ont été les témoins de son indigence, de la faim et de tous les maux qu'il a soufferts, le soient du changement heureux qu'il éprouve, de la gloire et des honneurs dont il est comblé ; afin qu'instruits par ce double exemple, et convaincus que tout ne finit pas avec cette vie, ils se disposent à éviter le supplice et les tourments que leur frère endure.

    Que lui répond Abraham ? Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent. Vous n'êtes pas aussi occupé de vos frères que Dieu qui les a créés, qui leur a donné une infinité de maîtres pour les avertir, les conseiller et les reprendre.

    Non, père Abraham, réplique le riche, mais si quelqu'un des morts va les trouver, ils le croiront. On sait quel est le langage du peuple : Où sont maintenant ceux qui nous ont parlé d'une autre vie ? qui en est revenu ? qui est ressuscité des morts, et nous a rapporté ce qui se passe dans un autre monde ? Par combien de pareils propos le riche ne s'était-il pas abusé lui-même lorsqu'il vivait dans les délices ? Car ce n'est pas sans raison qu'il demandait qu'on envoyât quelqu'un des morts à ses frères : et comme il avait méprisé les Ecritures, qu'il s'en était moqué, qu'il avait regardé comme des fables ce qu'elles disent d'une autre vie, il supposait à ses frères les sentiments qu'il avait éprouvés lui-même. Ils se défieront, dit-il, des Ecritures ; mais si quelqu'un des morts va les trouver, ils ne refuseront pas de croire, ils ne se moqueront point de ce qu'on leur dira, ils y feront plus d'attention.

    Que répond Abraham ? S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, quand quelqu'un des morts ressusciterait, ils ne l'écouteraient pas davantage. Les Juifs sont une preuve que celui qui n'écoute pas les Ecritures, n'écouterait pas les morts s'ils ressuscitaient ; ils n'avaient écouté ni Moïse ni les prophètes, ils n'ont pas cru non plus les morts qu'ils voyaient ressuscités, mais ils cherchaient à faire périr Lazare, et ils persécutaient les apôtres, quoique plusieurs morts eussent été rendus à la vie dans le temps de la prédication de la croix.

    Mais afin d'apprendre d'ailleurs que les instructions des prophètes sont plus sûres que les témoignages des morts, considérez que tout mort n'est qu'un esclave, au lieu que les paroles de l'Ecriture sont les oracles du Maître; en sorte que quand un mort ressusciterait, quand un ange descendrait du ciel, tout ce qu'ils pourraient nous dire ne serait pas aussi authentique que les Ecritures, qui nous ont été données par le Seigneur des anges, par le souverain Arbitre des morts et des vivants.

    Au reste, on peut prouver encore par les tribunaux de ce monde, que ceux qui demandent que les morts reviennent, demandent une chose inutile. Quoique les fidèles voient l'enfer des yeux de la foi, il n'est pas visible pour les incrédules. Les tribunaux sont visibles, et nous entendons dire tous les jours qu'un tel a été traîné au supplice, que les biens d'un tel ont été confisqués, qu'un autre a été condamné à travailler aux mines, un autre à périr dans les flammes, qu'un autre a subi un autre genre de peine ; cependant les fourbes, les méchants et les malfaiteurs qui entendent parler de ces condamnations ne se corrigent pas. Et que parlé-je de ceux qui ne sont jamais tombés entre les mains de la justice ? Souvent même des hommes qui ont été pris, qui ont échappé à la peine, qui se sont enfuis en perçant la prison, se sont livrés aux mêmes excès, ou même ont enchéri sur leurs anciens crimes. Ne cherchons donc pas à entendre de la bouche des morts ce que les saintes Ecritures nous apprennent tous les jours plus clairement.

    Saint Jean Chrysostome, 4e homélie sur Lazare.

  • Mercredi de la deuxième semaine de carême

    Au Saint-Sacrifice, nous voyons aujourd’hui le Sauveur « monter vers Jérusalem « pour souffrir ; de nouveau « il donne sa vie en rançon pour plusieurs », il nous offre son « calice » de la Passion et de l’Eucharistie.

    L’Église souligne fortement, aujourd’hui, le thème de la Passion. Nous le voyons encore dans les antiennes du lever et du coucher du soleil : « Voici que nous montons à Jérusalem et le Fils de l’Homme sera livré pour être crucifié » (antienne du Benedictus). « Il sera livré aux païens pour être insulté, flagellé et crucifié » (antienne du Magnificat).

    C’est donc le désir de l’Église que, pendant toute la journée, nous montions avec le Seigneur à Jérusalem, pour la Passion. Remarquons qu’en nous inspirant cette pensée de la Passion, l’Église ne mentionne pas la Résurrection.

    Dom Pius Parsch

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    Ecce ascéndimus Jerosólymam : et Fílius hóminis tradétur ad crucifigéndum.

    On remarque la montée, du sol au mi, sur ascendimus, et surtout le cri de douleur sur ad, devant la perspective de la crucifixion.

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    Tradétur enim Géntibus ad illudéndum, et flagellándum, et crucifigéndum.

  • Mardi de la deuxième semaine de carême

    L’hymne des matines pendant le carême, par le groupe de chant ambrosien de l’Institut pontifical de musique sacrée de Milan, à l’ancienne collégiale prévôtale Saint-Victor de Rho. (Il s’agit du texte modifié par Urbain VIII.)

    Ex more docti mýstico
    Servémus hoc jejúnium,
    Deno diérum círculo
    Ducto quater notíssimo.

    Fidèles à la tradition mystérieuse,
    Gardons avec soin ce jeûne célèbre
    Qui parcourt le cercle
    De dix jours, quatre fois répétés.

    Lex et prophétæ prímitus
    Hoc prætulérunt, póstmodum
    Christus sacrávit, ómnium
    Rex atque factor témporum.

    La Loi et les Prophètes
    L'inaugurèrent autrefois ;
    Auteur et roi de toutes les choses créées,
    Le Christ daigna lui-même le consacrer.

    Utámur ergo párcius
    Verbis, cibis et pótibus,
    Somno, jocis, et árctius
    Perstémus in custódia.

    Soyons donc d'une plus grande réserve
    Dans l'usage de la parole, du manger et du boire,
    Du sommeil et des délassements,
    Veillons plus strictement sur la garde de nous-mêmes.

    Vitémus autem nóxia,
    Quæ súbruunt mentes vagas:
    Nullúmque demus cállidi
    Hostis locum tyránnidi.

    Evitons ces périls
    Où succombe l'âme inattentive ;
    Gardons de laisser la moindre entrée
    A notre tyran perfide.

    Flectámus iram víndicem,
    Plorémus ante Júdicem,
    Clamémus ore súpplici,
    Dicámus omnes cérnui:

    Fléchissons la colère vengeresse ;
    Pleurons aux pieds de notre Juge ;
    Poussons des cris suppliants, et,
    Prosternés devant notre juge, disons-lui :

    Nostris malis offéndimus
    Tuam, Deus, cleméntiam:
    Effúnde nobis désuper,
    Remíssor, indulgéntiam.

    O Dieu ! par nos péchés,
    Nous avons offensé votre clémence ;
    Daignez étendre sur nous
    Votre pardon.

    Meménto quod sumus tui,
    Licet cadúci, plásmatis:
    Ne des honórem nóminis
    Tui, precámur, álteri.

    Souvenez-vous que, malgré notre fragilité,
    Nous sommes l'œuvre de vos mains ;
    Ne cédez pas à un autre
    L'honneur de votre Nom.

    Laxa malum, quod fécimus,
    Auge bonum, quod póscimus:
    Placére quo tandem tibi
    Possímus hic, et pérpetim.

    Pardonnez-nous le mal que nous avons fait ;
    Donnez-nous avec abondance la grâce que nous implorons,
    Afin que nous puissions vous plaire
    Ici-bas et dans l'éternité.

  • Lundi de la deuxième semaine de carême

    Le Seigneur a parlé aux Juifs en ces termes : « Je m’en vais. » Pour le Christ Seigneur, la mort fut un départ vers ce lieu d’où il venait, d’où jamais il ne s’était éloigné. « Je m’en vais, dit-il, et vous me chercherez », non par désir, mais par haine. Car après qu’il se fût éloigné loin des regards des hommes, ceux-là qui le haïssaient, ceux-là qui l’aimaient, tous le cherchèrent, les uns par la persécution, les autres par le désir de la possession. Le Seigneur dit lui-même, dans les psaumes, par le prophète : « Le refuge se dérobe à moi, pas un qui cherche mon âme ». Et encore, à un autre endroit dans un psaume : « Honte et déshonneur sur tous ceux-là qui cherchent mon âme ».

    Le Christ a tenu pour coupables ceux qui ne cherchaient point son âme. Il a condamné ceux qui la recherchaient. C’est un bien en effet de chercher l’âme du Christ mais comme les disciples l’ont cherchée, et c’est un mal de chercher l’âme du Christ, mais comme les Juifs l’ont cherchée, ceux-là pour la posséder, ceux-ci pour la perdre. Aussi qu’ajoute-t-il à ses paroles à l’intention de ceux qui le cherchaient à la manière mauvaise, d’un cœur pervers ? « Vous me chercherez, mais » – pour que vous ne pensiez pas que vous me cherchez bien, – « vous mourrez dans votre péché. » C’est là mal chercher le Christ : mourir dans son péché. C’est là haïr celui par qui seul on peut être sauvé.

    Tandis que les hommes dont l’espoir est en Dieu ne doivent point rendre le mal, même pour le mal, ceux-ci rendaient le mal pour le bien. Le Seigneur leur prédit donc leur sort ; dans sa prescience, il prononce le jugement : ils mourront dans leur péché. Ensuite, il ajoute : « Là où je vais, vous ne pouvez pas venir. » Ceci, il l’a dit aussi à ses disciples à un autre endroit, néanmoins, il ne leur a pas dit : « Vous mourrez dans votre péché. » Qu’a-t-il dit au juste ? Dans les mêmes termes qu’à ceux-là : « Là où je vais, vous ne pouvez pas venir. » Il n’enlève pas l’espoir, mais il prédit le retard. Quand le Seigneur parlait ainsi à ses disciples, alors, ils ne pouvaient venir là où il allait, mais plus tard, ils y viendraient. Jamais par contre, n’y viendraient ceux-là auxquels, dans sa prescience, il a dit : « Vous mourrez dans votre péché. »

    Saint Augustin, traité 38 sur saint Jean, leçons des matines.

  • Deuxième dimanche de carême

    Introït

    Reminíscere miseratiónum tuarum, Dómine, et misericórdiæ tuæ, quæ a sǽculo sunt : ne umquam dominéntur nobis inimíci nostri : líbera nos, Deus Israël, ex ómnibus angústiis nostris.
    Ad te, Dómine, levávi ánimam meam : Deus meus, in te confído, non erubéscam.

    Souvenez-vous de vos bontés, Seigneur, et de votre miséricorde qui datent des siècles passés. Que nos ennemis ne triomphent jamais de nous. Dieu d’Israël, délivrez-nous de toutes nos tribulations.
    Vers vous, Seigneur, j’ai élevé mon âme ; mon Dieu, je mets ma confiance en vous, que je n’aie pas à rougir.

    Ce chant est l'expression d'une profonde humilité. Que nous arriverait-il si Dieu n'était pas miséricordieux, si sa miséricorde n'était pas éternelle ! Comme nous en sommes entièrement dépendants ! C'est pourquoi nous osons Lui rappeler Ses miséricordes. Il ne les oublie jamais, car elles font partie de son essence. C'est aussi pour cette raison que l'introït parle de Ta commisération, de Ta miséricorde.

    Le parallélisme entre les deux premières phrases du texte est reproduit dans la mélodie. Les deux phrases accentuent vigoureusement la note fa ; toutes deux ont la même amplitude (ré-la) et des terminaisons similaires ; enfin, misericórdiae n'est que la répétition de miseratiónum. Dans les deux cas, le torculus anime la ligne mélodique sereine.

    Maintenant commence une nouvelle partie. La mélodie perd aussi un peu de sa réserve. Dans son amplitude d'une sixte, les intervalles s'élargissent. La première partie se limitait à des tierces ; ici, nous rencontrons cinq intervalles de quarte. Après le fa, le sol est la note dominante. Une certaine agitation se fait sentir. L'âme pieuse regarde autour d'elle ; elle se voit entourée d'ennemis, rusés et redoutables, nombreux et inexorables. Celui qui ne reconnaît pas le Seigneur (Dómine, dans la première partie) devient leur esclave, est dominé par le monde, les mauvaises passions et le diable. Nous prions : Ne permets pas à nos ennemis de dominer sur nous. Mais nous devons aussi ajouter : Qu'ils ne prennent plus jamais le pouvoir sur nous. Plus nous aurons ressenti douloureusement la lourdeur de leur joug, plus cette prière et ce chant seront fervents et sincères. On devine ce que le compositeur a voulu dire avec la gamme ré-sol-sól-fa sur inimíci et sol-fa-lá-sol-sol sur nostri. Ici, un crescendo se produit spontanément.

    Puis une troisième fois, nous prions avec la quarte ascendante : líbera nos : Tu es le Dieu d'Israël, tu as choisi cette nation comme ton propre peuple. Tu es aussi notre Dieu, et tu nous as élus, achetés et rachetés. Délivre-nous donc de toutes nos détresses. Sois à nos côtés surtout, Seigneur, quand viendra la plus grande de toutes les épreuves, quand nous serons sur le point de franchir les portes étroites (angústiis) de la mort !

    Le sentiment proclamé dans les toutes premières notes est effectivement conservé tout au long du morceau, mais dans la deuxième partie, il devient plus vivant.

    La mélodie du psaume est un récit sur le la qui, jusqu'alors, n'avait été qu'effleuré, puis s'élève au-dessus, pleine de confiance en Dieu.

    Dom Johner

  • Samedi des quatre temps de carême

    La prose de carême (voir son histoire ici) par le chœur grégorien Crescendo de Douarnenez.

     
    podcast

    Attende, Domine, et miserere, quia peccavimus tibi.

    Écoute-nous, Seigneur, et prends pitié de nous, car nous avons péché contre toi.

    Ad te Rex summe, omnium Redemptor, oculos nostros sublevamus flentes ; exaudi, Christe, supplicantum preces.

    Vers toi, souverain Roi, Rédempteur de tous les hommes, nous élevons nos yeux pleins de larmes. Écoute, o Christ, nos prières suppliantes !

    Dextera Patris, lapis angularis, via salutis, janua caelestis, ablue nostri maculas delicti.

    Droite du Père, pierre angulaire, voie du salut, porte du ciel, Lave les souillures de notre péché.

    Rogamus, Deus, tuam majestatem ; auribus sacris gemitus exaudi ; crimina nostra placidus indulge.

    Nous prions, ô Dieu, ta Majesté ; que tes oreilles saintes entendent nos gémissements ; Dans ta bonté, pardonne-nous de nos crimes.

    Tibi fatemur crimina admissa ; contrito corde pandimus occulta ; tua Redemptor pietas ignoscat.

    Nous t’avouons les fautes commises ; d’un cœur contrit nous te dévoilons nos péchés ; Ô Rédempteur, que te clémence pardonne.

    Innocens captus, nec repugnans ductus, testibus falsis pro impiis damnatus ; quos redemisti, tu conserva, Christe.

    Arrêté innocent et emmené sans résistance, Tu as été condamné pour les pécheurs par de faux témoins ; Ô Christ, conserve ceux que tu as rachetés.

    Une curiosité : Dom de Malherbes, issu de Solesmes mais devenu pourfendeur acharné de la méthode de Solesmes à partir des années 1920, convaincu que le vrai grégorien c’est ça :


    podcast

  • Vendredi des quatre temps de carême

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    Voyons donc ce que le Christ a voulu nous faire entendre par ce paralytique ; car le Sauveur, comme je l'ai dit en commençant, a respecté, lui aussi, ce que le nombre un a de mystérieux, et, de tous les malades rangés autour de la piscine, il n'a daigné guérir que celui-là. Dans l'âge de cet homme il a trouvé un nombre d'années qui indique une maladie : « Il était malade depuis trente-huit ans ». Comment ce nombre d'années indiquait-il plutôt la maladie que la santé ?

    Le nombre quarante nous est signalé comme un nombre sacré, parce qu'en un sens, il est parfait. Votre charité, je le suppose, n'en ignore pas ; et les divines Ecritures l'attestent en maints endroits. Vous le savez, le jeûne tire sa consécration de ce nombre de jours. En effet, Moïse a jeûné quarante jours ; Elie a fait de même ; et notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ a aussi jeûné le même espace de temps. Moïse représentait la loi, Elie les Prophètes, et Jésus-Christ l'Evangile : c'est pourquoi ils apparurent tous les trois sur la montagne où le Sauveur se manifesta à ses disciples avec un visage et des vêtements tout radieux. Dans cette apparition, Jésus se trouvait entre Moïse et Elie, comme si l'Evangile tirait sa force du témoignage de la loi et des Prophètes. Qu'il s'agisse donc de la loi, des Prophètes ou de l'Evangile, le nombre quarante nous est signalé comme consacré au jeûne. (...)

    La charité accomplit la loi : et à l'entier accomplissement de la loi, en n'importe quelles œuvres, se rapporte le nombre quarante. Mais, relativement à la charité, nous avons reçu deux commandements : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. Ces deux commandements renferment toute la loi et les Prophètes. » La veuve de l'Evangile n'a-t-elle pas fait don à Dieu de deux misérables pièces d'argent qui composaient tout son avoir ? Est-ce que l'hôtelier n'a pas reçu deux deniers pour veiller à la guérison du malheureux blessé que des voleurs avaient laissé à moitié mort sur le chemin ? Jésus n'a-t-il point passé deux jours chez les Samaritains, pour les affermir dans la charité ? Lorsqu'il s'agit de quelque bonne œuvre, le nombre deux a donc trait au double précepte de la charité : de là il suit que le nombre quarante indique l'entier accomplissement de la loi, et que la loi n'est accomplie que par l'observation du double précepte de la charité : alors, pourquoi s'étonner si celui à qui le nombre deux manquait pour parvenir à quarante, gisait sous le poids de la maladie ?

    Saint Augustin, traité sur l'évangile de saint Jean, 17.