Les chants de la messe sont, comme il convient, ceux du Christ souffrant. Avec une exception spectaculaire : le chant de communion, qui paraît incongru : « Le Seigneur des puissances, c’est lui le Roi de gloire. » Pour l’expliquer, on peut se reporter au principe selon lequel, depuis le mercredi des cendres, les antiennes de communion sont prises selon l’ordre des psaumes, et qu’on en est aujourd’hui au 23. De fait, l’antienne est un verset du psaume 23. Mais on sait que ce principe subit un certain nombre d’exceptions (quand le verset de psaume est remplacé par un verset de l’évangile du jour), et l’on pouvait choisir un verset moins éclatant, même si le psaume tout entier chante la gloire de Dieu. En fait, ce verset, au début du temps de la Passion, vise à ce que l’on n’oublie pas que celui qui va être insulté, moqué, battu, fouetté, couvert de plaies et de crachats, et crucifié comme un bandit, est le Roi de gloire, qui fait précisément son entrée, comme dit le psaume, par une porte dont on doit élever les linteaux pour qu’il passe : la porte de la croix.
La première lecture, sur Jonas à Ninive, nous rappelle que nous sommes toujours dans le temps de la pénitence et du jeûne, et que cette pénitence doit avoir un caractère social, comme le soulignait le bienheureux cardinal Schuster : « En effet, il ne suffit pas que la religion et les pratiques du culte soient le tribut privé et personnel de l’individu, mais il faut qu’elles soient en outre collectives et sociales, puisque la société, la famille, la cité, la nation, etc. sont des entités réelles, et pour cela ont, comme telles, à rendre à Dieu le culte dû. »
Quant à l’évangile, il nous montre une nouvelle fois des gens qui cherchent à s’emparer de Jésus mais ne le font pas, une nouvelle affirmation par Jésus de sa divinité, et une nouvelle annonce du baptême pour les catéchumènes, mais qui dépasse de loin ce cadre.
L’affirmation par Jésus de sa divinité est hélas souvent gommée par les traductions. Il dit : « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas ; et là où je suis, vous ne pouvez venir. » Il ne dit pas « où je serai », mais « où je suis », souligne saint Augustin dénonçant par avance les mauvaises traductions. Il dit « où je suis » parce qu’il est au ciel et qu’il n’a pas quitté le ciel en s’incarnant. Comme il l’a dit auparavant : « Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel. » Qui est au ciel même quand il parle aux hommes sur la terre. Etre au ciel étant l’équivalent de : « Je Suis ».
L’annonce du baptême, par l’eau vive, dépasse ce cadre parce qu’elle concerne toute la vie spirituelle du croyant, à partir du baptême qui crée la source d’où doivent jaillir les fleuves engendrés par l’Esprit. Dans la lecture scripturaire du jour, Jérémie, Dieu se plaint que son peuple l'ait abandonné, lui, "la source d'eau vive". Il s'agit donc de la déification de ceux qui croient au Christ: ils ont en eux la source jaillissante qui est Dieu. La première condition est d'avoir soif.