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Liturgie - Page 409

  • Lundi de la Passion

    Les chants de la messe sont, comme il convient, ceux du Christ souffrant. Avec une exception spectaculaire : le chant de communion, qui paraît incongru : « Le Seigneur des puissances, c’est lui le Roi de gloire. » Pour l’expliquer, on peut se reporter au principe selon lequel, depuis le mercredi des cendres, les antiennes de communion sont prises selon l’ordre des psaumes, et qu’on en est aujourd’hui au 23. De fait, l’antienne est un verset du psaume 23. Mais on sait que ce principe subit un certain nombre d’exceptions (quand le verset de psaume est remplacé par un verset de l’évangile du jour), et l’on pouvait choisir un verset moins éclatant, même si le psaume tout entier chante la gloire de Dieu. En fait, ce verset, au début du temps de la Passion, vise à ce que l’on n’oublie pas que celui qui va être insulté, moqué, battu, fouetté, couvert de plaies et de crachats, et crucifié comme un bandit, est le Roi de gloire, qui fait précisément son entrée, comme dit le psaume, par une porte dont on doit élever les linteaux pour qu’il passe : la porte de la croix.

    La première lecture, sur Jonas à Ninive, nous rappelle que nous sommes toujours dans le temps de la pénitence et du jeûne, et que cette pénitence doit avoir un caractère social, comme le soulignait le bienheureux cardinal Schuster : « En effet, il ne suffit pas que la religion et les pratiques du culte soient le tribut privé et personnel de l’individu, mais il faut qu’elles soient en outre collectives et sociales, puisque la société, la famille, la cité, la nation, etc. sont des entités réelles, et pour cela ont, comme telles, à rendre à Dieu le culte dû. »

    Quant à l’évangile, il nous montre une nouvelle fois des gens qui cherchent à s’emparer de Jésus mais ne le font pas, une nouvelle affirmation par Jésus de sa divinité, et une nouvelle annonce du baptême pour les catéchumènes, mais qui dépasse de loin ce cadre.

    L’affirmation par Jésus de sa divinité est hélas souvent gommée par les traductions. Il dit : « Vous me chercherez, et vous ne me trouverez pas ; et là où je suis, vous ne pouvez venir. » Il ne dit pas « où je serai », mais « où je suis », souligne saint Augustin dénonçant par avance les mauvaises traductions. Il dit « où je suis » parce qu’il est au ciel et qu’il n’a pas quitté le ciel en s’incarnant. Comme il l’a dit auparavant : « Personne n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme, qui est au ciel. » Qui est au ciel même quand il parle aux hommes sur la terre. Etre au ciel étant l’équivalent de : « Je Suis ».

    L’annonce du baptême, par l’eau vive, dépasse ce cadre parce qu’elle concerne toute la vie spirituelle du croyant, à partir du baptême qui crée la source d’où doivent jaillir les fleuves engendrés par l’Esprit. Dans la lecture scripturaire du jour, Jérémie, Dieu se plaint que son peuple l'ait abandonné, lui, "la source d'eau vive". Il s'agit donc de la déification de ceux qui croient au Christ: ils ont en eux la source jaillissante qui est Dieu. La première condition est d'avoir soif.

  • Premier dimanche de la Passion

    Depuis hier soir c’est le temps de la Passion. Les trois hymnes (vêpres, matines et laudes) sont des hymnes de la Croix. La semaine dernière, la lecture des matines était l’Exode. Voici qu’apparaît Jérémie, figure du Christ souffrant, et ses Lamentations seront au cœur du Triduum. La semaine dernière, les répons des matines parlaient presque tous de Moïse. Désormais, hormis le premier qui annonce la Pâque, ils ne seront plus que l’écho de la plainte du Christ souffrant sa Passion et implorant le Père de le sauver de ses ennemis : et cela uniquement par des versets de psaumes, et il en est de même des antiennes de la journée, qui font aussi appel à Jérémie.

    La messe commence par un de ces versets, bien connu de ceux qui connaissent l’ordinaire de la messe puisque c’est le début du psaume 42 récité au bas de l’autel (et qui précisément ne l’est plus à partir de ce jour jusqu’à Pâques) : « Rends-moi justice, ô Dieu, et mets ma cause à part de celle d’une nation qui n’est pas sainte ; arrache-moi à l’homme inique et trompeur, car tu es mon Dieu et ma force. » Le graduel et le trait poursuivent sur le même mode. L’épître (dont on a déjà entendu l’essentiel au capitule des vêpres, puis des laudes, et de tierce) est celle qui explique que le Christ, à la différence des anciens grands prêtres, est entré dans le Sanctuaire avec son propre sang, une fois pour toutes, nous ayant acquis, par son propre sacrifice, une rédemption éternelle. La préface chante le bois de la Croix devenu nouvel arbre de vie. L’antienne de communion souligne qu’il s’agit de la communion au « corps livré pour vous » et du calice de la nouvelle alliance dans son sang.

    L’Evangile donne l’ultime explication : Jésus proclame sa divinité : « Les Juifs lui dirent : Tu n’as pas encore cinquante ans, et tu as vu Abraham ? Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, avant qu’Abraham advînt, Je Suis. Ils prirent donc des pierres, pour les jeter sur lui ; mais Jésus se cacha, et sortit du temple. »

    Aucune traduction française du propos du Christ ne peut être vraiment satisfaisante. La plus mauvaise est assurément la plus courante : « Avant qu’Abraham fût, je suis », avec deux fois le verbe être, et la deuxième fois sans les capitales indiquant qu’il s’agit cette deuxième fois de celui qui EST. Dans les textes grec et latin, il n’y a pas deux fois le verbe être. La première fois, pour Abraham, c’est un verbe qui veut dire devenir, se produire, se faire… Le sens premier du verbe grec étant précisément : venir à l’existence. Bref, il s’agit d’un processus. Abraham, comme tous les hommes, est le rejeton d’une lignée et le produit d’une gestation. A un moment de l’histoire, il a été engendré dans le sein de sa mère et il est venu à l’existence. Tandis que le Christ est une personne divine, et en tant que personne divine il EST, il est l’être même, éternellement.

    Les juifs comprennent immédiatement ce « Je Suis » : ils n’ont pas besoin de le lire pour voir les lettres en capitales. C’est le pire des blasphèmes : ils prennent des pierres pour le lapider.

    Ici il y a encore de très nombreuses traductions défaillantes : « alors ils prirent », ou « alors ils ramassèrent » des pierres pour les lancer sur lui. Mais le mot grec comme le mot latin traduit par « alors » ne veut pas dire « alors ». Il veut dire « donc ». Le traduire par « alors » atténue fortement le sens du verset et montre l’incompréhension du traducteur.

    Jésus dit : JE SUIS. Ils prennent donc des pierres. Il se dit Dieu, par conséquent ils le lapident.

    Mais Jésus se cache et sort du temple.

    Saint Augustin conclut : « Comme homme il fuit les pierres, mais malheur à ceux dont Dieu fuit les cœurs de pierre. » Tamquam homo a lapidibus fugit: sed vae illis a quorum lapideis cordibus Deus fugit !

  • Samedi de la quatrième semaine de carême

    Hier, dans l’évangile, Thomas disait aux autres apôtres : « Allons-y nous aussi, afin de mourir avec lui. » Mais personne n’est mort, et au contraire Lazare qui était mort est ressuscité. Aujourd’hui l’évangile nous rappelle : « Personne ne l’arrêta, car son heure n’était pas encore venue. »

    Son heure va venir, et à partir de demain, ou plutôt de ce soir, c’est le temps de la Passion, qui nous oriente vers le sacrifice de la Croix, la mort de Jésus dans laquelle seront baptisés les catéchumènes. Aujourd’hui est célébrée la dernière messe d’appel des catéchumènes au baptême. Dans les temps antiques on la connaissait sous le nom de « Sitientes », car c’est le premier mot de l’introït : « Vous qui avez soif, venez aux eaux, dit le Seigneur, et vous qui n’avez pas d’argent, venez et buvez avec joie » : Sitientes venite ad aquas (…) et bibite cum lætitia.

    Isaïe parle aussi de cette eau dans la première lecture : « Celui qui a pitié d’eux les conduira et les mènera boire aux sources des eaux. » Le peuple d’Israël est assimilé à un troupeau de brebis que le bon Pasteur conduit dans les meilleurs pâturages et aux meilleures sources. C’est ce que chante aussi le psaume 22, qui est le chant de la communion : « C’est le Seigneur qui me conduit, et rien ne pourra me manquer : Il m’a établi dans un lieu de pâturages : Il m’a amené près d’une eau fortifiante. » Dóminus regit me, et nihil mihi déerit : in loco páscuæ ibi me collocávit : super aquam refectiónis educávit me.

    Le baptême est une illumination, cette eau donne la lumière, et dans l’évangile (saint Jean 8, 12-20) Jésus déclare : « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit (…) aura la lumière de la vie. » La lumière de la vie éternelle.

    Et ceux à qui Jésus communique la lumière deviennent eux-mêmes lumière du monde, par participation à la lumière divine, comme il le dit à ses apôtres (en saint Matthieu) : « Vous êtes la lumière du monde, que votre lumière luise devant tes hommes, afin que voyant vos bonnes œuvres, ils glorifient votre Père qui est dans le ciel. »

    Le Père dont Jésus ose dire aux pharisiens qu’ils ne le connaissent pas. Parce que pour connaître le Père, il faut renaître dans le Fils.

  • Vendredi de la quatrième semaine de carême

    Il a ressuscité la fille du chef de la synagogue lorsqu’elle était encore étendue dans sa demeure ; il a ressuscité le jeune fils de la veuve qu’on portait déjà hors de la ville ; il a ressuscité Lazare enseveli depuis quatre jours. Que chacun examine l’état de son âme: si elle pèche, elle meurt; le péché, c’est la mort de l’âme. Mais quelquefois on pèche en pensée. Ce qui est mal t’a causé du plaisir. Tu as consenti, tu as péché. Ce péché t’a donné le coup de la mort ; mais la mort est à l’intérieur, parce que la mauvaise pensée ne s’est pas réduite en acte. Voulant montrer qu’il ressusciterait cette âme, le Seigneur ressuscita cette jeune fille qui n’avait pas encore été portée dehors, mais qui gisait sans vie dans sa demeure, indiquant par là un péché caché. Toutefois, si tu ne t’es pas borné à consentir à la mauvaise pensée, mais qu’en outre tu aies fait le mal, tu as transporté le mort en dehors des portes; tu es dehors, et tu es emporté mort. Cependant le Seigneur ressuscita aussi ce mort et le rendit à sa mère qui était veuve. Si tu as péché, fais pénitence; et le Seigneur te ressuscitera et te rendra à l’Église, ta mère. Le troisième mort est Lazare. Il y a un genre de mort bien cruel : on l’appelle la mauvaise habitude; car autre chose est de pécher, autre chose est de contracter l’habitude du péché. Celui qui pèche et qui se corrige aussitôt, revient bien vite à la vie; comme il n’est pas encore enlacé par l’habitude, il n’est pas encore enseveli. Mais celui qui a l’habitude de pécher est enseveli, et l’on dit de lui avec raison : Il sent mauvais. Car il commence à avoir une mauvaise réputation, qui se répand autour de lui comme une odeur insupportable. Tels sont tous ceux qui s’accoutument aux crimes, qui sont perdus de mœurs. Tu lui dis : N’agis pas ainsi ; est-ce qu’il t’entend, celui que la terre étouffe, que la corruption déjà gagné et qui est écrasé sous le poids de l’habitude? Et cependant, même ce dernier, Jésus-Christ est assez puissant pour le ressusciter.

    (…)

    Ce ne peut être qu’un grand coupable celui que représentent ces quatre jours de mort et de sépulture. Pourquoi donc Jésus-Christ se trouble-t-il lui-même, sinon pour te montrer comme tu dois être troublé lorsque tu es chargé et accablé d’une si grande masse de péchés ? Tu t’es examiné, tu t’es reconnu coupable et tu as dit en toi-même : J’ai fait cela, et Dieu m’a épargné ; j’ai commis telle faute, et Dieu a différé de me punir ; j’ai entendu l’Evangile, et je l’ai méprisé ; j’ai reçu le baptême, et je suis retombé dans les mêmes fautes : que faire, où aller ? comment m’échapper ? Quand tu parles ainsi, déjà Jésus-Christ frémit en toi, car ta foi frémit, et dans la voix du frémissement, apparaît l’espérance de la résurrection. Si la foi est en nous, Jésus-Christ s’y trouve et frémit : si la foi est en nous, Jésus-Christ est en nous.

    (…)

    Qu’il frémisse aussi en toi, si tu te prépares à revivre. A tout homme, accablé par une mauvaise habitude, il est dit : « Jésus vint vers le tombeau. Or, c’était une grotte, et une pierre avait été placée au-dessus ». Le mort qui se trouve sous la pierre, c’est le pécheur sous la loi. Vous le savez, la loi donnée aux Juifs fut écrite sur la pierre. Or, tous les pécheurs sont sous la loi; ceux qui vivent bien sont avec la loi. La loi n’est point établie pour le juste. Que veulent donc dire ces paroles : « Ecartez la pierre? » Elles veulent dire : prêchez la grâce. Car l’apôtre Paul se dit ministre du Nouveau Testament, non de la lettre, mais de l’esprit. « Car », dit-il, « la « lettre tue, et l’esprit vivifie ». La lettre qui tue est comme une pierre qui écrase. « Ecartez la pierre », dit-il, écartez le poids de la loi, prêchez la grâce. « Car, si la loi qui a été donnée pouvait vivifier, alors vraiment la justice viendrait de la loi. Mais la loi écrite a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût, par la foi en Jésus-Christ, donnée en ceux qui croient »; donc, « écartez la pierre ».

    (…)

    « Ils enlevèrent donc la pierre, et Jésus, élevant les yeux en haut, dit : Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m’avez exaucé. Pour moi, je savais bien que vous m’exaucez toujours; mais je l’ai dit à cause du peuple qui m’entoure, afin qu’ils croient que vous m’avez envoyé. Ayant dit ces mots, « il cria à haute voix ». Il frémit, il pleure, il crie à haute voix. Qu’il a de peine à se lever celui qu’oppresse le poids d’une, mauvaise habitude ! Cependant il se lève; une grâce cachée lui rend intérieurement la vie; il se lève après avoir entendu ce grand cri. Qu’arriva-t-il ensuite ? « Il s’écria à haute voix : Lazare, viens dehors. Et soudain le mort sortit, ayant les mains et les pieds liés avec des bandes et le visage enveloppé d’un suaire. » Tu t’étonnes qu’il ait marché les pieds liés, et tu n’es pas étonné qu’il soit ressuscité après quatre jours? En ces deux faits agissait la puissance de Dieu, et non les forces du mort. Il marcha, et il était encore lié; il était encore enveloppé, et cependant il sortit du tombeau : qu’est-ce que cela signifie? Quand tu violes la loi, tu es étendu mort; et si tu la violes en choses graves, comme j’ai dit plus haut, tu es enseveli; quand tu confesses tes péchés, tu sors. Qu’est-ce, en effet, que sortir, sinon sortir d’un lieu caché et se montrer? Mais que tu confesses tes fautes, c’est Dieu qui le fait en te criant à haute voix, c’est-à-dire en t’appelant par une grande grâce. C’est pourquoi le mort qui s’avance encore lié, c’est le pécheur qui se confesse, mais qui est encore coupable; et pour que ses péchés soient remis, le Seigneur dit à ses ministres : « Déliez-le et laissez-le aller ». Que veut dire : « Déliez-le et laissez-le aller? » : « Ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ».

    Saint Augustin, extraits du traité 49 sur saint Jean.

  • Jeudi de la quatrième semaine de carême

    « La lecture évangélique (Luc., VII, 11-16), avec le récit de la résurrection du fils de la veuve de Naïm, est empruntée au XVe dimanche après la Pentecôte. Cette veuve symbolise l’Église, qui, à force de prières et de larmes, obtient du Seigneur la conversion des pécheurs et leur renaissance à la grâce. Les fossoyeurs qui transportent au tombeau notre cercueil, ce sont les sens, les passions, menant grand bruit autour de l’âme qui, comme prise de vertige, est morte et ne le sait pas. La première grâce que Dieu nous accorde est de faire arrêter ces funestes porteurs de notre bière ; quand le tumulte des passions se calme, il se fait dans l’âme un profond silence, et alors elle commence à réfléchir sur son sort. Combien donc il est nécessaire que la grâce divine dissipe en nous tant d’illusions qui nous font croire être ce que nous ne sommes point ! Semblables en cela à cet ange de l’Apocalypse, à qui Dieu dit : Nomen habes quod vivas, et mortuus es (III, 1) » [Tu as le renom d’être vivant, mais tu es mort].

    Cette explication de l’évangile est du bienheureux cardinal Schuster. Elle fait du jeune homme mort une figure du pénitent, en ce temps de carême, et c’est le commentaire qui est fait également tant par saint Augustin que par dom Guéranger ou dom Pius Parsch. Tous à la suite de saint Ambroise (qui vient lui-même à la suite d’Origène), dont le bréviaire reprend le commentaire aux matines de ce jour. Il est dans ce commentaire un propos particulièrement frappant :

    « Si tes péchés sont si grands que tu ne peux pas les laver dans tes larmes de pénitence, laisse ta Mère l’Église pleurer pour toi. Elle supplie Dieu pour chacun d’entre vous, comme cette mère veuve pleurait pour son fils unique. Car elle souffre des douleurs spirituelles de mère, quand elle voit ses enfants, par leurs péchés mortels, se précipiter vers la mort. »

    On se demande si, quand il écrit cela, saint Ambroise ne pense pas à sainte Monique et à la conversion de saint Augustin. On sait que dans ses Confessions (III, 12), saint Augustin raconte comment sa mère harcelait l’évêque de Milan, avec force larmes, pour qu’il prenne en mains Augustin et le fasse abandonner l’hérésie. Ambroise finit par lui dire : « Va, laisse-moi, et vis toujours ainsi. Il est impossible que l’enfant de telles larmes périsse. » Augustin ajoute : « Dans nos entretiens, elle rappelait souvent qu’elle avait reçu cette réponse comme une voix venue du ciel. »

    Et quand l’Eglise composera une messe de sainte Monique, elle choisira pour évangile celui de la résurrection du fils de la veuve de Naïm…

  • Mercredi de la quatrième semaine de carême

    « Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures, et je vous donnerai un esprit nouveau », chante l’introït : cette messe était celle du grand scrutin, qui voyait les catéchumènes soumis aux premiers rites du baptême : sel, exorcismes, Ephpheta. Suivis de la “tradition” des quatre évangiles, du Credo et du Pater.

    L’évangile s’inscrit dans ce contexte, et saint Augustin le soulignait devant ses catéchumènes. L’aveugle est aveugle de naissance, c’est nous tous qui naissons aveugles des yeux de l’âme, incapables de voir la lumière divine à cause du péché originel. Jésus est lui-même la lumière divine, et il le dit ouvertement : « Je suis la lumière du monde ». Et il est là pour « travailler pendant qu’il fait jour ». Pour guérir les hommes.

    Alors il crache à terre et fait de la boue. « Parce que le Verbe s’est fait chair », commente saint Augustin avec une géniale concision. Par l’incarnation, le Verbe passe par la matière pour donner aux hommes la grâce divine. Jésus enduit les yeux de l’aveugle de cette boue : il en fait un catéchumène, car l’aveugle croit qu’il va être guéri par Jésus, et quand celui-ci lui dit d’aller se laver à la piscine de Siloé, il y va, simplement, en toute confiance. L’évangile est on ne peut plus concis : « Il y alla donc, il se lava, et il revint voyant. » C’est ce que l’ancien aveugle dira ensuite à qui veut l’entendre : « Et abii, et lavi, et video. » Et j’y suis allé, et je me suis lavé, et je vois. Le grec, qui aime bien les propositions participiales, met tout dans un même mouvement : Y allant et me lavant, j’ai vu.

    C’est le baptême proprement dit : par l’eau de l’illumination.

    Alors Jésus se montre à lui et lui demande s’il croit au Fils de Dieu. « Je crois, Seigneur », et, se prosternant, il l’adora. Et tout le monde ici fléchit le genou, pour attester que nous sommes tous des aveugles guéris par le baptême et voyant des yeux de l’âme que le Christ est le Fils de Dieu.

    D’autre part, cet évangile est, dans le déroulement des faits qui vont conduire à la tragédie pascale, une des étapes de la condamnation du Christ par les pharisiens (« cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu’il n’observe pas le sabbat »). Il constitue même une sorte de long procès préliminaire de Jésus par procuration.

    Et, avant de jeter le Messie hors de Jérusalem, ils excluent le miraculé de la synagogue. Pour ne pas voir ça… Pour ne pas voir celui qui voit le Christ.

  • Foi extraordinaire

    Un nouveau programme va faire son apparition sur la chaîne catholique américaine EWTN, intitulé « Foi extraordinaire » : Extraordinary Faith TV.

    Ce programme a pour ambition de « mettre en valeur la beauté de l’art sacré catholique classique, architecture, liturgie et musique ». « Une attention particulière sera accordée à la messe latine traditionnelle, connue également comme forme extraordinaire ou messe tridentine. Cette forme historique du culte catholique a connu un regain de popularité ces dernières années, surtout chez les jeunes, et elle est une riche source de vocations au sacerdoce et à la vie religieuse. »

    Extraordinary Faith TV travaille depuis deux ans à l’élaboration de ses programmes, sous la direction de deux militants de la liturgie traditionnelle : le producteur et scénariste américain Alex Begin, et la journaliste anglaise Mary O’Regan. Pour que le message soit reçu au mieux, ils s’engagent à répondre aux normes de productions les plus élevées : une équipe de professionnels a été réunie à Los Angeles.

    Huit épisodes de 30 minutes ont déjà été tournés. Le premier est consacré à la « Misión de San Juan Capistrano », la mission Saint Jean de Capistran, fondée en 1775 près du village indien de Sajavit en Nouvelle-Espagne (Californie), où il y a sept messes le dimanche, dont deux célébrées dans la forme extraordinaire. Il sera diffusé le 14 avril, puis le 18.

    Chaque épisode sera mis en ligne, un mois après sa première diffusion, sur le site de l’émission : www.extraordinaryfaith.tv (qui sera ouvert le 7 avril). Ce site comportera de nombreuses informations sur la liturgie traditionnelle. L’équipe proposera une formation à la messe de saint Pie V, gratuite, dans les paroisses, à condition que la paroisse bénéficiaire s’engage à ce que soit célébrée au moins une fois par mois la messe selon le missel de 1962.

  • Mardi de la quatrième semaine de carême

    L’antienne du Magnificat reprend l’avant-dernière phrase de l’évangile de ce jour : « Personne ne porta la main sur lui, parce que son heure n’était pas venue. »

    Il est regrettable que cet évangile ne commence pas un peu avant, afin de montrer l’inclusion. Car, juste avant, Jésus dit à ses « frères » qui lui demandent d’aller se produire à la fête : « Mon temps n’est pas encore venu. » Et après avoir ajouté : allez-y, vous, mais moi je ne vais à cette fête, il dit encore : « parce que mon temps n’est pas accompli ».

    Est-ce parce qu’on est embarrassé que l’on a coupé le début du chapitre 7 ? Parce qu’il n’est pas convenable de montrer Jésus affirmant à ses frères qu’il n’ira pas à la fête, et le voir aussitôt après monter lui aussi à la fête ? Jésus qui se contredit comme quelqu’un d’indécis, ou, pire, qui trompe ses frères… L’un ou l’autre est en effet n’est guère digne du Sauveur… En fait ce n'est pas le cas, puisque ce passage sera l'évangile du mardi de la Passion.

    Mais c’est là qu’est important le « Mon temps n’est pas encore venu… mon temps n’est pas accompli… » qui deviendra in fine : « Son heure n’était pas encore venue », pour expliquer que ceux qui veulent le faire mourir ne le saisissent pas alors qu’ils en ont le mobile, l’occasion et la possibilité.

    Car c’est ainsi que commençait, dans le même évangile de saint Jean, le miracle de Cana : « Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi ? Mon heure n'est pas encore venue. »

    Vous croyez que mon heure, c’est de faire des miracles éclatants et de me faire roi d’Israël, mais mon heure, ce sera de subir le châtiment le plus infamant. En attendant, je vais faire ce que vous demandez, mais pas comme vous le pensez.

    Oui, je vais transformer l’eau en vin. Mais personne ne le saura en dehors du maître de cérémonie et de mes disciples, et la vraie signification du miracle n’est pas temporelle, elle est cachée : c’est le symbole du sacrement que j’instituerai.

    Oui, je vais aller à cette fête, mais pas pour m’exhiber comme un faiseur de miracles. J’y vais pour expliquer qui je suis vraiment, dans l’intimité de la Sainte Trinité. Et toute la discussion tourne autour de l’identité de Jésus. Et Jésus finit par parler de « celui qui m’a envoyé », que vous ne connaissez pas, mais que je connais, parce que « Je Suis de Lui » : ab ipso sum. Ses interlocuteurs comprennent la portée du blasphème : « ils cherchaient donc à l’arrêter ». Ce qui n’était pas vraiment ce qu’escomptaient ses frères quand ils lui demandaient de « montrer ses œuvres » à la fête…

  • Lundi de la quatrième semaine de carême

    Revoici (par saint Jean) Jésus chassant les marchands du Temple. La première fois (par saint Matthieu), c’était au début du carême, le mardi de la première semaine. Pour nous faire comprendre que le carême doit servir à nous débarrasser de tout ce qui est « marchand », et marchandise, en nous, tout ce qui nous encombre et nous attache et nous empêche de courir vers Dieu. Le message est encore celui-là, et plus pressant : il est repris dans l’antienne du Benedictus : Auferte ista hinc : « Enlevez tout cela... »

    Mais il y a un autre message. Cet évangile commence par la mention : « La Pâque des Juifs était proche ». Pâques approche en effet. Et le coup de balai dans le Temple est surtout l’occasion d’un enseignement sur la Passion et la Résurrection. Ce qui est d’ailleurs l’unique véritable enseignement de ce geste prophétique, reconnu comme tel par les juifs (« Quel signe nous montres-tu en faisant cela ? »). Jésus annonce sa mort et sa résurrection : « Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai… Il parlait du temple de son corps. » (C’est l’antienne du Magnificat.) Le verbe grec, egero, est l’un de ceux qui sont utilisés dans le Nouveau Testament pour évoquer la résurrection d’entre les morts.

    Et donc, après la Résurrection, les disciples se souvinrent de cet épisode « et crurent à l’Ecriture, et à la parole que Jésus avait dite ».

    Déjà, sur le moment, les disciples s’étaient « souvenus qu’il est écrit (dans le psaume 68) : Le zèle de ta maison me dévore ».

    Le souvenir de l’Ecriture, le souvenir de la Parole, est devenu efficace : il réalise la promesse, le Testament, l’Alliance.

  • 4e dimanche de carême

    Nous venons de dépasser la moitié du carême, et la liturgie nous montre le bout du chemin : la Jérusalem céleste. Et c’est un cri de joie qui éclate dès les premiers mots de l’introït tiré d’Isaïe, et va se répercuter jusqu’à la communion, par les psaumes 121 et 124 qui chantent Jérusalem, par l’épître de saint Paul qui cite Isaïe pour crier la joie de la Jérusalem d’en haut.

    La pâque est proche, nous dit l’évangile de la multiplication des pains, la pâque qui nous donnera jusqu’à la fin du temps le pain de vie de la Jérusalem céleste.

    Avant de manger la Pâque avec ses disciples, et de subir la Pâque par laquelle il nous donnera son corps à manger sous l’apparence du pain, Jésus rassasie les foules d’une surabondance de pain et de poisson, la surabondance qui indique à elle seule l’ère messianique.

    La lecture des matines indique que dans la lecture suivie de l’Ecriture depuis le début de la Genèse au premier dimanche de carême, nous sommes arrivés à l’Exode et à l’histoire de Moïse. Moïse : la première Pâque dans le sang de l’agneau, la manne dans le désert, le long chemin vers la terre promise, vers... Jérusalem. Mais « ce n’est pas Moïse qui vous a donné le vrai pain ; le vrai pain, c’est mon Père qui vous le donne », et suit le discours sur le pain de vie : c’est juste après la multiplication des pains, qui était un discours en acte.

    Les cinq pains d’orge, explique saint Augustin, ce sont les cinq livres de la Loi de Moïse, le Pentateuque. Ils sont d’orge parce qu’ils sont difficiles à décortiquer. Vient Jésus qui les brise en de nombreux morceaux : qui les rend consommables et nourrissants. Les deux poissons, c’est lui-même, Ichtys, comme roi et grand prêtre.

    Avec les restes on remplit douze corbeilles : c’est l’enseignement que les foules ne peuvent pas comprendre, et qui est confié aux douze apôtres qui le garderont et le transmettront. Les douze apôtres, qui sont les douze portes de la Jérusalem céleste…