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Liturgie - Page 346

  • Mercredi des quatre temps de l’Avent

    Au moyen âge la messe de ce jour était appelée « Missa aurea », la messe d’or, parce qu’elle célèbre le mystère d’or, le moment le plus précieux de l’histoire du monde : l’annonce à Marie qu’elle va concevoir et mettre au monde le Sauveur. Dans nombre d’églises, ce jour était comme une autre Annonciation, avec un grand concours de peuple. C’était une fête de la Sainte Vierge, et la plupart des autres fêtes éventuelles qui seraient tombées le même jour devaient être reportées. Cela sera abandonné dans le missel de saint Pie V, mais a été repris dans l’ordo de 1960 : ce mercredi des quatre temps est une férie de deuxième classe.

    Dom Guéranger :

    On voit, par d’anciens Ordinaires à l’usage de plusieurs Églises insignes, tant Cathédrales qu’Abbatiales, que l’on transférait les fêtes qui tombaient en ce Mercredi ; qu’on ne disait point ce jour-là, à genoux, les prières fériales ; que l’Évangile Missus est, c’est-à-dire de l’Annonciation, était chanté à Matines par le Célébrant revêtu d’une chape blanche, avec la croix, les cierges et l’encens, et au son de la grosse cloche ; que, dans les Abbayes, l’Abbé devait une homélie aux Moines, comme aux fêtes solennelles. C’est même à cet usage que nous sommes redevables des quatre magnifiques Sermons de saint Bernard sur les louanges de la Sainte Vierge, et qui sont intitulés : Super Missus est.

    Dom Guéranger ne signale pas que cette fête fut célébrée à Paris jusqu’en 1873 : lui qui bataillait pour l’adoption universelle du missel romain – et qui gagna la bataille – n’allait pas s’attendrir sur un vieil usage gallican… Et c’est sans doute aussi pourquoi il ne donne pas les textes de cette messe. L’explication : « comme il est rare que la Messe des Quatre-Temps soit chantée hors des Églises où l’on célèbre l’Office Canonial » paraît un peu courte après ce qui a été dit…

    La chape blanche était de rigueur. On sait qu’à Bayeux c’était un prêtre, et non un diacre, qui chantait l’évangile, vêtu d’une chape blanche, et tenant une palme à la main. On faisait sonner la cloche de l’Angélus pendant ce chant de l’évangile. C’était en partie un héritage du rite de Sarum, où le diacre et le sous-diacre, en vêtements blancs, s’avançaient avec les thuriféraires et les porteurs de cierges, et le diacre, portant « une palme de la Terre Sainte », proclamait l’évangile après avoir encensé l’autel.

    Dans certains monastères, où il y avait un chant particulier pour l’évangile de la Pentecôte, c’est ce chant qu’on utilisait pour l’évangile de ce jour, celui de l’Annonciation. Car c’est le Saint-Esprit qui vient sur la Vierge, comme il viendra sur les apôtres.

  • Mardi de la troisième semaine de l'Avent

    Vere dignum et justum est, nos tibi hic et ubique semper gratias agere, Domine sancte, Pater omnipotens, æterne Deus, cui proprium est veniam delictis impendere, quam pœnaliter imminere. Qui fabricam tui operis per eumdem rursus lapidem es dignatus erigere, ne imago, quæ ad similitudinem tui facta fuerat vivens, dissimilis haberetur ex morte. Munus venialis indulgentiæ præstitisti: ut unde mortem peccato contraxerat, inde vitam pietas repararet immensa. Hæc postquam prophetica sæpius vox prædixit; et Gabriel Angelus Mariæ jam præsentia nuntiavit, mox puellæ credentis in utero, fidelis Verbi mansit aspirata conceptio; et illa proles nascendi sub lege latuit, quæ cuncta suo nasci nutu concessit. Tumebatur Virginis sinus; et fœcunditate suorum viscerum corpus mirabatur intactum. Grande mundo spondebatur auxilium, fœminæ partus sine viro mysterium; quando nullius maculæ nebula fuscata tenso nutriebat ventre præcordia, mox futura sui genitrix genitoris.

    C’est une chose digne et juste, que nous vous rendions grâces en tout temps et en tous lieux, ô vous, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, dont la nature est plutôt d’accorder le pardon du péché que de sévir par de justes châtiments. C’est vous qui avez daigné employer à relever l’édifice que vos mains avaient bâti, la même pierre qui était entrée dans sa construction ; afin que cette image vivante que vous aviez formée à votre ressemblance ne fût pas rendue dissemblable à son principe par la mort. Vous avez accordé une remise pleine d’indulgence , en sorte que la cause même qui avait produit la mort par le péché servît à réparer la vie, par votre immense miséricorde. La voix des Prophètes fit plus d’une fois retentir l’oracle, et vint l’Ange Gabriel annoncer à Marie que les temps étaient arrivés. La Vierge crut, et dans son sein s’accomplit la conception tant désirée du Verbe fidèle aux promesses : et il fut soumis aux lois de la naissance humaine, celui par la volonté duquel tous tes êtres sont produits. Le sein de la Vierge prenait accroissement, et, malgré la fécondité de ses entrailles, son corps ne perdait rien de sa merveilleuse pureté. Un remède puissant était promis au monde, par ce mystère de l’enfantement d’une femme sans le secours de l’homme ; de cette femme dont le plus léger nuage n’obscurcit jamais la pudeur, et qui pourtant, Mère future de son créateur, sentait croître en elle le fruit que nourrissaient ses entrailles.

    Préface de l’ancien missel Gallican, traduction dom Guéranger. Mais les derniers mots devraient être « Mère future de son créateur », car la prière se termine volontairement sur « genitrix genitoris », génitrice de son géniteur. Le texte paraît en partie inspiré de ces vers du second livre du Carmen Paschale de Sedulius :

    Haec ventura senes posquam dixere prophetae,
    Angelus intactae cecinit properata Mariae:
    Et dictum comitata fides, uterumque puellae
    Sidereum mox implet onus, rerumque creator
    Nascendi sub lege fuit. stupet innuba tensos
    Virgo sinus gaudetque suum paritura parentem.

  • La messe de minuit à Rome

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    Elle sera célébrée par le cardinal Raymond Leo Burke, à la paroisse de la Sainte Trinité des Pèlerins, l’église de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre. Elle sera précédée des matines à 22h, en présence du cardinal.

    (A la basilique Saint-Pierre, François dira une « messe de la nuit de Noël » à 21h30, dépourvue comme d’habitude de tout geste d’adoration, et même de simple vénération, de l’Eucharistie.)

  • Lundi de la troisième semaine de l’Avent

    C’est pourquoi le Seigneur Dieu dit ceci : Voici que moi, je poserai dans les fondements de Sion, une pierre, une pierre éprouvée, angulaire, précieuse, fondée dans le fondement. Que celui qui croit ne se hâte pas. Et j’établirai avec un poids le jugement, et la justice avec mesure ; et la grêle détruira l’espérance du mensonge ; et la protection, les eaux l’inonderont. Et votre alliance avec la mort sera détruite, et votre pacte avec l’enfer ne subsistera pas.

    Isaïe, 28,16-18, lecture des matines.

    Dom Guéranger :

    Père céleste, vous vous préparez à poser dans les fondements de Sion une Pierre ferme et angulaire ; et cette Pierre qui donnera la solidité à Sion qui est l’Église, cette Pierre est votre Fils incarné. Déjà elle avait été figurée, suivant le commentaire de votre Apôtre, par ce Rocher du désert qui recelait les eaux abondantes et salutaires dans lesquelles votre peuple se désaltéra.

    Voici que vous allez nous la donner bientôt en réalité ; elle est déjà descendue du ciel ; et l’heure approche où elle va être posée dans le fondement. O Pierre d’union et de solidité ! par vous, il n’y aura plus ni Juif, ni Gentil, mais une seule famille ; par vous, les hommes ne bâtiront plus sur le sable ces édifices éphémères que .les pluies et les vents emportaient au premier choc. L’Église s’élèvera sur la Pierre, et son faîte atteindra jusqu’au ciel sans qu’il y ait rien à craindre pour sa base ; et si faible, si mobile que soit l’homme dans ses pensées, pourvu qu’il s’appuie sur vous, ô Pierre divine, il participera à votre immutabilité. Malheur à celui qui vous dédaigne ! car vous avez dit, ô Vérité éternelle : « Celui qui tombera sur cette Pierre sera brisé ; et celui sur qui elle tombera sera écrasé. » Gardez-nous de ce double malheur, ô vous, Pierre auguste, appelées occuper la première place de l’angle, et qui pourtant avez été rejetée par d’aveugles architectes. Ne permettez pas que nous ayons le malheur d’être du nombre de ceux qui vous ont ainsi méconnue. Donnez-nous de vous honorer toujours comme le principe de notre force, comme l’unique raison de notre solidité ; et parce que vous avez communiqué cette qualité de Pierre immuable à un de vos Apôtres, et par lui à ses successeurs jusqu’à la consommation des siècles, accordez-nous de nous tenir sans cesse fermes sur le rocher de la sainte Église Romaine, avec laquelle toutes les Églises, sur toute la surface de la terre, se préparent à célébrer votre divine apparition, ô Pierre précieuse, Pierre éprouvée, qui venez détruire l’empire du mensonge et briser l’alliance que le genre humain avait faite avec la Mort et l’Enfer.

  • 3e dimanche de l’Avent

    « Soyez dans la joie, toujours, dans le Seigneur. Je le dis de nouveau : soyez dans la joie, que votre mesure soit connue de tous les hommes, (car) le Seigneur est proche. »

    Tel est le début de l’introït, tel est aussi le début de l’épître d’où est tirée l’introït : Philippiens 4, 4-5 (le « car », qui ne figure pas dans l'épître, a été ajouté à l’introït dans le missel, mais il ne figure pas non plus dans les partitions du plain chant).

    La joie est ce qui caractérise le christianisme, et tout particulièrement à l’époque de saint Paul. Nous ne nous en rendons plus compte aujourd’hui, mais le P. Spicq fait remarquer qu’au Ier siècle, dans les papyrus, le mot grec khara, la joie, est très rare, et qu’il ne désigne jamais la joie de l’âme, mais toujours un plaisir passager tiré d’un fait matériel. Et il insiste : « donc aucun parallèle religieux pour le Nouveau Testament ».

    En revanche la joie spirituelle est d’une grande importance dans le Nouveau Testament, c’est la joie du salut, celle qui est annoncée par l’ange aux bergers : « Je vous annonce (evangelizo) une grande joie (gaudium magnum, megalen kharan), qui sera pour tout le peuple. » La joie de Noël. Diamétralement opposée « au pessimisme et à la désespérance du paganisme du Ier siècle ».

    Il me semble que la fin de la phrase, « le Seigneur est proche », s’applique aux deux exhortations de saint Paul, donc d’abord à la première : soyez dans la joie (car) le Seigneur est proche. Ce qui correspond particulièrement à ce temps liturgique (et c'est l'invitatoire des matines à partir de ce jour). Mais aussi, le Seigneur est proche de vous quand vous êtes dans la joie véritable, et il est proche de vous quand vous manifestez au monde votre « modestia ». (Du moins en ce qui concerne l'épître, car le chant de l'introït relie « le Seigneur est proche » à ce qui suit : « Nihil sollicitis estis » : le Seigneur est proche, n'entretenez aucun souci... » (et cela rend proprement illégitime l'ajout de enim).

    « Modestia », en grec epieikes. Le mot latin de la Vulgate a été traduit paresseusement (ou parce qu’on ne trouvait pas mieux) par « modestie » par Lemaître de Saci comme par l’abbé Fillion (mais il n'avait plus tout à fait le même sens).

    Le latin modestia veut dire d’abord, selon Gaffiot, « ce qui fait qu’on garde la mesure, modération, mesure ». Et aussi « discrétion, sentiment de respect de l’autorité, docilité ». Et encore « pudeur, modestie, vertu, sens de l’honneur, sagesse pratique, convenance ». La plupart de ces mots conviennent au grec epieikes, dont le sens premier est de même la mesure, la modération : un comportement équilibré, mais aussi, en même temps, bienveillant, clément. Dans l’Ancien Testament c’est ce qui caractérise la justice de Dieu, qui ne va pas sans la miséricorde. Le P. Spicq conclut son étude de ce mot : « Finalement, l’épieikeia néo-testamentaire n’est pas seulement modération et mesure, mais bonté, courtoisie, générosité. Davantage encore, elle évoque une certaine gracieuseté, de la bonne grâce. » Et il propose de traduire, dans l’épître aux Philippiens, par « sympathique équilibre ». Ce que l’on comprend après les explications, mais paraîtrait saugrenu dans le texte. Je pense que s’il faut garder un seul mot c’est « mesure » ou « modération » qui s’impose, quoique très insuffisant quant à l’aspect de « bonne grâce ».

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    Début de l’épître aux Philippiens dans le Codex Sangermanensis I, BNF

    Ce qui suit est réservé aux spécialistes – et aux curieux.

    Dans la Vulgate de Stuttgart, on lit : « Dominus prope ». Sans le verbe. En note, on nous dit que c’est ainsi qu’on lit dans le Codex Sangermanensis de la BNF (lat. 11533), que la Vulgate de Stuttgart a pris comme première référence pour cette épître. Mais la Vulgate de Stuttgart a 8 autres références (dont deux sur le même plan que le Sangermanensis) qui ont toutes le verbe : « Dominus prope est. » Il me semble que c’est là privilégier indûment un codex, même s’il correspond au grec, qui n’a pas le verbe (mais en grec cela paraît plus naturel qu’en latin). Or, histoire d’illustrer ma note ci-dessus, je suis allé voir sur le site de la BNF, et j’ai trouvé le Codex. Or, comme on le voit ci-dessous – quatrième ligne avant la fin – le verbe s’y trouve, très clairement: dnspropeest.

    Je suppose que je me trompe quelque part, mais je ne sais pas où. Sinon, la crédibilité de la Vulgate de Stuttgart (déjà irritante par son parti pris systématique de privilégier les manuscrits qui divergent de la clémentine), en prendrait un sérieux coup…

    (Encore une fois bravo et merci à la BNF qui met les manuscrits à la disposition de tous, sans avoir à s’inscrire par un formulaire abscons qui plante, et permet en deux clics de copier des extraits en haute résolution.)

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  • Egredietur Dominus de Samaria

    ℟. Egredietur Dominus de Samaria ad portam quae respicit ad Orientem: et veniet in Bethlehem, ambulans super aquas redemptionis Iudae: * Tunc salvus erit omnis homo: quia ecce veniet.
    ℣. Et praeparabitur in misericordia solium eius, et sedebit super illud in veritate.
    ℟. Tunc salvus erit omnis homo: quia ecce veniet.

    Le Seigneur sortira de Samarie vers la porte qui regarde vers l’Orient : et il viendra à Bethléem, marchant sur les eaux de la rédemption de Juda : alors tout homme sera sauvé : car voici qu’il va venir. Et son trône sera affermi sur la miséricorde, et il y siégera en vérité.

    Ce répons des matines est l’un des plus mystérieux de la liturgie latine. L’origine du verset est facilement identifiable : c’est littéralement Isaïe 16,5, quatre versets après : « Envoie, Seigneur, l’Agneau dominateur du pays ». Mais le répons proprement dit, s’il fait plus ou moins allusion aux prophètes, n’a qu’une seule expression réellement identifiable : « ad portam quae respicit ad Orientem ». Il s’agit de la célèbre prophétie d’Ezéchiel (44,1) sur la virginité de Marie, temple du Seigneur : « Il me ramena vers le chemin de la porte du sanctuaire extérieur, qui regardait vers l'Orient, et elle était fermée. Et le Seigneur me dit: Cette porte sera fermée; elle ne sera point ouverte, et personne n'y passera; car le Seigneur, le Dieu d'Israël, est entré par cette porte. » En effet le Seigneur « viendra à Bethléem » en passant par cette porte. Les « eaux de la rédemption » sont les eaux par lesquelles il faut passer pour être sauvé, depuis celles de la Mer Rouge à celles du baptême en passant par celles qui courent dans les psaumes et celle qui sort du flanc du Christ crucifié. Rédemption du royaume de Juda, c’est-à-dire du royaume de David, et c’est sans doute cette mention qui entraîne celle de Samarie, c’est-à-dire le royaume du nord, le royaume d’Israël dont la capitale était Samarie. Car « alors tout homme sera sauvé », ce qui renvoie à Isaïe 40,5 cité en Luc 3,6 : « et toute chair verra le salut de Dieu ». Or Jésus, pour aller à Bethléem, sort de Samarie, puisque Nazareth se trouve sur le territoire de l’ancien royaume dont Samarie fut la capitale. On attendrait plutôt « Israël ». Mais Jésus est le Samaritain qui sort de son Royaume (par la porte fermée) pour nous sauver.

  • Saint Damase

    On n'a presque pas d'exemples d'éloges funèbres rédigés au temps même de la persécution : cependant, après l'inscription en prose relative à des martyrs de Marseille certainement antérieurs au troisième siècle, on pourrait citer, pour cette dernière époque, le petit poème gravé sur le marbre sépulcral de la chrétienne Zosime, à Porto, œuvre émue d'un contemporain, peut-être d'un témoin de son martyre. Toutes les autres epigrammata un peu détaillées (je parle seulement ici de celles qui ont trait aux martyrs) sont postérieures à la paix de l'Église. Les plus connues ont pour auteur saint Damase, né en 305, avant la fin de la dernière persécution, et qui, devenu pape, consacra ses efforts à honorer la mémoire des martyrs et des confesseurs romains, soit en recherchant leurs tombes, soit en agrandissant les voies souterraines qui y menaient, soit en composant des vers à leur louange.

    Quelquefois ces vers ont pour sujet des personnages des deux premiers siècles, comme l'éloge des saints Nérée et Achillée : dans ce cas, Damase ne saurait être considéré comme l'écho d'une tradition orale et encore vivante ; il a pu cependant recueillir des documents écrits que nous n'avons plus, ou s'inspirer de quelque ancien monument. Mais le plus souvent les martyrs célébrés par Damase appartiennent à une époque moins éloignée de son propre temps. Un grand nombre de ses compositions épigraphiques sont consacrées à des victimes de Dèce ou de Valérien, antérieures d'un demi-siècle seulement à la naissance du poète. On accordera qu'il a dû être ordinairement bien renseigné, si l'on se souvient du soin, quelquefois attesté dans ses vers mêmes, avec lequel il recueillait les traditions chrétiennes de Rome, et si l'on songe que les marbres sur lesquels un ciseau d'une rare élégance grava les poèmes un peu lourds de Damase ont souvent remplacé la décoration plus simple de tombeaux primitifs, au sujet desquels ni l'oubli n'avait eu le temps de se faire ni la légende n'avait eu le temps de naître.

    La valeur historique des poèmes de Damase en l'honneur des martvrs augmente naturellement à mesure que ceux-ci se rapprochent du temps où il a vécu, et appartiennent à des persécutions dont il put dans son enfance connaître les survivants. On verra, à propos de deux martyrs du commencement du quatrième siècle, Damase mettre en vers le récit de leur supplice, tel qu'il le recueillit, enfant, de la bouche du bourreau : percussor retulit mihi Damaso cum puer essem. Une attestation de ce genre a sous sa plume d'autant plus de force, qu'avec une sincérité bien remarquable il emploie, dans un petit nombre de ses poèmes, des formules dubitatives, et nous avertit qu'il ne se porte pas garant personnellement des faits. « Mais le plus souvent, remarque M. de Rossi, il raconte sans hésiter, ou, pour mieux dire, fait allusion à des événements de notoriété publique. Dans ses compositions, rien qui sente la légende ; les Actes des martyrs écrits aux siècles suivants, dans leurs parties suspectes ou manifestement fausses, n'ont rien de commun avec les notices recueillies ou attestées par Damase. Si l'on compare, par exemple , son éloge de Nérée et Achillée avec leurs Actes apocryphes ; l'éloge de Saturnin avec ce que racontent de ce martyr les Actes de saint Cyriaque et du pape Marcel ; l'éloge de ce dernier avec ses Actes ; l'éloge du pape Eusèbe avec les détails légendaires donnés sur lui au Liber Pontificalis : on verra clairement que les poèmes épigraphiques de Damase sont absolument distincts des récits apocryphes qui eurent cours à Rome vers la fin du cinquième siècle et les premières années du sixième. »

    Les épigraphes damasiennes et les autres inscriptions de même famille peuvent être comptées parmi les documents archéologiques ; car si elles nous ont été transmises dans les nombreux sylloges épigraphiques compilés par les pèlerins, les voyageurs et les érudits du septième au quinzième siècle, elles ne sont pas connues, cependant, grâce aux seuls manuscrits : les originaux ou au moins d'importants fragments de beaucoup d'entre elles ont été découverts de nos jours soit dans les cryptes qu'elles ornaient primitivement, soit dans les églises où elles avaient été transportées après l'abandon des cimetières souterrains.

    Paul Allard, La persécution de Dioclétien et le triomphe de l’Eglise, 1890

  • Jerusalem, cito veniet salus tua

    ℟. Jerusalem, cito veniet salus tua: quare maerore consumeris? numquid consiliarius non est tibi, quia innovavit te dolor? * Salvabo te, et liberabo te, noli timere.
    ℣. Ego enim sum Dominus Deus tuus, Sanctus Israel, Redemptor tuus.
    ℟. Salvabo te, et liberabo te, noli timere.

    Jérusalem, ton salut va venir vite ; pourquoi te consumer de chagrin ? N’as-tu pas de bon conseiller, que tu sois revenue à ta douleur ? Je vais te sauver et te libérer : n'aie pas peur. Car je suis le Seigneur ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Rédempteur.

    Ce répons des matines, qui reprend des expressions d’Isaïe (41,14 ; 48,17) et de Michée (4,8-9), et dont le verset est Isaïe 43,3, est repris partiellement dans le dernier couplet du Rorate Cæli.

    Voici le "H" de… Hierusalem, dans l’antiphonaire bénédictin conservé à la Bibliothèque d’Etat de Bade, et dans un antiphonaire de la basilique Saint-Pierre de Rome, tous deux du XIIe siècle.

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  • Mercredi de la deuxième semaine de l’Avent

    C’est aujourd’hui que la lecture des matines est le début du chapitre 16 d’Isaïe, dont j’ai déjà parlé. (J’ai pris de l’avance parce que la liturgie s’attarde sur les premiers chapitres mais suppose néanmoins que les 66 seront lus avant Noël.) Ce chapitre est donc celui qui commence par

    Emitte agnum, Domine, dominatorem terræ, de petra deserti ad montem filiæ Sion.

    Envoie l’Agneau, Seigneur, le dominateur de la terre, de la pierre du désert à la montagne de la fille de Sion.

    Dom Guéranger cite ce jour un extrait d’une homélie de Pierre de Celle :

    C’est l’Agneau qu’il nous faut, et non le Lion, l’Agneau qui ne s’irrite point, et dont la mansuétude ne se trouble jamais ; l’Agneau qui nous donnera sa laine blanche comme la neige pour réchauffer ce qui en nous est froid, pour couvrir ce qui en nous est nu ; l’Agneau qui nous donnera sa chair à manger, de peur que nous ne périssions de faiblesse dans le chemin. Envoyez-le plein de sagesse, car dans sa divine prudence il vaincra l’esprit superbe ; envoyez-le plein de force, car il est dit que le Seigneur est fort et puissant dans le combat ; envoyez-le plein de douceur, car il descendra comme la rosée sur la toison ; envoyez-le comme une victime, car il doit être vendu et immolé pour notre rachat ; envoyez-le, non pour exterminer les pécheurs, car il doit venir les appeler, et non les justes ; envoyez-le enfin digne de recevoir la puissance et la divinité, digne de délier les sept sceaux du livre scellé, savoir l’ineffable mystère de l’Incarnation.

    Ceux qui connaissent un peu le latin liront avec intérêt l’homélie complète, qui est fort pittoresque (et toute tissée de citations de l’Ecriture comme celles de son contemporain saint Bernard). Elle n’est pas longue et ne demande pas une connaissance approfondie du latin. Elle commence ainsi : « Envoie le messager et envoie l’Agneau, pas le sanglier, pas la licorne, pas le taureau, pas le bœuf, pas l’âne, pas le chameau, pas le lion, pas le basilic, pas le scorpion, pas le serpent. Car le sanglier mordrait de ses dents, la licorne foncerait avec sa corne, le taureau fouetterait l’air avec obstination, le bœuf attaquerait avec ses cornes, le bouc puerait, l’âne fatiguerait avec sa stupidité, la bosse du chameau déplairait, le lion dévorerait, le basilic tuerait avec son venin, le scorpion ferait mal avec sa queue, le serpent tromperait. Ces vices doivent être évités et ne sont pas sujets de prière. Car dans le sanglier sont signifiés la lutte et la bagarre, dans la licorne la singularité et la présomption, dans le taureau la lascivité et la rébellion, dans le bœuf la paresse ou l’endurcissement, dans le bouc la luxure, dans l’âne l’hébétude, dans le chameau l’enflure et la difformité, dans le lion la rage et la rapine, dans le basilic la mauvaise persuasion, dans le scorpion la médisance, dans le serpent la tromperie. Dans l’agneau l’innocence. » (« Envoie le messager » est une allusion à Malachie 3,1, qui est cité par Jésus dans l'évangile des messes de cette semaine, et qui est l'antienne de Benedictus de ce jour.)

  • Immaculée Conception

    Salut, Marie, pleine de grâce, plus sainte que les Saints, plus élevée que les cieux, plus glorieuse que les Chérubins, plus digne d’honneur que les Séraphins, et vénérable au-dessus de toute créature.

    Salut, ô colombe qui nous apportez le fruit de l’olivier et nous annoncez Celui par qui nous sommes préservés du déluge spirituel, et qui est le port du salut ; vous dont les ailes ont la blancheur de l’argent et dont le dos brille de l’éclat de l’or et des rayons de l’Esprit très saint et illuminateur.

    Salut, paradis de Dieu, jardin raisonnable et très agréable, planté aujourd’hui à l’Orient par la main toute bienveillante et toute puissante de ce même Dieu, exhalant pour lui l’odeur suave du lis, et produisant la rosée d’une inaltérable beauté pour la guérison de ceux qui avaient, du côté de l’Occident, bu jusqu’à la lie l’amertume d’une mort désastreuse et funeste à l’âme ; paradis, dans lequel l’arbre de vie fleurit pour la connaissance de la vérité, donnant l’immortalité à ceux qui goûtent de son fruit.

    Salut, édifice sacro-saint, immaculé, palais très pur de Dieu le souverain Roi, orné tout autour par la magnificence de ce même Roi divin. Ce palais offre à tous l’hospitalité, et les réconforte par de mystérieuses délices ; dans son enceinte se trouve la couche nuptiale de l’Époux spirituel, elle n’a pas été faite à la main et elle brille d’ornements divers ; c’est là que le Verbe, voulant rappeler dans la voie droite l’humanité errante, s’est uni la chair, afin de réconcilier avec son Père ceux qui s’étaient exilés par l’effet de leur propre volonté.

    Salut, montagne de Dieu très fertile et ombragée, sur laquelle a été nourri l’agneau plein de sagesse qui a porté nos péchés et nos infirmités ; montagne d’où a roulé, sans qu’aucune main la détachât, cette pierre qui a brisé les autels des idoles et qui est devenue le sommet de l’angle : fait admirable à nos yeux.

    Salut, trône sacré de Dieu, autel divin, maison de gloire, ornement d’une beauté incomparable, trésor choisi, propitiatoire de tout l’univers, ciel qui raconte la gloire de Dieu.

    Salut, vase formé d’un or pur, contenant le plus suave attrait de nos âmes : le Christ, qui est la manne véritable.

    O Vierge très pure et très digne de toute louange comme de tout respect, temple consacré à Dieu et surpassant en excellence toute créature, terre intacte, champ fécond sans culture, vigne entièrement fleurie, fontaine répandant des eaux abondantes, vierge féconde et mère sans union, trésor caché d’innocence et beauté toute sainte, intercédez pour nous auprès de celui qui est à la fois votre Fils né de vous, sans avoir de père terrestre, et le Seigneur notre Dieu, Créateur de toutes choses. Daignez, par vos prières toujours agréées et douées de la puissance que donne l’autorité maternelle, prendre en main le gouvernement de l’ordre ecclésiastique et nous conduire au port tranquille.

    Saint Germain Ier, patriarche de Constantinople de 715 à 730, homélie sur la Présentation de la Mère de Dieu (bréviaire).

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    Francisco de Zurbaran, Inmaculada Conceptión, XVIIe siècle.

    Cette toile est l’un des meilleurs exemples d’argument doctrinal catholique représentant la visualisation d’un dogme religieux.

    L’Immaculée Conception représente Marie en tant que seul être mortel à être exempt du péché originel. Marie se tient debout sur cinq chérubins qui forment une demi-lune. Elle arbore un collier mentionnant l’anagramme A[ve] M[aria], tandis qu’une multitude d’étoiles et d’anges émergent des nuages autour de son auréole. Sur les côtés, on aperçoit deux anges portant des lys, des roses (symboles de pureté) et des tablettes avec des inscriptions du Cantique des Cantiques. À gauche et à droite figurent deux collégiens et des symboles attribués à Marie : le Miroir sans tache, l’Échelle de Jacob, la Porte du ciel et l’Étoile du matin.

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