C’est aujourd’hui que la lecture des matines est le début du chapitre 16 d’Isaïe, dont j’ai déjà parlé. (J’ai pris de l’avance parce que la liturgie s’attarde sur les premiers chapitres mais suppose néanmoins que les 66 seront lus avant Noël.) Ce chapitre est donc celui qui commence par
Emitte agnum, Domine, dominatorem terræ, de petra deserti ad montem filiæ Sion.
Envoie l’Agneau, Seigneur, le dominateur de la terre, de la pierre du désert à la montagne de la fille de Sion.
Dom Guéranger cite ce jour un extrait d’une homélie de Pierre de Celle :
C’est l’Agneau qu’il nous faut, et non le Lion, l’Agneau qui ne s’irrite point, et dont la mansuétude ne se trouble jamais ; l’Agneau qui nous donnera sa laine blanche comme la neige pour réchauffer ce qui en nous est froid, pour couvrir ce qui en nous est nu ; l’Agneau qui nous donnera sa chair à manger, de peur que nous ne périssions de faiblesse dans le chemin. Envoyez-le plein de sagesse, car dans sa divine prudence il vaincra l’esprit superbe ; envoyez-le plein de force, car il est dit que le Seigneur est fort et puissant dans le combat ; envoyez-le plein de douceur, car il descendra comme la rosée sur la toison ; envoyez-le comme une victime, car il doit être vendu et immolé pour notre rachat ; envoyez-le, non pour exterminer les pécheurs, car il doit venir les appeler, et non les justes ; envoyez-le enfin digne de recevoir la puissance et la divinité, digne de délier les sept sceaux du livre scellé, savoir l’ineffable mystère de l’Incarnation.
Ceux qui connaissent un peu le latin liront avec intérêt l’homélie complète, qui est fort pittoresque (et toute tissée de citations de l’Ecriture comme celles de son contemporain saint Bernard). Elle n’est pas longue et ne demande pas une connaissance approfondie du latin. Elle commence ainsi : « Envoie le messager et envoie l’Agneau, pas le sanglier, pas la licorne, pas le taureau, pas le bœuf, pas l’âne, pas le chameau, pas le lion, pas le basilic, pas le scorpion, pas le serpent. Car le sanglier mordrait de ses dents, la licorne foncerait avec sa corne, le taureau fouetterait l’air avec obstination, le bœuf attaquerait avec ses cornes, le bouc puerait, l’âne fatiguerait avec sa stupidité, la bosse du chameau déplairait, le lion dévorerait, le basilic tuerait avec son venin, le scorpion ferait mal avec sa queue, le serpent tromperait. Ces vices doivent être évités et ne sont pas sujets de prière. Car dans le sanglier sont signifiés la lutte et la bagarre, dans la licorne la singularité et la présomption, dans le taureau la lascivité et la rébellion, dans le bœuf la paresse ou l’endurcissement, dans le bouc la luxure, dans l’âne l’hébétude, dans le chameau l’enflure et la difformité, dans le lion la rage et la rapine, dans le basilic la mauvaise persuasion, dans le scorpion la médisance, dans le serpent la tromperie. Dans l’agneau l’innocence. » (« Envoie le messager » est une allusion à Malachie 3,1, qui est cité par Jésus dans l'évangile des messes de cette semaine, et qui est l'antienne de Benedictus de ce jour.)