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Saint Damase

On n'a presque pas d'exemples d'éloges funèbres rédigés au temps même de la persécution : cependant, après l'inscription en prose relative à des martyrs de Marseille certainement antérieurs au troisième siècle, on pourrait citer, pour cette dernière époque, le petit poème gravé sur le marbre sépulcral de la chrétienne Zosime, à Porto, œuvre émue d'un contemporain, peut-être d'un témoin de son martyre. Toutes les autres epigrammata un peu détaillées (je parle seulement ici de celles qui ont trait aux martyrs) sont postérieures à la paix de l'Église. Les plus connues ont pour auteur saint Damase, né en 305, avant la fin de la dernière persécution, et qui, devenu pape, consacra ses efforts à honorer la mémoire des martyrs et des confesseurs romains, soit en recherchant leurs tombes, soit en agrandissant les voies souterraines qui y menaient, soit en composant des vers à leur louange.

Quelquefois ces vers ont pour sujet des personnages des deux premiers siècles, comme l'éloge des saints Nérée et Achillée : dans ce cas, Damase ne saurait être considéré comme l'écho d'une tradition orale et encore vivante ; il a pu cependant recueillir des documents écrits que nous n'avons plus, ou s'inspirer de quelque ancien monument. Mais le plus souvent les martyrs célébrés par Damase appartiennent à une époque moins éloignée de son propre temps. Un grand nombre de ses compositions épigraphiques sont consacrées à des victimes de Dèce ou de Valérien, antérieures d'un demi-siècle seulement à la naissance du poète. On accordera qu'il a dû être ordinairement bien renseigné, si l'on se souvient du soin, quelquefois attesté dans ses vers mêmes, avec lequel il recueillait les traditions chrétiennes de Rome, et si l'on songe que les marbres sur lesquels un ciseau d'une rare élégance grava les poèmes un peu lourds de Damase ont souvent remplacé la décoration plus simple de tombeaux primitifs, au sujet desquels ni l'oubli n'avait eu le temps de se faire ni la légende n'avait eu le temps de naître.

La valeur historique des poèmes de Damase en l'honneur des martvrs augmente naturellement à mesure que ceux-ci se rapprochent du temps où il a vécu, et appartiennent à des persécutions dont il put dans son enfance connaître les survivants. On verra, à propos de deux martyrs du commencement du quatrième siècle, Damase mettre en vers le récit de leur supplice, tel qu'il le recueillit, enfant, de la bouche du bourreau : percussor retulit mihi Damaso cum puer essem. Une attestation de ce genre a sous sa plume d'autant plus de force, qu'avec une sincérité bien remarquable il emploie, dans un petit nombre de ses poèmes, des formules dubitatives, et nous avertit qu'il ne se porte pas garant personnellement des faits. « Mais le plus souvent, remarque M. de Rossi, il raconte sans hésiter, ou, pour mieux dire, fait allusion à des événements de notoriété publique. Dans ses compositions, rien qui sente la légende ; les Actes des martyrs écrits aux siècles suivants, dans leurs parties suspectes ou manifestement fausses, n'ont rien de commun avec les notices recueillies ou attestées par Damase. Si l'on compare, par exemple , son éloge de Nérée et Achillée avec leurs Actes apocryphes ; l'éloge de Saturnin avec ce que racontent de ce martyr les Actes de saint Cyriaque et du pape Marcel ; l'éloge de ce dernier avec ses Actes ; l'éloge du pape Eusèbe avec les détails légendaires donnés sur lui au Liber Pontificalis : on verra clairement que les poèmes épigraphiques de Damase sont absolument distincts des récits apocryphes qui eurent cours à Rome vers la fin du cinquième siècle et les premières années du sixième. »

Les épigraphes damasiennes et les autres inscriptions de même famille peuvent être comptées parmi les documents archéologiques ; car si elles nous ont été transmises dans les nombreux sylloges épigraphiques compilés par les pèlerins, les voyageurs et les érudits du septième au quinzième siècle, elles ne sont pas connues, cependant, grâce aux seuls manuscrits : les originaux ou au moins d'importants fragments de beaucoup d'entre elles ont été découverts de nos jours soit dans les cryptes qu'elles ornaient primitivement, soit dans les églises où elles avaient été transportées après l'abandon des cimetières souterrains.

Paul Allard, La persécution de Dioclétien et le triomphe de l’Eglise, 1890

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