Aujourd’hui il y a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne est que nous avons passé la moitié du carême. La mauvaise… est qu’il reste la moitié à faire… Je ne parle ici que de la pénitence, du jeûne et des privations, bien sûr, puisque sur le plan liturgique, au contraire, nous avons une profusion de trésors à consommer sans modération. Dont la messe d’aujourd’hui, qui exceptionnellement n’est pas une messe de pénitence, mais une messe festive, qui célèbre les saints Côme et Damien. Les saints médecins anargyres, que nous allons consulter (gratuitement : anargyre : sans argent) à leur tombeau en leur église de Rome (qui fut le temple de Romulus) pour qu’ils aident à notre guérison pendant ce carême. L’introït est le même que celui du 19e dimanche après la Pentecôte, c’est-à-dire originellement du dimanche le plus proche de la fête des saints Côme et Damien, le 27 septembre. Cet introït, qui commence par « salus » : le salut, la santé (les deux significations étant toujours imbriquées dans l’Evangile) a pour particularité de ne pas être un verset de psaume, ni même d’un autre livre de la Bible. Salus populi ego sum, dicit Dominus… Moi, je suis le salut du peuple, dit le Seigneur. Saint Bernard cite plusieurs fois ces mots comme s’ils étaient une citation de l’Ecriture, et dans les anciennes éditions de ses œuvres on indiquait en référence le psaume 34. Mais le psaume 34 ne dit pas cela, pas davantage que le chapitre 51 d’Isaïe auquel renvoie Innocent III (ou son éditeur) dans son commentaire de la messe. C’est une phrase liturgique qui a ainsi acquis un statut d’Ecriture Sainte, à juste titre puisque son sens se trouve évidemment dans l’Ecriture.
Salus pópuli ego sum, dicit Dóminus : de quacúmque tribulatióne clamáverint ad me, exáudiam eos : et ero illórum Dóminus in perpétuum.
Atténdite, pópule meus, legem meam : inclináte aurem vestram in verba oris mei. (Psaume 77,1)
Je suis le salut du peuple, dit le Seigneur, dans toutes leurs tribulations, s’ils m’invoquent, je les exaucerai et je serai leur Seigneur à jamais.
Mon peuple, écoutez ma loi ; prêtez l’oreille aux paroles de ma bouche.
Voici ce très bel introït par les moines de Triors. On remarquera (à la troisième ligne) le chant identique sur « ad me » et « eos » : Dieu répond avec la même formule mélodique que l’appel, pour bien montrer que le fidèle qui criait sa souffrance est exaucé.