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Liturgie - Page 139

  • Saint Stanislas

     Dom Pius Parsch :

    C’est un spectacle saisissant. Stanislas célèbre le Saint-Sacrifice et subit pendant la messe la mort des martyrs. Il a donc uni le sacrifice de sa vie au sacrifice de la Rédemption. Sa mort ne fait qu’un avec la mort du Christ. C’est un sort qui ne fut réservé qu’à peu d’hommes. Mais il y a quelque chose que nous pouvons faire. Essayons, nous aussi, d’unir notre vie au sacrifice de la messe. Cela est possible de deux manières. Rassemblons tout le bien que nous avons fait, toutes nos souffrances méritoires, pour les présenter comme offrande à la messe suivante. L’antique maxime des anciens était : Ne te présente pas sans don devant la face du roi. Faisons donc de notre travail, de nos prières, de nos souffrances, de nos désirs et de nos craintes, notre pain et notre vin du sacrifice. Alors, le sacrifice de la messe ne sera pas seulement le sacrifice du Christ, mais aussi le nôtre, ou, pour mieux dire, nous offrirons notre sacrifice dans le Christ. Il est un second moyen d’unir notre vie au sacrifice de la messe. Vivons de la vertu du sacrifice. Tel est le sens de nombreuses postcommunions le fruit du sacrifice est une vie agréable à Dieu. Le Christ travaille, souffre, prie en moi... Ainsi, la messe pourrait devenir pour moi ce qu’est le soleil pour les créatures terrestres.

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    Miniature de Stanislas Samostrzelnik pour la Vie des évêques de Cracovie de Jan Długosz, le premier historien polonais, commandée en 1530 par l’évêque de l’époque - et vice-chancelier de la Couronne, Piotr Tomicki, que l’on voit ici à genoux face au roi Sigismond. (Derrière le roi on voit le grand chancelier de la Couronne Krzysztof Szydłowiecki, et derrière l’évêque l’archidiacre de Cracovie Jerzy Myszkowski.) Le petit personnage presque nu et barbu, que l’on voit dans beaucoup de représentations de saint Stanislas, est le pauvre Piotr que l’évêque avait ressuscité.

  • [Saint Jean devant la Porte Latine]

    Cette fête fut supprimée en 1960 parce que les « historiens » négationnistes ont décidé que saint Jean n’était jamais allé à Rome. Pourtant Tertullien autour de l’an 200 rappelait le fait comme un événement connu de tous depuis longtemps.

    La notice du martyrologe (qui n’a pas été supprimée), finit de façon savoureuse (c'est de saint Jérôme) :

    Romæ sancti Joánnis, Apóstoli et Evangelístæ, ante Portam Latínam; qui, ab Epheso, jussu Domitiáni, vinctus Romam est perdúctus, et, judicánte Senátu, ante eándem portam in ólei fervéntis dólium missus, exívit inde púrior et vegétior quam intrávit.

    A Rome, saint Jean, apôtre et évangéliste, devant la Porte Latine. Par ordre de Domitien, il fut amené, chargé de chaines, d'Ephèse à Rome, et, par jugement du Sénat, plongé, devant cette même porte, dans une chaudière d'huile bouillante ; mais il en sortit plus sain et plus robuste qu'il n'y était entré.

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    « Saint Jean Porte Latine » est devenu le saint patron des ciriers et des imprimeurs, et nul ne sait pourquoi, semble-t-il. Parce que l’huile qui devait brûler l’évangéliste ressemble à l’encre grasse, disent certains…

    On constate que le Diocèse aux armées appelle cette fête du « saint du jour » « Saint Jean des imprimeurs » et ne met aucunement en doute l’épisode de la Porte latine.

    Comme pour l’Invention de la Sainte Croix, la messe a été mise dans le fourre-tout « pro aliquibus locis » qui ne veut plus rien dire puisque tout prêtre où qu’il soit peut y puiser.

  • Saint Vincent Ferrier

    Les brebis

    Si vous voulez être du nombre des brebis, observez les quatre qualités qui se trouvent en elles : l'innocence, la bienfaisance, la patience et l'obéissance. Soyez innocents comme elle. Voyez ! Elle ne mord point, et vous aussi ne diffamez personne. Elle n'a pas de cornes, vous aussi, même sous prétexte de justice et en usant de votre puissance, ne frappez pas, ne poursuivez pas le prochain. Dieu parle quelque part de ces cornes-là : Je briserai les cornes des pécheurs. De même la brebis ne frappe pas du pied. Imitez-la en ne méprisant pas le prochain. La brebis n'a pas les ongles crochus. Ce qui veut dire pour vous de ne pas voler ni dérober furtivement. Enfin, soyez bienfaisants comme la brebis : elle observe les conseils évangéliques : Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a pas ; de ses deux tuniques, la laine et la peau, elle donne l'une et garde l'autre. Vous, de même, de votre superflu faites la part du pauvre et couvrez la nudité de votre prochain. La brebis donne le lait et le fromage. Vous aussi, de votre abondance, faites aux autres la plus large part. La brebis est patiente : si vous la frappez, elle ne se retourne pas comme le chien, mais quitte la place et va plus loin. Sachez, vous aussi, supporter les injures, et ne cherchez pas à vous venger. La brebis est obéissante : il suffit d'un tout petit enfant pour garder trente brebis, tandis qu'il ne pourrait garder un seul bouc, lequel s'en va parmi les rochers se faire déchirer par les ronces. Si donc vous voulez être des brebis et non des boucs, soyez soumis au Pasteur éternel.

    *

    Les oiseaux

    Les oiseaux font quatre choses : chanter, voler, se laver et manger.

    1° Ils chantent, leur chant est le bréviaire que Dieu leur montre. Et ils le font, à la minuit le rossignol, et les « oronètes » le jour, et certains autres quand le soleil se couche.

    2° Puis ils volent, et trouvent ainsi un grain de froment, un ver, un brin d'herbe. Qui a posé là ce petit fragment ? Dieu. Ils vivent et n'ont cure de plus.

    3° Puis se purifient, soit avec le bec, soit dans l'eau. – Vous autres, vous ferez ainsi. D'abord, le matin, avant de quitter la maison, agenouillez-vous dévotement dans votre chambre, afin de louer Dieu. – Autre chose font les oiseaux ? Quoi donc ? Ils volent. Vous en ferez autant : penser à la gloire du paradis, à l'enfer, à la Passion, ouïr la messe en silence, n'est-ce pas voler ? – Alors, vous vous purifierez par la confession, et les yeux, et les oreilles. – Enfin vous mangerez. Comment ? En communiant le jour de Pâques avec une grande révérence.

  • Sainte Monique

    Cardinal Schuster :

    La belle figure de la mère d’Augustin, telle qu’elle nous est décrite au IXe livre des Confessions, demeurera toujours vivante dans l’Église comme l’un des plus splendides modèles de mère chrétienne. Il ne faut donc pas s’étonner si l’un des amis d’Augustin, le consul Anicius Bassus l’ancien, plaça sur la tombe de la Sainte à Ostie une plaque de marbre dont l’inscription fut copiée dans les anciens recueils et qui rappelait ses mérites à la postérité. En voici le texte :

    « Versus illustrissimae memoriae Bassi exconsule, scripti in tumulo sanctae memoriae Municae matris Sancti Augustini. »
    HIC • POSVIT • CINERES • GENETRIX • CASTISSIMA • PROLIS
    AVGVSTINE • TVIS • ALTERA • LVX • MERITIS
    QVI • SERVANS • PACIS • CAELESTIA • IVRA • SACERDOS
    COMMISSOS • POPVLOS • MORIBVS • INSTITVIS
    GLORIA • VOS • MAIOR • GESTORVM • LAVDE • CORONAT
    VIRTVTVM • MATER • FELICIOR • SVBOLIS.

    Ici déposa sa dépouille ta très chaste mère, ô Augustin, elle qui reflète comme une nouvelle splendeur sur tes mérites eux-mêmes. Toi, en bon évêque, tu assures entre les peuples les droits sacrés de la concorde et, par ton exemple, tu enseignes les sujets qui te sont confiés. Une gloire bien plus grande est celle qui vous couronne l’un et l’autre : celle de vos œuvres. Mère vraiment heureuse, et qui le deviens plus encore par la vertu d’un tel fils !

    Monique mourut à Ostie en 387, et l’ex-consul Bassus composa cette épitaphe quand Augustin gouvernait encore l’Église d’Hippone en Afrique, c’est-à-dure après 395. Le troisième vers se rapporte probablement à la célèbre conférence avec les Donatistes tenue en 411.

    Le corps de sainte Monique demeura à Ostie jusqu’à 1162 ; c’est alors qu’un certain Walter, prieur des chanoines réguliers d’Aroasia en Belgique, le déroba furtivement et le transporta dans son monastère. Les actes de cette translation, rapportés par les Bollandistes, ne semblent autoriser aucun doute, d’autant plus que la présence en Belgique des reliques de sainte Monique depuis plus de sept siècles est assurée par les documents.

    Comme on ignorait le jour du trépas de sainte Monique, les chanoines d’Aroasia, qui célébraient déjà le 5 mai la conversion de saint Augustin, attribuèrent à la solennité de sa mère le jour précédent. Du monastère de Walter le culte de sainte Monique se répandit en Belgique, en Allemagne et en France, si bien que la fête du 4 mai entra peu à peu dans l’usage liturgique général.

    A l’époque où la reconnaissance du culte liturgique à rendre aux saints appartenait encore aux évêques, le IXe livre des Confessions de saint Augustin avait la valeur d’une bulle de canonisation.

  • [Invention de la Sainte Croix]

    Cette fête a été malencontreusement supprimée en 1960, parce qu’on y voyait un doublon de celle de l’Exaltation de la Sainte Croix le 14 septembre. Ce qui fut triplement dommageable.

    1. Ce n’était pas la même commémoration. Cette fête célébrait « l’invention », c’est-à-dire la découverte, de la Croix par sainte Hélène, alors que celle du 14 septembre célèbre le retour à Jérusalem de la Croix qui avait été prise par les Perses.

    2. Il était bon et très bon d’avoir pendant le temps pascal une fête glorifiant la Croix du salut : la croix d’infamie du Vendredi Saint est la croix pascale de la gloire.

    3. C’était le seul jour de l’année où l’évangile était celui du dialogue mystérieux avec Nicodème (Jean 3,1-15). Qui avait été choisi à cause des derniers mots, repris dans le dernier répons des matines (auquel est ajouté le verset 17) – grande leçon d’herméneutique de l’Ancien Testament par le Christ lui-même :

    ℟. Sicut Móyses exaltávit serpéntem in desérto, ita exaltári opórtet Fílium hóminis: * Ut omnis qui credit in ipsum, non péreat, sed hábeat vitam ætérnam. Allelúja.
    . Non misit Deus Filium suum in mundum ut júdicet mundum, sed ut salvétur mundus per ipsum.
    ℟. Ut omnis qui credit in ipsum, non péreat, sed hábeat vitam ætérnam. Allelúja.
    .  Glória Patri, et Fílio, * et Spirítui Sancto.
    ℟. Ut omnis qui credit in ipsum, non péreat, sed hábeat vitam ætérnam. Allelúja.

    Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle, alléluia.
    Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle, alléluia.

    Tiens, je ne suis pas tout seul. Ordo du Barroux:

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  • 4e dimanche après Pâques

    L’épître de ce dimanche commence par la phrase fulgurante de saint Jacques :

    Omne datum óptimum, et omne donum perféctum desúrsum est, descéndens a Patre lúminum, apud quem non est transmutátio nec vicissitúdinis obumbrátio.

    Tout don excellent et toute donation parfaite vient d'en haut et descend du Père des lumières, chez qui n'existe aucun changement, ni l'ombre d'une variation.

    Cette épître est la (brève) lecture biblique de cette semaine selon le bréviaire. Elle commence ainsi, et donc la première lecture du premier nocturne des matines commence ainsi :

    Omne gáudium existimáte, fratres mei, cum in tentatiónibus várias incidéritis : sciéntes quod probátio fídei vestræ patiéntiam operátur. Patiéntia autem opus perféctum habet : ut sitis perfécti et íntegri in nullo deficiéntes.

    Considérez comme sujet d’une joie complète, mes frères, lorsque vous tombez en diverses tentations, sachant que l’épreuve de votre foi produit la patience ; or la patience rend les œuvres parfaites de manière que vous soyez parfaits, accomplis, et ne manquant de rien.

    Cet éloge de la patience a conduit à donner comme lecture du deuxième nocturne un extrait du livre de saint Cyprien sur cette vertu.

    Dom Pius Parsch :

    Après nous avoir rappelé le « petit délai » dont parle le Seigneur, l’Église nous entretient aujourd’hui de la patience. Elle nous recommande, cette semaine, la pratique de cette vertu, d’une manière toute spéciale, et elle nous fait lire un beau passage du livre de saint Cyprien sur la patience. Le saint nous propose, d’abord, l’exemple de Dieu et du Christ : « Cette vertu nous est commune avec Dieu. C’est en lui que cette vertu a son principe, c’est de lui qu’elle tire sa gloire et sa dignité. Dans son origine et dans sa grandeur, la patience a Dieu comme auteur. L’homme doit aimer une chose qui est chère à Dieu. Un bien que Dieu aime est recommandé par sa divine majesté. Si Dieu est notre Seigneur et notre Père, attachons-nous à la patience de celui qui est à la fois notre Seigneur et notre Père. Il faut, en effet, que les serviteurs obéissent et que les enfants ne soient pas dégénérés ». Saint Cyprien parcourt toute la vie du Seigneur et nous montre partout sa patience, surtout dans sa Passion.

    La Sainte Écriture de l’Ancien comme du Nouveau Testament est également remplie d’exemples de patience. Enfin, saint Cyprien étudie la patience par rapport à la vie chrétienne. Elle donne la persévérance, elle préserve des vices, elle fait naître l’amour, elle triomphe de la haine et de la discorde, elle fait surmonter les contrariétés de la vie. « L’efficacité de la patience est très étendue. Dans toutes nos actions, rien ne peut s’achever sans recevoir sa force de la patience. C’est la patience qui nous recommande et nous garde à Dieu. C’est elle qui tempère la colère, qui réfrène la langue, qui gouverne l’esprit, qui conserve la paix, qui dirige la bonne éducation, qui brise l’impétuosité des passions, qui réprime la violence de l’orgueil, qui éteint l’incendie des haines, qui maintient dans ses limites la puissance des riches, qui adoucit la détresse des pauvres, qui protège la bienheureuse intégrité des vierges, la laborieuse chasteté des veuves et l’amour indestructible des gens mariés ; elle rend humble dans la prospérité, fort dans l’adversité, doux en face des injustices et des injures. Elle apprend à pardonner vite à ceux qui commettent une faute ; si l’on commet soi-même une faute, elle enseigne à demander, longtemps et avec instance, le pardon. Elle combat les tentations, elle supporte les persécutions, elle conduit à leur perfection les souffrances et le martyre. C’est elle qui affermit les fondements de notre foi, c’est elle qui favorise le développement de notre espérance. Elle dirige toutes nos actions, elle nous rend capables de suivre la voie du Christ en nous faisant marcher dans sa patience ».

  • Saint Joseph opifex

    Les missels francophones ont bourgeoisement traduit « opifex » par artisan. Ce qui se conçoit d’autant mieux que saint Joseph était effectivement un artisan. Mais il va de soi que lorsque Pie XII a institué cette fête au 1er mai, c’était pour christianiser la « fête des travailleurs ». En anglais c’est « Saint Joseph the Worker » : le travailleur, l’ouvrier. (Opifex, c’est littéralement celui qui fait un ouvrage. Selon Gaffiot, le mot chez Cicéron a le sens de : créateur, auteur, travailleur, ouvrier, artisan, artiste…)

    Du naufrage liturgique de cette fête ont été sauvés les deux alléluias, puisque comme je l’indiquais en 2019 ils étaient déjà ceux de la « fête du patronage de saint Joseph », avant même que cette fête fût instituée par Pie IX en 1847 pour toute l’Eglise latine.

    En 2019 j’avais donné l’interprétation du second alléluia par les moines de Solesmes en 1904 (bien : 1904). Voici une bonne version du premier (il s’agit semble-t-il de la Schola Bellarmina, mais la chaîne Youtube qui le met en ligne fait partie de celles qui ne donnent jamais leurs sources…).

    Dom Johner : « Une joie particulière doit caractériser l’interprétation de ces deux phrases dans lesquelles saint Joseph nous parle d’une manière rassurante et nous, en retour, le remercions avec gratitude pour son aimante protection. »

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    Allelúia, allelúia. De quacúmque tribulatióne clamáverint ad me, exáudiam eos, et ero protéctor eórum semper.

    Allelúia, allelúia. Dans quelque tribulation qu’ils m’invoquent, je les exaucerai et je serai à jamais leur protecteur.

  • Sainte Catherine de Sienne

    Le Dialogue, III, 2 (111).

    Tu sais, qu'allant un matin à l'église, dès l'aurore, pour entendre la messe, après avoir été tourmentée auparavant par le démon, tu allas te placer droit à l'autel du Crucifix. Le prêtre était venu à l'autel de Marie. Toi, tu examinais ton indignité : tu craignais de m'avoir offensé par la tentation que le démon t'avait fait subir, et tu considérais l'amour de ma Charité, qui avait daigné te faire entendre la messe, alors que tu te jugeais indigne d'entrer seulement dans mon saint temple. Lorsque le prêtre allait consacrer, au moment même de la consécration, tu levas les yeux sur lui, et comme il prononçait les paroles consécratoires, je me manifestai à toi. Tu vis sortir de mon sein une lumière, semblable au rayon de soleil qui jaillit du disque solaire, sans cependant se séparer de lui. Dans cette lumière, unie avec elle, il y avait une colombe qui venait frapper sur l'hostie par la vertu des paroles de la consécration que le ministre prononçait. Les yeux du corps ne purent supporter plus longtemps cette lumière : la vision se continua par le seul regard de l'intelligence. Tu vis alors et tu goûtas l'abîme de la Trinité, et le Dieu-Homme tout entier, caché et voilé sous cette blancheur. Tu vis que ni la splendeur, ni la présence du Verbe, que ton intelligence contemplait en cette blancheur, ne détruisait en rien la blancheur du pain. L'une n'empêchait pas l'autre. En faisant le Dieu-Homme présent en ce pain, je ne supprimais pas le pain, je veux dire sa blancheur, sa dimension, sa saveur.

    Voilà ce que te manifesta ma Bonté. A qui fut continuée cette vision ? A l'œil de l'intelligence éclairée par la pupille de la très sainte Foi. A lui doit revenir la vision principale, parce qu'il ne peut être trompé. C'est donc de ce regard, que vous devez contempler ce Sacrement.

    Et qui le touche ? La main de l'amour. Oui, c'est avec cette main; que l'âme touche ce que l'œil de l'esprit a vu et connu dans le Sacrement par la foi; et elle touche avec cette main de l'amour, pour s'assurer de ce que l'intelligence a vu et connu par la Foi.

    Qui le goûte ? Le goût du saint désir. Le goût corporel goûte la saveur du pain, et le goût de l'âme qui est le saint désir goûte le Dieu-homme. Tu vois donc que les sens du corps sont ici déçus, mais non le sens de l'âme, à cause de la lumière et de la certitude qu'elle possède en elle-même. Car l'œil de l'intelligence a perçu par la pupille de la très sainte Foi ; ayant vu, il connaît, puis il touche avec foi, par la main de l'amour, ce qu'il a connu par la foi. Enfin par ce goût qui est en elle, par l'ardent désir, l'âme goûte ce qu'elle a vu et touché, l'amour ineffable de mon ardente Charité.

    C'est cet Amour qui a daigné l'inviter à recevoir un si grand mystère, avec la grâce qu'il produit, dans ce Sacrement.

    Ce n'est donc pas seulement par les opérations des sens corporels, tu le vois, que vous devez considérer et recevoir ce sacrement, mais par les actes spirituels en disposant les puissances de l'âme par affection d'amour, à contempler, à recevoir, à goûter ce mystère.

  • Saint Pierre de Vérone

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    Ce polyptyque d’Andrea di Giovanni, dit Andrea da Murano, en 1478, était destiné à l’église Saint Pierre de Vérone (on disait Saint Pierre Martyr) de Murano. Or, curieusement, on voit que le saint ne se trouve pas sur le panneau central, mais sur celui de droite. Il est en pendant de saint Sébastien, et au centre il y a saint Vincent Ferrier et saint Roch.

    Pourquoi saint Roch, et pourquoi en face de lui saint Vincent Ferrier avec du feu dans la main ? Mystère.

    Sans doute cela a-t-il un rapport avec les petits personnages qui sont les commanditaires de l’œuvre.

    Cela dit saint Vincent Ferrier était dominicain, comme saint Pierre, et l’on voit dans le panneau supérieur, autour de Marie Mère de grâce, saint Dominique, saint Thomas d’Aquin et sainte Catherine de Sienne. Bref, le panthéon dominicain.

    Avec… saint Louis… dont on se demande aussi ce qu’il fait à Murano…

    Saint Pierre de Vérone chez Fra Angelico.

    Les antiennes et le répons dominicains.

  • Saint Louis Marie Grignion de Montfort

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    Discours de Pie XII pour la canonisation de Louis Marie Grignion de Montfort (et non pas sa béatification comme dit le site du Vatican, puisqu’il avait été béatifié par Léon XIII), le 21 juillet 1947. On remarquera l’insistance du pape à saluer le Breton Grignion de Montfort et les Bretons, et l’allusion au soulèvement vendéen dont on peut dire que ce fut « l’œuvre de ses mains ».

    Soyez les bienvenus, chers fils et chères filles, accourus en grand nombre pour assister à la glorification de Louis-Marie Grignion de Montfort, l'humble prêtre breton du siècle de Louis XIV, dont la courte vie, étonnamment laborieuse et féconde, mais singulièrement tourmentée, incomprise des uns, exaltée par les autres, l'a posé devant le monde « en signe de contradiction », « in signum, cui contradicetur » (Lc 2, 34). Réformant, sans y penser, l'appréciation des contemporains, la postérité l'a rendu populaire, mais, par dessus encore le verdict des hommes, l'autorité suprême de l'Église vient de lui décerner les honneurs des saints.

    Salut d'abord à vous, pèlerins de Bretagne et du littoral de l'Océan. Vous le revendiquez comme vôtre et il est vôtre en effet. Breton par sa naissance et par l'éducation de son adolescence, il est resté breton de cœur et de tempérament à Paris, dans le Poitou et en Vendée ; il le restera partout et jusqu'au bout, même dans ses cantiques de missionnaire, où par une pieuse industrie, — qui réussirait peut-être moins heureusement à une époque plus critique et volontiers gouailleuse, il adaptait des paroles religieuses aux airs populaires de son pays. Breton, il l'est par sa piété, sa vie très intérieure, sa sensibilité très vive, qu'une délicate réserve, non exempte de quelques scrupules de conscience, faisait prendre par des jeunes gens primesautiers, et par quelques-uns même de ses Supérieurs, pour gaucherie et singularité. Breton, il l'est par sa droiture inflexible, sa rude franchise, que certains esprits, plus complaisants, plus assouplis, trouvaient exagérée et taxaient avec humeur d'absolutisme et d'intransigeance.

    C'est en l'épiant malicieusement à son insu, en le voyant et en l'entendant traiter avec les petits et les pauvres, enseigner les humbles et les ignorants, que plus d'un découvrit avec surprise, sous l'écorce un peu rugueuse d'une nature qu'il mortifiait et qu'il forgeait héroïquement, les trésors d'une riche intelligence, d'une inépuisable charité, d'une bonté délicate et tendre.

    On a cru parfois pouvoir l'opposer à saint François de Sales, prouvant ainsi qu'on ne connaissait guère que superficiellement l'un et l'autre. Différents, certes, ils le sont, et voilà bien de quoi dissiper le préjugé qui porte à voir dans tous les saints autant d'exemplaires identiques d'un type de vertu, tous coulés dans un même moule ! Mais on semble ignorer complètement la lutte, par laquelle François de Sales avait adouci son caractère naturellement aigre, et l'exquise douceur avec laquelle Louis-Marie secourait et instruisait les humbles. D'ailleurs, l'amabilité enjouée de l'évêque de Genève ne l'a pas plus que l'austérité du missionnaire breton, mis à l'abri de la haine et des persécutions de la part des calvinistes et des jansénistes et, d'autre part, la rudesse fougueuse de l'un, aussi bien que la patience de l'autre au service de l'Église leur ont valu à tous les deux l'admiration et la dévotion des fidèles.

    La caractéristique propre de Louis-Marie, et par où il est authentique breton, c'est sa ténacité persévérante à poursuivre le saint idéal, l'unique idéal de toute sa vie : gagner les hommes pour les donner à Dieu. À la poursuite de cet idéal, il a fait concourir toutes les ressources qu'il tenait de la nature et de la grâce, si bien qu'il fut en vérité sur tous les terrains — et avec quel succès ! — l'apôtre par excellence du Poitou, de la Bretagne et de la Vendée ; on a pu même écrire naguère, sans exagération, que « la Vendée de 1793 était l'œuvre de ses mains ».

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