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Liturgie - Page 135

  • Sainte Germaine de Pibrac

    Il y eut d’abord une fête de saint Guy, auquel furent adjoints Modeste et Crescence. Ce sont les saints qui ouvrent le martyrologe aujourd’hui. La messe propre existe toujours, mais la fête n’a plus que le rang de mémoire.

    Le martyrologe du jour se termine ainsi :

    A Pibrac, au diocèse de Toulouse, sainte Germaine Cousin vierge. Elle demeura toute sa vie occupée à la garde des troupeaux, vécut dans l'humilité et la pauvreté et endura avec une très grande patience de nombreuses épreuves; elle s'en alla enfin vers l'époux céleste et opéra après sa mort de nombreux et éclatants miracles. Elle a été inscrite au nombre des saintes vierges par le souverain pontife Pie IX.

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    Ce tableau fut peint en 1856 par Ingres et deux de ses élèves et offert à l’église Saint-Etienne de Sapiac, qui est aujourd’hui un quartier de Montauban, ville d’origine du peintre. Il s’agit d’un ex voto, suite à la guérison d’un neveu de sa femme, deux ans après la béatification de Germaine. On voit la jeune bergère en prière, avec ses moutons et sa houlette, et sa quenouille. Important instrument car lorsqu’elle allait à la messe c’est la quenouille fichée en terre qui gardait les moutons et éloignait les loups. Le tableau fait également référence, comme la plupart des représentations de sainte Germaine, au miracle des roses, analogue à celui des deux sainte Elisabeth : sa marâtre la voyant partir avec du pain qu’elle allait donner aux pauvres la poursuivit et lui fit dénouer son tablier : il en tomba un bouquet de fleurs alors qu’on était en hiver. On remarque que Ingres, comme tous les autres « portraitistes » de Germaine, ne peut pas se résoudre à montrer que la bergère était de naissance gravement infirme d’une main. C’est pourtant en partie grâce à quoi on la reconnut quand on découvrit par hasard son corps, intact, plus de 40 ans après sa mort.

    N.B. On peut lire un scan non corrigé de la vie de sainte Germaine par Louis Veuillot ici (merci à la Bibliothèque nationale).

  • Saint Basile le Grand

    Εἰς πᾶσαν τὴν γῆν ἐξῆλθεν ὁ φθόγγος σου, ὡς δεξαμένην τὸν λόγον σου, δι' οὗ θεοπρεπῶς ἐδογμάτισας, τὴν φύσιν τῶν ὄντων ἐτράνωσας, τὰ τῶν ἀνθρώπων ἤθη κατεκόσμησας, Βασίλειον Ἱεράτευμα, Πάτερ Ὅσιε, Χριστὸν τὸν Θεὸν ἱκέτευε, δωρήσασθαι ἡμῖν τὸ μέγα ἔλεος.

    Ta voix a retenti par toute la terre, qui a reçu ton enseignement, par lequel tu as exposé les vérités divines, expliqué la nature des êtres et redressé les mœurs humaines. Royal sacerdoce, bienheureux Père, prie le Christ Dieu de nous accorder sa grande miséricorde.

    Apolytikion chanté le 1er janvier dans la liturgie byzantine. Saint Basile est mort le 1er janvier 379 (le 14 juin est la date de son ordination épiscopale). Son nom veut dire « royal », et son surnom lui fut donné de son vivant. Il était le petit-fils de sainte Macrine l’Ancienne, le fils de saint Basile l’Ancien et de sainte Emmélie, le frère de saint Grégoire de Nysse, saint Pierre de Sébaste et sainte Macrine la Jeune. Il est le grand organisateur du monachisme byzantin, saint Benoît lui-même s’y réfère dans sa Règle, et il est l’auteur de livres de tout premier plan, dont le Traité du Saint-Esprit qui prouve la divinité de la troisième Personne, et les Homélies sur l'Hexaemeron (la création). La divine liturgie usitée pendant le carême (et le 1er janvier) porte son nom.

  • 3e dimanche après la Pentecôte

    Jacta cogitátum tuum in Dómino : et ipse te enútriet. ℣. Dum clamárem ad Dóminum, exaudívit vocem meam ab his, qui appropínquant mihi.

    Jette ta pensée dans le Seigneur, et lui-même te nourrira. ℣. Tandis que je criais vers le Seigneur, il a exaucé ma voix pour me délivrer de ceux qui s’approchent (pour m’attaquer).

    Le « corps » du graduel de cette messe fait directement écho à l’épître, quand saint Pierre dit : « omnem sollicitúdinem vestram proiciéntes in eum, quóniam ipsi cura est de vobis » (vous déchargeant sur lui de tous vos soucis, car c’est lui qui prend soin de vous). Le propos de l’apôtre est manifestement inspiré par le psaume (mais la deuxième partie fait aussi allusion à Sagesse 6,8).

    Le corps du graduel ne garde que la première partie du verset 23 du psaume 54, dans la version du psautier romain, qui a « cogitatum » : a priori seulement « la pensée ». Mais dans le contexte il s’agit des soucis, des préoccupations, des inquiétudes : mérimnan, dit le grec, et dans le psautier gallican (celui de la Vulgate) le mot a été traduit par « curam » : souci, inquiétude.

    Le « verset » quant à lui ne se trouve pas tel quel dans le psaume 54, quelle que soit la version. Il reprend des expressions des versets 17 à 19 de ce psaume, mais dans une version plus proche du psautier gallican que du psautier romain, et avec « dum clamarem » et « exaudivit » empruntés au psaume 4…

    C’est une pièce joyeuse, parce que j’ai déjà jeté mes préoccupations dans le Seigneur et qu’il m’a exaucé (au passé, comme dans le psaume 4, alors que c’est au futur dans le psaume 54).

    Par les moines de Silos :

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  • Saints Basilide, Cyrin, Nabor et Nazaire

    Par décision de Benoît XIII en 1729, les martyrs qui étaient célébrés ce jour furent supplantés par Jean de Saint-Facond (pour retrouver mes notes sur lui taper Facond dans « Rechercher », ici à gauche).

    Il s’agissait à l’origine de trois solennités distinctes, qui finirent par être regroupées en une seule. Et qui était importante, puisqu’elle avait sa messe propre, qui est celle des saints Nabor et Nazaire (martyrs milanais et non romains).

    L’antienne de communion combine deux versets du psaume 78, dans la version du Psautier romain :

    Posuérunt mortália servórum tuórum, Dómine, escas volatílibus cæli, carnes Sanctórum tuórum béstiis terræ : secúndum magnitúdinem bráchii tui pósside fílios morte punitórum.

    Commentaire du cardinal Schuster :

    L’antienne pour la Communion est tirée du même psaume que l’introït. « Ils jetèrent les cadavres de vos serviteurs en pâture aux oiseaux de proie ; ils donnèrent les chairs de vos fidèles à dévorer aux bêtes féroces. Par votre bras puissant, régnez sur les fils des suppliciés ».

    Les fils des suppliciés, c’est nous, rejetons éclos sur une terre arrosée du sang, ou plutôt, comme le dit Tertullien, éclos du sang même des martyrs, qui est semen Christianorum. Reconnaissant donc la noblesse de notre origine, nous prions le Seigneur de prendre possession de nous, c’est-à-dire de faire que son règne sur nous soit total, incontesté et pacifique. Adveniat regnum tuum.

  • Le Sacré Cœur

    Les litanies du Sacré Cœur, jusqu’à la 13e invocation, superbement chantées par les moines de Solesmes sous la direction de dom Gajard en 1970.

    Kyrie, eléison. Kyrie, eléison.
    Christe, eléison. Christe, eléison.
    Kyrie, eléison. Kyrie, eléison.

    Christe, áudi nos. Christe, áudi nos.
    Christe, exáudi nos. Christe, exáudi nos.

    Pater de coélis, Deus, miserére nobis.
    Fíli, Redémptor mundi, Deus, miserére nobis.
    Spíritus Sancte, Deus, miserére nobis.
    Sancta Trínitas, unus Deus, miserére nobis.

    Cor Jesu, Fili Patris aeterni, miserére nobis.

    Cor Jesu, in sinu Vírginis Matris a Spíritu Sancto formátum, miserére nobis.

    Cor Jesu, Verbo Dei substantiáliter unítum, miserére nobis.

    Cor Jesu, majestatis infinitae, miserére nobis.

    Cor Jesu, templum Dei sanctum, miserére nobis.

    Cor Jesu, Tabernáculum Altíssimi, miserére nobis.

    Cor Jesu, domus Dei et porta coeli, miserére nobis.

    Cor Jesu, fornax ardens caritatis, miserére nobis.

    Cor Jesu, justítiae et amoris receptáculum, miserére nobis.

    Cor Jesu, bonitate et amore plenum, miserére nobis.

    Cor Jesu, virtútum ómnium abyssus, miserére nobis.

    Cor Jesu, omni láude digníssimum, miserére nobis.

    Cor Jesu, rex et centrum ómnium córdium, miserére nobis.

    Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, parce nobis, Dómine.
    Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, exáudi nos, Dómine.
    Agnus Dei, qui tollis peccata mundi, miserére nobis.

    Seigneur, ayez pitié de nous.
    O Christ, ayez pitié de nous.
    Seigneur, ayez pitié de nous.
    Jésus-Christ, écoutez-nous.
    Jésus-Christ, exaucez-nous.

    Père céleste qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
    Fils, Rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
    Esprit Saint qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.
    Trinité Sainte qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, Fils du Père éternel, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, formé par le Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Mère, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, uni substantiellement au Verbe de Dieu, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, d’une infinie majesté, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, temple saint de Dieu, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, tabernacle du Très-Haut, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, maison de Dieu et porte du ciel, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, fournaise ardente de charité, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, sanctuaire de la justice et de l’amour, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, plein d’amour et de bonté, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, abîme de toutes les vertus, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, très digne de toutes louanges, ayez pitié de nous.

    Cœur de Jésus, roi et centre de tous les cœurs, ayez pitié de nous.

    Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.
    Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.
    Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, ayez pitié de nous, Seigneur.

  • Sainte Marguerite d’Ecosse

    Deus, qui beátam Margarítam regínam exímia in páuperes caritáte mirábilem effecísti : da ; ut, ejus intercessióne et exémplo, tua in córdibus nostris cáritas júgiter augeátur.

    Dieu, vous avez rendu admirable la bienheureuse reine Marguerite, en lui inspirant une extrême charité pour les pauvres : faites que, par son intercession et à son exemple, votre charité croisse continuellement dans nos cœurs.

    Que sainte Marguerite exerce sa charité sur le peuple écossais qui est aujourd’hui dans la plus extrême misère spirituelle. Ce pays est aujourd’hui celui qui a la pire législation concernant les « discours de haine » : tout propos qui ne correspond pas à la dictature des idéologies de la décadence et de la culture de mort, y compris en privé, peut être poursuivi et condamné. La loi émane du ministre de la Justice, Hamza Yousaf, qui l’an dernier avait fait un discours devant le Parlement en égrenant les noms des principales personnalités écossaises, ajoutant « blanc » à chaque nom, pour montrer l’intolérable absence de diversité dans l’élite écossaise. Il n’y eut personne pour lui demander si par exemple au Gabon il est intolérable que toutes les personnalités soient noires.

  • Saints Prime et Félicien

    Fait plutôt rare, ces deux martyrs du temps de Dioclétien ont une messe propre. Certes, l’introït est celui qui avait été composé pour la fête des saints Côme et Damien, et l’on retrouve les autres pièces ici ou là. Mais l’antienne de communion est bien spécifique, puisqu’elle reprend une phrase de ce qui était l’évangile primitif (qui fut changé par la suite).

    Ego vos elégi de mundo, ut eátis et fructum afferátis : et fructus vester maneat.

    C’est moi qui vous ai choisis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure.

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    A Ligugé (avec un verset du psaume 88 : « Invéni David servum meum, óleo sancto meo unxi eum » (J’ai trouvé David mon serviteur, je l’ai oint de mon huile sainte.)


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    Graduel dit des séquences de Notker, Xe siècle. On voit que seuls sont notés l'introït et la communion.

     

  • Saint Médard

    « S'il pleut à la Saint-Médard, il pleut quarante jours plus tard, à moins que Saint-Barnabé ne lui coupe l'herbe sous le pied. »

    « Quand il pleut pour la Saint-Médard, il pleut quarante jours plus tard, à moins que Saint-Gervais soit beau, et tire Saint-Médard de l’eau. »

    « Pleurs de Saint-Médard, quarante jours bousards. »

    « S'il pleut à la Saint-Médard, le quart des biens est au hasard. »

    « Le temps sera à la moisson, comme à la Saint-Médard nous l’avons. »

    « Saint Médard, beau et serein, promet abondance de grain. »

    « Saint Médard éclairci, fait le grenier farci. »

    Le nombre de dictons de météo agricole sur saint Médard est étonnant. Le 8 juin serait-il donc un jour si particulier ? C’est d’autant plus étonnant que saint Médard n’est ce jour qu’en quatrième position dans le martyrologe romain. Le premier est saint Maximin. Puis il y a la martyre sainte Calliope, puis saint Guillaume évêque d’York.

    Puis on a :

    A Soissons, en France, l'anniversaire de saint Médard, évêque de Noyon, dont la vie et la mort précieuses sont rehaussées par de glorieux miracles.
    A Rouen, saint Gildard évêque, frère du même saint Médard. Ces deux frères nés le même jour, sacrés évêques le même jour, moururent aussi le même jour, et entrèrent ensemble au ciel.

    Saint Médard et saint Gildard (ou saint Godard) furent aussi les assistants de saint Remi au baptême de Clovis.

    Il y a une église Saint-Godard à Rouen, où fut d’abord gardé son corps, transféré ensuite à Soissons auprès de celui de son frère à l’abbaye fondée en 557 pour conserver les reliques de saint Médard. Abbaye détruite en 1793, en dehors de la « crypte » :

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    Il y a une église (partiellement) romane Saint Médard et saint Gildard à Crépon dans le Calvados, et une autre à Lhuys dans l’Aisne (diocèse de Soissons).

  • Recordare, Domine

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    Antiphonaire du couvent des cordeliers de Fribourg, autour de 1300.

    Recordáre, Dómine, testaménti tui, et dic Angelo percutiénti: Cesset iam manus tua,
    * Ut non desolétur terra, et ne perdas omnem ánimam vivam.
    V. Ego sum qui peccávi, ego qui iníque egi: isti qui oves sunt, quid fecérunt? Avertátur, óbsecro, furor tuus, Dómine, a pópulo tuo.
    R. Ut non desolétur terra, et ne perdas omnem ánimam vivam.

    Souvenez-vous, Seigneur, de votre alliance, et dites à l’Ange exterminateur : “Que ta main s’arrête désormais”, afin que la terre ne soit pas dévastée, et que vous ne causiez la perte de toute âme vivante. C’est moi qui ai péché, moi qui ai agi de façon inique ; ceux-là sont des brebis, qu’ont-ils fait ? Que s’éloigne votre fureur, Seigneur, de votre peuple, afin que la terre ne soit pas dévastée, et que vous ne causiez la perte de toute âme vivante.

    Puisque la lecture biblique du moment sont les livres des Rois, ce répons des matines reprend des éléments de II Rois 24, 15-17. Ou I Chroniques 21, 14-17 : les deux textes sont quasiment identiques. Mais on n’y trouve pas « Recordare Domine testamenti tui », et c’est Dieu qui demande à l’ange d’arrêter le massacre par lequel il punissait David pour avoir recensé le peuple.

    Le texte du répons à proprement parler (la première phrase) fut choisi en 1348, par Clément VI (Pierre Roger, né en Corrèze, pape d’Avignon), comme antenne d’introït pour la messe contre la peste qui ravageait l’Europe. Cette messe existe toujours dans les missels, comme messe votive en « temps d’épidémie » (n° 23 dans le nouveau missel du Barroux). Et son épître est la lecture du passage du livre des Rois dont s’inspire l’introït (ou plutôt le répons qui lui préexistait).

  • 2e dimanche après la Pentecôte

    Voici, très chers frères, en quoi les jouissances du corps et celles de l’âme diffèrent ordinairement ; les jouissances corporelles, avant leur possession, allument en nous un ardent désir ; mais pendant qu’on s’en repaît avidement, elles amènent bientôt au dégoût, par la satiété même, celui qui les savoure. Les jouissances spirituelles, au contraire, provoquent le mépris avant leur possession, mais excitent le désir quand on les possède ; et celui qui les goûte en est d’autant plus affamé qu’il s’en nourrit davantage. Dans celles-là, le désir plaît, mais l’expérience est déplaisir ; celles-ci semblent au contraire de peu de valeur lorsqu’on ne fait encore que les désirer, mais leur usage est ce qui plaît le plus. Dans les premières, l’appétit engendre le rassasiement, et le rassasiement, le dégoût ; dans les secondes, l’appétit fait naître la jouissance, et le rassasiement, l’appétit.

    Les délices spirituelles augmentent en effet le désir dans l’âme, à mesure qu’elle s’en rassasie ; plus on goûte leur saveur, mieux on connaît qu’on doit les désirer avec avidité ; c’est ce qui explique pourquoi on ne peut les aimer sans les avoir éprouvées, puisqu’on n’en connaît pas la saveur. Qui peut, en effet, aimer ce qu’il ne connaît pas ? Aussi le Psalmiste nous en avertit en disant : « Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux ». Comme s’il disait formellement : Vous ne connaissez pas sa douceur si vous ne le goûtez point, mais touchez avec le palais de votre cœur, l’aliment de vie, afin que, faisant l’expérience de sa douceur, vous deveniez capables de l’aimer. L’homme a perdu ces délices quand il pécha dans le paradis ; il en sortit lorsqu’il ferma sa bouche à l’aliment d’éternelle douceur.

    De là, vient aussi qu’étant nés dans les peines de cet exil, nous en arrivons ici-bas à un tel dégoût, que nous ne savons plus ce que nous devons désirer. Cette maladie de l’ennui s’augmente d’autant plus en nous, que l’âme s’éloigne davantage de cette nourriture pleine de douceur. Elle en arrive à perdre tout appétit pour ces délices intérieures, par cette raison même qu’elle s’en est tenue éloignée et a perdu depuis longtemps l’habitude de les goûter. C’est donc notre dégoût qui nous fait dépérir ; c’est cette funeste inanition prolongée qui nous épuise. Et, parce que nous ne voulons pas goûter au dedans la douceur qui nous est offerte, nous aimons, misérables que nous sommes, la faim qui nous consume au dehors.

    Extrait de l’homélie 36 de saint Grégoire le Grand, lecture des matines.