Si on ne reconnaît plus la conscience, il ne peut plus y avoir d’objection de conscience. Or si l’on pose en principe qu’aucune loi morale ne saurait primer les lois que votent les députés (comme Jacques Chirac l’avait déjà proclamé en 1995 contre Jean-Paul II), c’est la loi civile qui s’impose, de façon totalitaire, et l’on ne peut pas invoquer une conscience qui serait en désaccord avec la loi civile, puisque cette conscience obéirait à une loi morale à laquelle la loi civile dénie toute autorité, ou plutôt toute existence.
Pendant un temps, la vieille tradition chrétienne de nos pays a fait qu’on a malgré tout gardé, plus ou moins, une possibilité d’objection de conscience, face à la culture de mort. Mais on voit bien que cette possibilité est de plus en plus battue en brèche, et le temps vient où elle n’existera plus. Le Léviathan aura gagné. Celui de Hobbes auquel on fait précisément appel.
C’est au Canada. Alors que le Parlement va voter la légalisation de l’euthanasie, des médecins en appellent à l’objection de conscience, et d’autres médecins veulent interdire l’objection de conscience. Au nom de l’éthique. Mais oui.
Ainsi le Pr Udo Schuklenk, l’un des bioéthiciens les plus influents du Canada, rédacteur en chef adjoint du Journal d’Ethique médicale, et le Pr Riccardo Smalling, l’un de ses collègues à l’université de la Reine dans l’Ontario, affirment dans un article que « forcer les patients à vivre selon les valeurs des objecteurs de conscience constitue une violation inacceptable des droits des patients ».
Ils argumentent que les professionnels de santé ont passé un contrat avec la société. En contrepartie d'un monopole lucratif sur la fourniture d'un service essentiel, les patients ont le droit d'exiger qu'ils fournissent les services socialement acceptables et conformes à la loi. En refusant leurs services, ils abusent de leur pouvoir. Les auteurs citent le bioéthicien américain R. Alta Charo, qui dit : « Revendiquer un droit absolu à l'autonomie personnelle tout en gardant le contrôle monopolistique d’un bien public constitue un abus de confiance du public – pire encore si ce n’est pas, en fait, un acte personnel de conscience, mais plutôt une tentative de conquête culturelle. » (Sic.)
L’objection de conscience est arbitraire car elle se fonde sur des prémisses indémontrables. « Aujourd’hui elle vise l’avortement et l’aide à la mort, demain ce pourra être l’utilisation des outils de la médecine personnalisée ou tout autre chose. »
Si un médecin se sent mal à l’aise avec les lois, il doit démissionner. Ce qui importe, c’est ce que la société a déclaré légal, pas les insondables diktats de la conscience individuelle.
Et ils citent Hobbes : « La loi est la conscience publique par laquelle [un citoyen] a déjà entrepris d'être guidé. »
Si la loi change, les consciences doivent donc changer aussi pour être au diapason de la conscience publique qui s’exprime dans les lois. Sinon, ce serait l'anarchie. Et ces vertueux bioéthiciens sont pour l’ordre. Celui des cimetières, des corps et des âmes.
(BioEdge, via Gènéthique)