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Benoît XVI - Page 89

  • Le message du 1er janvier

    Le message de Benoît XVI pour la Journée mondiale de la paix, le 1er janvier, porte la date du 8 décembre (fête de l’Immaculée Conception) et a été rendu public le 11 décembre. Il a été commenté par les médias comme un message « écologique ». En bref, le pape rejoint le GIEC et les prophètes de l’Apocalypse du réchauffement climatique. La Croix évoquait ainsi le document :

    « S’il porte comme titre La Famille humaine, sa première partie rappelle combien l’institution familiale – fondée sur le mariage – doit être préservée comme facteur de paix. Mais toute la seconde partie du message est un vibrant appel à une meilleure protection de la planète et en faveur d’une politique mondiale de l’environnement équitable. Il faut, explique Benoît XVI, penser la terre comme notre maison commune. » Et ce journal ajoutait que s’il avait déjà insisté à plusieurs reprises sur ce sujet, « c’est la première fois que Benoît XVI développe le thème de façon aussi complète ».

    En réalité, ce sont 2 paragraphes sur 15 (les numéros 7 et 8) qui traitent de cette question... Il ne s’agit donc ni de « toute la seconde partie du message », ni d’un développement complet de ce thème. La Croix et les autres commentateurs de la pensée unique occultent ainsi ce qui est central dans la seconde partie : la loi morale naturelle.

    L’an dernier déjà, Benoît XVI avait évoqué le thème écologique, mais en liant explicitement la paix avec la nature et la paix entre les hommes et la paix avec Dieu. Il disait que nous devons avoir « toujours plus présents à l’esprit les liens qui existent entre l’écologie naturelle, à savoir le respect de la nature, et l’écologie humaine » et il ajoutait : « L’expérience montre que toute attitude irrespectueuse envers l’environnement porte préjudice à la convivialité humaine, et inversement. Un lien indissoluble apparaît toujours plus clairement entre la paix avec la création et la paix entre les hommes. L’une et l’autre présupposent la paix avec Dieu. »

    Loin de sacrifier tout à coup à la dictature écolo-mondialiste, le pape rappelle ce que l’Eglise a toujours enseigné : il faut respecter la nature parce que c’est la création de Dieu.

    Non seulement le pape ne s’inscrit pas dans le contexte du terrorisme climatique actuel, mais quand il fait allusion aux débats actuels, c’est pour souligner, d’une part que « respecter l’environnement ne veut pas dire que l’on considère la nature matérielle ou animale comme plus importante que l’homme » (il vise ici ceux, de plus en plus nombreux, qui voient l’homme comme un ennemi de la déesse Terre), et que d’autre part « il convient que les évaluations se fassent avec prudence, dans un dialogue entre experts et sages, sans précipitations idéologiques vers des conclusions hâtives ».

    C’est clair.

    En fait, ce très beau message, qu’il faut voir dans son ensemble, apparaît comme un développement de la phrase de Centesimus annus que citait le pape l’an dernier : « Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté ». Ce qui annonce le développement sur la loi morale naturelle dans les paragraphes 11 à 13.

    Les premiers paragraphes sont une défense de la famille, « la famille naturelle en tant que profonde communion de vie et d’amour, fondée sur le mariage entre un homme et une femme ». Le pape en profite pour rappeler la doctrine catholique sur les droits de l’homme, en citant le préambule de la Charte des droits de la famille : « Les droits de la personne, bien qu’exprimés en tant que droits de l’individu, ont une dimension foncièrement sociale qui trouve dans la famille son expression innée et vitale. »

    Reprenant les expressions qui définissent la famille, il souligne que lorsqu’on l’appelle la cellule première et vitale de la société on dit « quelque chose d’essentiel » : c’est dans la famille qu’on « fait l’expérience de certaines composantes fondamentales de la paix » : la justice, l’amour, l’autorité, le service, le pardon... Ainsi la famille est-elle « la première et irremplaçable éducatrice à la paix ».

    De ce fait, porter atteinte à la famille, qui est « la principale “agence“ de paix », c’est porter atteinte à la paix dans le monde, qui est une grande famille. Mais là, le pape souligne aussitôt que pour que soient posées les conditions d’une humanité pacifiée, pour que l’humanité soit une famille, il est nécessaire que chacun se reconnaisse responsable devant Dieu. « Sans ce Fondement transcendant, la société est seulement un conglomérat de voisins, non une communauté de frères et de sœurs, appelés à former une grande famille ».

    C’est alors que le pape est conduit à évoquer la « maison » de la famille humaine, qui est la terre. Une maison commune dont il faut évidemment prendre soin, de façon commune et concertée.

    Après un paragraphe sur la justice dans les relations économiques, qui doit se référer à la justice et à la sincérité dans les relations familiales, le pape évoque longuement la loi morale naturelle, en poursuivant l’analogie familiale : « Une famille vit en paix si tous ceux qui la composent se plient à cette norme commune. »

    « La norme juridique (…) a comme critère la norme morale fondée sur la nature de choses. » Il insiste de nouveau très fortement sur cette question, en l’appliquant notamment aux relations internationales. Pour que les normes juridiques soient vraiment efficaces, « il faut remonter à la norme morale naturelle, fondement de la norme juridique, sinon cette dernière reste soumise à des consensus fragiles et éphémères. » Et encore : « Il est indispensable de revenir à cette loi fondamentale et de consacrer à cette recherche le meilleur de nos énergies intellectuelles. »

    Avant de rappeler la nécessité du désarmement, particulièrement nucléaire, le pape souligne que le souci de rendre les normes internationales plus conformes à la loi morale naturelle doit permettre « d’éviter qu’elles ne se réduisent à des procédures faciles à contourner pour des motifs égoïstes ou idéologiques ».

    Ces deux derniers mots sont en quelque sorte la trame de son discours. L’homme doit lutter contre l’égoïsme et rejeter l’idéologie, dans tous les domaines. Cela concerne aussi bien la famille que la société, aussi bien les relations internationales que le souci de la planète. Il n’y a pas de discours spécifiquement écologique dans ce message. Il y a la doctrine sociale de l’Eglise, dans toute son ampleur.

  • Le message du pape

    De la splendide homélie de Noël prononcée par le pape à la messe de minuit, les médias n’ont retenu que le côté dit « écologique ». Comme si Benoît XVI était une sorte de Nicolas Hulot du Vatican. Voici donc le passage en question. Pour ceux qui sont encore capables de comprendre que le message « écologique » (qui a toujours été le message catholique) s’inscrit dans un contexte spirituel, et quel contexte spirituel, quand le pape fait appel à saint Jean et à saint Grégoire de Nysse…

    Dans certaines représentations de la Nativité à la fin du Moyen-Âge et au début de l’époque moderne, l’étable apparaît comme un palais un peu délabré. Si l’on peut encore en reconnaître la grandeur d’autrefois, il est maintenant en ruines, les murs sont effondrés – il est précisément devenu une étable. Bien que n’ayant aucun fondement historique, cette interprétation exprime cependant sur un mode métaphorique quelque chose de la vérité qui se cache dans le mystère de Noël. (…)

    Dans ses homélies de Noël, Grégoire de Nysse a développé la même perspective en partant du message de Noël dans l’Évangile de Jean : « Il a planté sa tente parmi nous » (1, 14). Grégoire applique ce mot de tente à la tente de notre corps, devenu usé et faible, toujours exposé à la douleur et à la souffrance. Et il l’applique au cosmos tout entier, lacéré et défiguré par le péché. Qu’aurait-il dit s’il avait vu les conditions dans lesquelles se trouvent aujourd’hui la terre en raison de l’utilisation abusive des ressources et de leur exploitation égoïste et sans aucune précaution ? De manière quasi prophétique, Anselme de Canterbury a un jour décrit par avance ce que nous voyons aujourd’hui dans un monde pollué et menacé dans son avenir : « Tout ce qui avait été fait pour servir à ceux qui louent Dieu était comme mort, avait perdu sa dignité. Les éléments du monde étaient oppressés, avaient perdu leur splendeur à cause de l’excès de ceux qui les asservissaient à leurs idoles, pour lesquelles ils n’avaient pas été créés » (PL 158, 955 ss). Ainsi, selon la vision de Grégoire, dans le message de Noël, l’étable représente la terre maltraitée. Le Christ ne reconstruit pas un palais quelconque. Il est venu pour redonner à la création, au cosmos, sa beauté et sa dignité : c’est ce qui est engagé à Noël et qui fait jubiler les anges. La terre est restaurée précisément par le fait qu’elle est ouverte à Dieu, qu’elle retrouve sa vraie lumière; et, dans l’harmonie entre vouloir humain et vouloir divin, dans l’union entre le haut et le bas, elle retrouve sa beauté, sa dignité. Aussi, la fête de Noël est-elle une fête de la création restaurée.

  • Sarkozy à Rome. Le souvenir de Chirac...

    Les discours de Nicolas Sarkozy à Rome, devant le pape et à Saint-Jean de Latran, peuvent surprendre les novices. Si on les écoute d’une oreille distraite, on a l’impression que le nouveau chanoine exalte la France chrétienne. En réalité, il combine de façon subtile et habile l’impératif circonstanciel (à Rome, on ne peut que dire du bien du christianisme et se montrer héritier de la tradition chrétienne) et l’impératif présidentiel de la laïcité républicaine.

    En réalité, son discours est beaucoup plus « laïque » que celui de Jacques Chirac lors de sa visite similaire à Rome en janvier 1996. Nicolas Sarkozy, pourtant moins laïcard que Jacques Chirac (par américanisme, et parce qu’il faut une « laïcité positive » pour favoriser l’islam), n’a pas osé se faire écrire des discours aussi hypocrites que son prédécesseur : reprenant, au début, certains éléments du discours chiraquien, il a tenu aussi à exposer sa vision de la laïcité, alors que Chirac s’en était abstenu. On sait que Jacques Chirac était très attaché à la loi de 1905. Ses discours de Rome étaient des violations massives de la loi de 1905. Ils étaient surtout en contradiction patente, et tout aussi massive, avec sa politique. (N’auraient-ils pas été écrits par Jean-Paul Bolufer ? Si quelqu’un a la réponse...)

    C’était tellement ahurissant que je n’ai pu résister, à cette occasion, de les relire, et de vous en faire partager de larges extraits, que voici.

    Au Vatican, devant Jean-Paul II :

    En septembre prochain, nous célébrerons, en Votre présence, le 1500è anniversaire du baptême de Clovis qui a été, c'est vrai, vous l'avez mentionné, l'un des actes fondateurs de la France. Cet événement marquera la force et la richesse du lien tissé au long des siècles entre la France et le Trône de Pierre.

    "Fille aînée de l'Eglise", la France l'a été par sa fidélité catholique, par son dynamisme missionnaire et aussi, pour reprendre l'expression de Sa Sainteté Jean XXIII, par "l'admirable lignée de Saints" issus de notre sol. Une grande part de notre patrimoine est d'abord l'illustration d'une ferveur religieuse.

    La récente canonisation de Monseigneur Eugène de Mazenod, les hautes fonctions assumées auprès de Vous par les prélats et les religieux français, l'accueil réservé par mes compatriotes aux messages de Votre Sainteté, sont autant de témoignages de ce lien qui unit la France et le Saint-Siège. Ils attestent la pérennité d'un appel, la réponse à une promesse, une convergence de pensées.

    Rencontrant les Français dès le début de Son Pontificat, et tout récemment encore, dans Son adresse aux catholiques de France, Votre Sainteté les exhortait à la fidélité. Fidélité aux engagements personnels. Mais aussi fidélité à l'Eglise et fidélité à la France, à sa mission, aux principes de dignité, de solidarité humaines hérités de l'Evangile. Ces principes mêmes que la France républicaine s'est efforcée de défendre, chez elle et partout.

    Il n'est pas, Très Saint-Père, de sujet touchant la vie de l'homme en société que Vous n'ayez abordé à l'occasion des grands textes qui ont jalonné Votre Pontificat. Qu'il s'agisse de la paix, des droits de la personne humaine, de sa liberté, de la famille et de l'éducation, toujours s'expriment Votre vigilance et Votre exigence. Toujours Vous invitez à discerner, dans l'écume et le vacarme des temps, l'homme, sa dignité, son épanouissement, sa vérité.

    Sans relâche, Vous dénoncez les forces de mort, si présentes dans ce siècle. La guerre, la violence, l'oppression, bien sûr. Mais aussi un certain désespoir, une absence de confiance dans la vie et sa splendeur. Une quête jamais satisfaite des possessions matérielles, un goût pour les succès provisoires, l'éclat trompeur des choses, qui marquent notre temps. (...)

    Dans les moments de doute, quand la respiration de nos existences se fait plus oppressante, chacun se pose les seules questions qui vaillent : celles des origines et de la fin, de la place de l'homme dans nos sociétés modernes.

    C'est notamment auprès de l'Eglise, de Son message et de Son guide, dans le secours de la foi, que beaucoup d'hommes cherchent une raison d'espérer, la force de surmonter leurs souffrances. Et c'est auprès de la France, que beaucoup de peuples cherchent conseil et assistance.

    <A l'occasion, Très Saint-Père, de Votre première visite pastorale dans notre pays, Vous lanciez à ceux des miens nourris de la foi catholique : "France, éducatrice des peuples, es-tu fidèle à ton alliance avec la Sagesse éternelle ?"

    <Oui, Très Saint-Père, la France, sur laquelle comptent tant d'hommes et de femmes de par le monde, veut être fidèle à son héritage, à sa vocation spirituelle et humaine. (...)

    Voilà pourquoi, Très Saint-Père, nos efforts se rejoignent. Voilà pourquoi la France et le Siège Apostolique ont vocation à travailler ensemble, toujours plus étroitement, pour ancrer la justice, la sérénité et la paix dans le cœur des hommes.

    Très Saint-Père,

    Dans quelques mois, Vous foulerez une nouvelle fois le sol de France. Votre visite pastorale Vous conduira à Auray, à Tours et à Reims. Vous y retrouverez la patrie de Saint Jean-Marie Vianney, le Curé d'Ars, dont Vous confiiez récemment combien son exemple Vous avait ému. Vous y mesurerez la vitalité, l'ardeur de l'Eglise de France, mais aussi l'attachement de l'ensemble des Français à Votre personne. Beaucoup de jeunes Vous accueilleront en "Champion de Dieu" comme disait le Cardinal Marty, avec chaleur et avec enthousiasme.

    Profondément encouragé, dans la tâche difficile que m'ont confiée les Français, par l'accueil toujours bienveillant de Votre Sainteté, je forme les vœux les plus fervents pour Sa personne, pour le succès de Sa prochaine visite en France et pour l'accomplissement des desseins de Son pontificat.

    Et au Latran :

    Mon émotion est faite du souvenir des liens historiques qui, depuis Pépin le Bref et Charlemagne, unissent la nation française à la première Eglise de la chrétienté. Ici, plus que partout ailleurs, la France se souvient de son titre de "fille aînée de l'Eglise". Ici, plus que partout ailleurs, elle peut exprimer sa fierté et sa reconnaissance pour une fidélité réciproque, jamais démentie malgré le temps et les passions de l'Histoire.

    La présence du chef de l'Etat français en ce lieu devant vous se veut bien davantage que la seule perpétuation d'une ancienne tradition. Elle entend témoigner de la fidélité de mon pays à ses origines, aux sources de sa culture et de sa civilisation.

    Ma présence se veut aussi, Eminence, le gage de relations fécondes, de relations à poursuivre et nourrir entre la France et le Saint-Siège en même temps qu'entre l'Eglise et l'Etat. L'indispensable dialogue, pour difficile voire douloureux qu'il ait pu être dans l'Histoire, ne s'est jamais rompu. A l'épreuve de notre république laïque, passées la méfiance et les craintes, les catholiques de France savent désormais pouvoir vivre en citoyens sans rien renier de leur foi. Mieux, ils ont la conviction d'apporter leur pleine et généreuse contribution à la communauté nationale. Ils s'y emploient, je le sais, avec passion et avec loyauté.

  • Une petite observation

    En reprenant Spe Salvi, je me suis aperçu qu’il y avait là une première : c’est la première encyclique, depuis le concile Vatican II, qui ne donne aucune citation du concile, qui ne fait aucune allusion à ce concile.

    C’est d’autant plus remarquable qu’une partie importante de l’encyclique aborde des thèmes traités dans la constitution Gaudium et Spes.

    Mais voilà. Cette constitution pastorale, « L’Eglise dans le monde de ce temps », qui prétendait « esquisser quelques-uns des traits fondamentaux du monde actuel » et même répondre à des questions « urgentes », ignorait totalement, en 1965, le communisme qui étendait sa dictature et son esclavage sur un tiers de la planète.

    Dans son encyclique, Benoît XVI met le communisme à sa place dans l’histoire de la profanation de l’espérance, montre comment Lénine avait dû élaborer (et avec quelles conséquences) ce que Marx avait oublié d’indiquer (tout simplement ce que l’on fait après la révolution…), et souligne que la véritable erreur de Marx est le matérialisme. Il n’y a rien non plus sur le matérialisme dans Gaudium et Spes. Ou plutôt c’est pire : le mot y apparaît une fois, pour signaler en passant que la vie de beaucoup de nos contemporains est « imprégnée de matérialisme pratique ».

    On relève aussi dans l’encyclique qu’« une autocritique de l’ère moderne » est « nécessaire », et qu’il « convient » qu’à cette autocritique « soit associée aussi une autocritique du christianisme moderne ».

    On mettra ces considérations en perspective avec ce qui était au cœur du discours de Paul VI le 7 décembre 1965, à savoir le jour même de la signature de la constitution Gaudium et Spes :

    « L'Eglise du Concile, il est vrai, ne s'est pas contentée de réfléchir sur sa propre nature et sur les rapports qui l'unissent à Dieu : elle s'est aussi beaucoup occupée de l'homme, de l'homme tel qu'en réalité il se présente à notre époque : l'homme vivant, l'homme tout entier occupé de soi, l'homme qui se fait non seulement le centre de tout ce qui l'intéresse, mais qui ose se prétendre le principe et la raison dernière de toute réalité. (…)

    « L'humanisme laïque et profane enfin est apparu dans sa terrible stature et a, en un certain sens, défié le Concile.

    « La religion du Dieu qui s'est fait homme s'est rencontrée avec la religion (car c'en est une) de l'homme qui se fait Dieu.

    « Qu'est-il arrivé ? Un choc, une lutte, un anathème ? Cela pouvait arriver ; mais cela n'a pas eu lieu. La vieille histoire du bon Samaritain a été le modèle et la règle de la spiritualité du Concile. Une sympathie sans bornes pour les hommes l'a envahi tout entier. La découverte et l'étude des besoins humains (et ils sont d'autant plus grands que le fils de la terre se fait plus grand), a absorbé l'attention de notre Synode.

    « Reconnaissez-lui au moins ce mérite, vous, humanistes modernes, qui renoncez à la transcendance des choses suprêmes, et sachez reconnaître notre nouvel humanisme : nous aussi, nous plus que quiconque, nous avons le culte de l'homme.

    « Et dans l'humanité, qu'a donc considéré cet auguste Sénat, qui s'est mis à l'étudier sous la lumière de la divinité ? Il a considéré une fois encore l'éternel double visage de l'homme : sa misère et sa grandeur, son mal profond, indéniable, de soi inguérissable, et ce qu'il garde de bien, toujours marqué de beauté cachée et de souveraineté invincible. Mais il faut reconnaître que ce Concile, dans le jugement qu'il a porté sur l'homme, s'est arrêté bien plus à cet aspect heureux de l'homme qu'à son aspect malheureux. Son attitude a été nettement et volontairement optimiste.

    « Un courant d'affection et d'admiration a débordé du Concile sur le monde humain moderne. Des erreurs ont été dénoncées. Oui, parce que c'est l'exigence de la charité comme de la vérité mais, à l'adresse des personnes, il n'y eut que rappel, respect et amour. Au lieu de diagnostics déprimants, des remèdes encourageants ; au lieu de présages funestes, des messages de confiance sont partis du Concile vers le monde contemporain : ses valeurs ont été non seulement respectées, mais honorées ; ses efforts soutenus, ses aspirations purifiées et bénies. »

    Quiconque vient de lire Spe salvi trouvera le contraste violent.

    On dira qu’en faisant cela je ne me conforme pas à la volonté de Benoît XVI d’élaborer une « herméneutique de la continuité ».

    Je ne le crois pas. Et cela pour deux raisons.

    La première est que ce passage du discours de Paul VI est l’expression et a été un moteur de « l’esprit du concile », esprit de rupture avec la tradition. Ce n’est pas moi qui porte atteinte à une herméneutique de la continuité, c’est Paul VI, et ceux qui se sont servis de ce passage (qui est objectivement une interprétation forcée du texte de Gaudium et Spes, surtout, évidemment, si on l’isole de ce que Paul VI dit avant et après).

    La seconde raison est que ce même pape, Benoît XVI, qui veut à très juste titre une herméneutique de la continuité (à laquelle s’est déjà attaché Jean-Paul II sous divers rapports), et qui dans son motu proprio sur la messe évoque la continuité de l’évolution liturgique, est la même personne qui à plusieurs reprises a dénoncé le fait que pour la première fois dans l’histoire on ait confié à des experts le soin de fabriquer une liturgie.

    L’herméneutique de la continuité ne va pas sans une « autocritique du christianisme moderne ».

  • Spe salvi

    Nous avons été sauvés par l’espérance. C’est par cette citation de saint Paul que le pape Benoît XVI commence sa deuxième encyclique, publiée ce jour. Un texte très personnel, typique de Joseph Ratzinger. On y trouve de la philosophie, de la théologie, de l’exégèse, de la patristique, et un grand souci pastoral. Ces divers pôles ne sont jamais mélangés, mais distincts et reliés.

    Qu’est-ce que l’espérance ? Le pape nous donne la réponse de la Sainte Ecriture , telle qu’elle apparaît dans les épîtres, où l’espérance est très liée à la foi, au point de lui être équivalente. Puis il donne longuement en exemple la vie de sainte Joséphine Bakhita, la petite esclave du Darfour devenue religieuse... Douce coïncidence : j’avais écrit un article sur elle dans Reconquête l’an dernier...

    Il est impossible ici de donner une idée précise de cette très riche encyclique. Signalons seulement que le pape fait le tour de la question, en rappelant la foi de l’Eglise dans un langage de notre temps, en précisant de façon tout à fait remarquable ce qu’est la vie éternelle, ce qu’est le purgatoire, ce qu’est l’enfer, ce qu’est le Jugement (les « fins dernières » si souvent escamotées ces dernières décennies, et qui prennent ici un relief saisissant).

    Il évoque aussi, en profondeur, la profanation de l’espérance, de la Révolution française à la révolution communiste, au fil d’une réflexion sur la raison et la liberté, qui devient ensuite une réflexion sur le progrès.

    Et la dernière partie de l’encyclique examine quels sont les lieux d’apprentissage de l’espérance : la prière, l’agir, la souffrance, le Jugement. Le texte se termine par une superbe prière à Marie, étoile de la mer et mère de l’espérance, composée comme l'un des grands psaumes du salut d'Israël, et digne d'un père de l'Eglise.

    On remarque au passage que le pape réhabilite la dévotion qui consiste à « offrir » nos petites peines quotidiennes. On remarque aussi qu’il ouvre le chapitre sur la vie éternelle en se référant à l’ancien rite du baptême, celui de la « forme extraordinaire », soulignant l’importance du dialogue initial, qui a été supprimé dans le nouveau rituel (– Que demandez-vous à l’Eglise ? – La foi. – Et que vous donne la foi ? – La vie éternelle.) Il y a longtemps déjà, dans Les principes de la théologie catholique, en 1985, Joseph Ratzinger évoquait ce point... Aujourd’hui, dans une encyclique, il insiste sur l’enseignement essentiel que donnait l’ancien rituel et que le nouveau ne donne pas.

    On remarquera enfin la grande leçon d’exégèse sur le premier verset du ch. 11 de l’Epître aux Hébreux, qui est en quelque sorte le moteur de l’encyclique : « La foi est l’hypostasis des biens que l’on espère, la preuve des réalités que l’on ne voit pas. » Et à ce propos il en dénonce la traduction allemande, approuvée par les évêques, et qui « ne donne pas le sens du texte » et qui est, ajoute-t-il en citant un théologien allemand, « insoutenable ».

    Je signale ceci à l’intention de mes lecteurs qui s’offusquent lorsque j’ose critiquer certaines traductions des textes que l’épiscopat français nous impose. C’est le pape lui-même qui le fait ici, et dans une encyclique.

  • Coïncidence

    Le Vatican a publié aujourd’hui le message du pape Benoît XVI pour la journée mondiale du migrant et du réfugié, le 13 décembre.

    On peut y lire notamment :

    « Chers jeunes migrants, préparez-vous à construire, aux côtés des jeunes gens de votre âge, une société plus juste et fraternelle, en accomplissant scrupuleusement et sérieusement vos devoirs vis-à-vis de vos familles et de l’Etat. Soyez respectueux des lois et ne vous laissez jamais emporter par la haine et la violence. Cherchez plutôt à être dès à présent les artisans d’un monde où règnent la compréhension et la solidarité, la justice et la paix. »

    L’AFP souligne que « ce message préparé à l'avance en collaboration avec le conseil pontifical pour la pastorale des migrants, est publié alors que la France connaît un regain de tensions dans ses banlieues déshéritées, où vivent de nombreux jeunes immigrés ou fils d'immigrés victimes du chômage ».

    Tout de même, il faudrait savoir s’il s’agit de pauvres immigrés, comme on le dit ici, ou de Français à part entière, comme on le prétend par ailleurs…

  • Ce que signifie être cardinal

    Voici de brefs extraits des propos du pape Benoît XVI lors de la cérémonie au cours de laquelle il a créé 23 nouveaux cardinaux :

    « Soyez des apôtres de Dieu qui est Amour et des témoins de l’espérance évangélique : voilà ce que le peuple chrétien attend de vous. Chacun de nos gestes et chacune de nos paroles doivent être caractérisés non pas par la recherche du pouvoir et du succès mais par l’humble don de soi pour le bien de l’Eglise. »

    « Lorsque vous entrez dans le Collège cardinalice, le Seigneur vous demande et vous confie le service de l’amour : l’amour pour Dieu, l’amour pour son Eglise, l’amour pour vos frères avec un don de soi maximum et inconditionné, usque ad sanguinis effusionem, selon la formule pour l’imposition de la barrette et comme le montre la couleur rouge des vêtements que vous portez. »

    « La vraie grandeur chrétienne, en effet, ne consiste pas dans le fait de dominer mais de servir. »

    « La plus grande révélation de Dieu possible en ce monde, se produit en Jésus crucifié, parce que Dieu est amour, et la mort de Jésus sur la croix est le plus grand acte d’amour de toute l’histoire. »

    Le pape a précisé que sur l’anneau remis aux nouveaux cardinaux « est précisément représentée la crucifixion » : « Ceci, chers frères nouveaux cardinaux, sera toujours pour vous une invitation à vous souvenir de quel Roi vous êtes les serviteurs, sur quel trône Il a été élevé et comment il a été fidèle jusqu’au bout pour vaincre le péché et la mort avec la force de la divine miséricorde. La mère Eglise, épouse du Christ, vous donne cette insigne comme mémoire de son Epoux, qui l’a aimée et s’est donné pour elle. Ainsi, le fait de porter l’anneau cardinalice est un constant rappel à donner votre vie pour l’Eglise. »

  • Œcuménisme : la réunion et ce que l’on en dit

    Hier après-midi, une dépêche de l’AFP était intitulée : Œcuménisme : les cardinaux veulent éviter de “blesser les sensibilités“.

    Et en voici les quatre premiers paragraphes :

    Les cardinaux réunis autour du pape vendredi au Vatican sur l’œcuménisme ont estimé que l'Eglise catholique doit éviter de "blesser la sensibilité des autres chrétiens", selon un communiqué publié dans la journée.

    Les cardinaux ont "parlé de l'engagement de poursuivre la +purification de la mémoire+ (de l'Eglise catholique) et d'user de formes de communications attentives à ne pas blesser la sensibilité des autres chrétiens", indique le communiqué.

    Cette formulation laisse supposer que des critiques ont été exprimées sur un récent document du Vatican affirmant que l'Eglise catholique était "la seule véritable Eglise du Christ".

    Ce document de la Congrégation pour la doctrine de la foi publié le 10 juillet dernier avait jeté le trouble chez les protestants.

    Naturellement, dans le Monde, Henri Tincq conclut ainsi son article :

    Les cardinaux ont tenté de déterminer un code de bonne conduite. Soit une nouveauté pour des catholiques accusés d'arrogance comme dans ce document de juillet 2007 de la congrégation pour la doctrine de la foi répétant que l'Eglise catholique était "la seule véritable Eglise du Christ", qui avait irrité les Eglises protestantes en particulier.

    Désavouant ses collègues de l'ex-Saint-Office, le cardinal allemand Walter Kasper a jugé "souhaitable" de revoir "la forme, le langage et la présentation au public de telles déclarations". Ce souci a été pris en compte par les cardinaux qui ont souligné la nécessité "d'user de formes de communication attentives à ne pas blesser la sensibilité des autres chrétiens".

    Son homologue italien Marco Tosatti insiste lui aussi sur ce point, et plus encore sur la purification de la mémoire. Il met les propos dans la bouche du cardinal Kasper, et il y voit carrément une nouvelle orientation donnée par Benoît XVI… Ce qui est proprement absurde.

    On lira l’article de Tosatti et les commentaires qui s’imposent sur le site Benoît et moi. (Auparavant il y a un autre article sur la réunion. Voir aussi l'article d'Eucharistie miséricordieuse.)

    Rappelons que cette réunion s’est tenue à huis clos. On n’en sait donc que ce que les protagonistes ont voulu dire à la presse. Et ce que la salle de presse du Saint-Siège a publié, à savoir le communiqué évoqué par l’AFP.

    Ce communiqué dit, au détour d’une phrase, après avoir donné les grandes lignes de l’intervention du cardinal Kasper, qu’au cours de la discussion qui a suivi on a parlé, notamment, de la doctrine sociale de l’Eglise, de l’engagement à poursuivre la purification de la mémoire, d’user de formes de communication attentives à ne pas blesser la sensibilité des autres chrétiens.

    Dans le cours du communiqué, ces précisions n’attirent pas particulièrement l’attention, et on peut y souscrire. Sauf si on leur donne l’interprétation qu’en font l’AFP, Tincq et Tosatti.

    Mais il est probable que l’auteur du communiqué a écrit cela à dessein, en sachant ce qui en serait fait. Les cardinaux qui critiquent les documents réaffirmant ce qu’est l’Eglise catholique face aux autres confessions chrétiennes ont le bras long, qui s’étend jusqu’à la salle de presse…

  • Saint Aphraate le Perse

    Le pape Benoît XVI a consacré hier sa catéchèse, dans le cadre de son enseignement sur les pères de l’Eglise, à saint Aphraate, un père syriaque de Mésopotamie. J’avoue que je n’en avais jamais entendu parler. A lire sur Zenit. Voici le paragraphe sur l’humilité :

    Pour Aphraate, la vie chrétienne est centrée sur l'imitation du Christ, sur le fait de prendre son joug et de le suivre sur la voie de l'Evangile. Une de! s vertus qui s'adapte le mieux au disciple du Christ est l'humilité. Celle-ci n'est pas un aspect secondaire dans la vie spirituelle du chrétien : la nature de l'homme est humble, et c'est Dieu qui l'exalte pour sa propre gloire. L'humilité, observe Aphraate, n'est pas une valeur négative : « Si la racine de l'homme est plantée dans la terre, ses fruits croissent devant le Seigneur de la grandeur » (Démonstrations 9, 14). En restant humble, même dans la réalité terrestre dans laquelle il vit, le chrétien peut entrer en relation avec le Seigneur : « L'humble est humble, mais son cœur s'élève à des hauteurs éminentes. Les yeux de son visage observent la terre et les yeux de l'esprit, les hauteurs éminentes » (Démonstrations 9, 2).

  • Une rencontre « historique »

    Je pense qu’il convient de signaler la rencontre au Vatican, hier, entre le roi Abdallah d’Arabie et le pape Benoît XVI, qualifiée, non sans raisons, d’historique, notamment dans les pays arabes, sans qu'on puisse dire précisément en quoi elle l'est ou peut l'être.

    L’Arabie saoudite et le Vatican n’ont pas de relations diplomatiques. Mais le roi Abdallah a également rencontré le cardinal secrétaire d’Etat Tarcisio Bertone et son secrétaire pour les relations avec les Etats, Mgr Mamberti. Et le Saint-Siège a publié un communiqué, ce qui est exceptionnel :

    « La rencontre a donné l’opportunité de considérer les questions qui tiennent à cœur aux deux parties. En particulier, a été réitéré l’engagement en faveur du dialogue interculturel et interreligieux, visant à la cohabitation pacifique et fructueuse entre les hommes et les peuples, ainsi que l’importance de la collaboration entre chrétiens, musulmans et juifs, pour la promotion de la paix, de la justice et des valeurs spirituelles et morales, spécialement pour soutenir la famille ».
    « Les autorités du Vatican ont exprimé leurs vœux pour la prospérité de tous les habitants du pays, et mention a été faite de la présence positive et industrieuse de chrétiens. »

    « Enfin, il y a eu un échange de vues sur la situation au Proche Orient, et sur la nécessité de trouver une solution juste aux conflits qui affectent la région, spécialement celui entre Israéliens et Palestiniens. »

    On remarque la mention du soutien à la famille, qui fait allusion aux conférences internationales où le Saint-Siège se retrouve avec les pays musulmans contre les tenants de la culture de mort.

    On remarque aussi la mention de la présence positive et industrieuse de chrétiens en Arabie saoudite, avec cette formulation impersonnelle, « mention a été faite », ou « on a fait mention », qui implique que « les autorités du Vatican » en ont parlé, et que le roi d’Arabie a au moins écouté sans contester.

    Cela est peut-être le plus « historique », dans la mesure où le royaume saoudien est tout entier considéré comme une mosquée, où il ne peut donc pas y avoir officiellement de chrétiens (c’est pourquoi ils n’ont strictement aucun droit).

    Cela dit, on peut être perplexe devant le cadeau offert par le roi au pape : un grand glaive en or orné de pierres précieuses. Quand on connaît l’importance et la symbolique du glaive en islam, je ne peux m’empêcher de trouver que cela ressemble aux petits cercueils envoyés par la mafia...