Hier c’était le quatrième centenaire du martyre de Josaphat Kouncevitch. Ci-dessus son portrait officiel pour sa canonisation en 1867.
Archevêque grec-catholique de Polotsk en 1618, il fut un évêque modèle et continua une vie quasi monastique, mais il était d’une grande violence envers les orthodoxes qu’il persécutait assidument. En 1622 il fit fermer toutes les églises orthodoxes de Vitebsk ; en octobre 1623 il fit emprisonner un prêtre orthodoxe qui continuait de célébrer clandestinement, puis il vint dans la ville, où il avait une résidence, en « visite pastorale ». Son arrivée déclencha une émeute populaire, au cours de laquelle il fut tué, son palais saccagé, son corps jeté à la rivière. En janvier 1624, la commission présidée par le prince Sapieha, sous la pression du pape, condamna à mort 93 personnes, de nombreuses autres furent bannies et leurs propriétés confisquées. L’hôtel de ville et les églises orthodoxes furent détruites, et cela signa la fin, pour l’heure, des orthodoxes en Lituanie (ce qui comprenait la Biélorussie actuelle, dont Polotsk et Vitebsk, et l’Ukraine actuelle jusqu’à Zaporojié). D’une certaine façon, Josaphat Kouncevitch avait gagné. Mais pas sans dégâts…
En mars 1622, donc huit mois avant l’émeute de Vitebsk, le prince Sapieha, chancelier et général de Lituanie, qui sera intraitable avec les responsables du meurtre comme on vient de le voir, avait écrit à Josaphat une lettre où il condamnait fermement les agissements de l’archevêque :
Par l'abus de votre autorité et par vos actions, qui trouvent leur origine plutôt dans la vanité et la haine personnelle que dans la charité envers vos voisins, et qui sont contraires aux lois de notre pays, vous avez allumé ces dangereuses étincelles qui peuvent produire un feu dévorant. L'obéissance aux lois du pays est plus nécessaire que l'union avec Rome. Une propagation inconsidérée de l'union porte atteinte à la majesté du souverain. Il est juste de travailler à ce qu'il n'y ait qu'une seule bergerie et un seul pasteur ; mais il faut aussi travailler avec réflexion, et ne pas appliquer le coge intrare, qui est contraire à nos lois. L'union générale ne peut être favorisée que par la charité, et non par la force, et il n'est donc pas étonnant que votre autorité rencontre de l'opposition. Vous m'informez que votre vie est en danger ; mais je pense que c'est votre propre faute. Vous me dites que vous devez imiter les anciens évêques par les souffrances ; l'imitation des grands pasteurs est en effet louable, et vous devriez imiter leur piété, leur doctrine et leur douceur. Lisez leur vie, et vous ne trouverez pas qu'ils aient porté des accusations devant les tribunaux d'Antioche ou de Constantinople, tandis que toutes les cours de justice sont occupées par vos poursuites. Vous dites que vous devez chercher à vous défendre contre les agitateurs ; le Christ, persécuté, n'a pas cherché à se défendre, mais il a prié pour ses persécuteurs : vous devriez agir de même, au lieu de répandre des écrits injurieux ou de proférer des menaces dont les apôtres n'ont pas laissé d'exemple. Votre Sainteté suppose qu'il vous est permis de dépouiller les schismatiques et de leur couper la tête ; les Évangiles enseignent le contraire. Cette union a produit de grands maux ; vous faites violence aux consciences, et vous fermez les églises, de sorte que les chrétiens périssent comme des infidèles, sans culte et sans sacrements. Vous abusez de l'autorité du monarque, sans même avoir demandé la permission d'en faire usage. Quand vos procédés causent des troubles, vous nous écrivez directement qu'il faut bannir les opposants à l'union ; à Dieu ne plaise que notre pays soit déshonoré par de pareilles énormités. Qui avez-vous converti par vos sévérités ? Vous vous êtes aliéné les Cosaques jusqu'alors fidèles ; vous avez transformé des moutons en chèvres ; vous avez attiré le danger sur le pays, et peut-être même la destruction sur les catholiques. L'union n'a pas produit de joie, mais seulement de la discorde, des querelles et des troubles. Il aurait mieux valu qu'elle n'ait jamais eu lieu. Maintenant, je vous informe que, sur ordre du roi, les églises doivent être ouvertes et rendues aux Grecs, afin qu'ils puissent célébrer le service divin. Nous n'interdisons pas aux Juifs et aux Mahométans d'avoir leurs lieux de culte, et pourtant vous fermez les temples chrétiens. Je reçois de toutes parts des menaces de rupture de tout lien avec nous. L'union nous a déjà privés de Starodub, de Severia et de bien d'autres villes et forteresses. Prenons garde que cette union n'entraîne votre destruction et la nôtre.