Dans le motu proprio appelé par antiphrase (ou moquerie) Traditionis custodes, François affirme, article 1, que les livres liturgiques promulgués par Paul VI et Jean-Paul II « sono l’unica espressione della lex orandi del Rito Romano » : sont la seule et unique expression de la lex orandi du Rite romain (il n’y a toujours pas de version française, ni d’original latin, de ce texte…)
Ce qui contredit frontalement l’article 1 du motu proprio de Benoît XVI : le missel promulgué par saint Pie V « doit être considéré comme expression extraordinaire de la même lex orandi de l’Église et être honoré en raison de son usage vénérable et antique ».
Que cela soit bien clair, nous ne pouvons pas considérer les nouveaux livres liturgiques comme l’unique expression de la lex orandi. Parce que ce n’est pas l’expression de la lex orandi telle que la liturgie l’a enseignée depuis toujours. Telle qu’elle se trouve dans tous les livres que nous avons, tous les livres catholiques les plus anciens que nous avons, tant en Orient qu'en Occident.
Telle qu’elle se retrouve dans la collecte de la fête de saint Albert le Grand, par exemple. Une collecte qui n’est pas ancienne, qu’elle date de la béatification (1632) ou de la canonisation (1931) du savant dominicain, mais qui est dans le droit fil de toute la tradition catholique, alors que celle des nouveaux livres liturgiques, comme des dizaines d’autres, est imprégnée par les idéologies qui ont colonisé l’Eglise, de la volonté formelle et explicite de ceux qui ont fabriqué ces oraisons.
La collecte traditionnelle, d’esprit vraiment traditionnel, dit que saint Albert est grand parce qu’il a soumis la sagesse humaine à la foi divine (conformément à l’enseignement de saint Paul et des Pères), et demande à Dieu de nous permettre de jouir de la parfaite lumière dans les cieux si sur terre nous suivons ses traces, donc si nous soumettons la sagesse humaine à la lumière de la foi ; si nous respectons la hiérarchie de la sagesse : la science a besoin de la raison, la raison a besoin de la foi. C’est la hiérarchie de l’université, qui se mettait en place à l’époque de saint Albert : sciences profanes, philosophie, théologie, dans l’unité de la vérité.
La nouvelle collecte est tout autre. Elle dit que saint Albert est grand parce qu’il a su « concilier » la sagesse humaine et la foi divine, et non plus soumettre l’une à l’autre. Il n’y a plus de hiérarchie. La foi n’est plus supérieure à la sagesse humaine. Elles sont sur le même plan, comme dit le verbe latin (componere), et elles sont antagonistes, comme le laisse entendre la traduction qui aggrave toujours le texte latin (cela aussi était prévu par les fabricants).
Et puisque tout est sur le même plan, il n’y a donc plus de montée vers le ciel. La perspective de la « lumière parfaite » dont nous jouirons est carrément supprimée. Nous demandons à Dieu de mieux le connaître et l'aimer « à travers nos progrès dans les sciences » !
« Progressus ». Un mot qui ne se trouve dans aucune oraison traditionnelle. Mais il fallait bien le placer dans la néo-liturgie… progressiste. En se faisant patronner par saint Albert le Grand de façon frauduleuse.
L’oraison traditionnelle :
Deus, qui beátum Albértum Pontíficem tuum atque Doctórem in humána sapiéntia divínæ fídei subiiciénda magnum effecísti : da nobis, quǽsumus ; ita eius magistérii inhærére vestígiis, ut luce perfécta fruámur in cælis.
Traduction littérale :
Dieu, qui avez fait grand le bienheureux Albert, votre évêque et docteur, en ce qu’il a soumis la sagesse humaine à la foi divine: donnez-nous, nous vous le demandons, de suivre les traces de son magistère, afin que nous puissions jouir de la lumière parfaite dans les cieux.
L’oraison nouvelle :
Deus, qui beátum Albértum epíscopum in humána sapiéntia cum divína fide componénda magnum effecísti, da nobis, quǽsumus, ita eius magistérii inhærére doctrínis, ut per scientiárum progréssus ad profundiórem tui cognitiónem et amórem perveniámus.
Traduction officielle :
Tu as voulu, Seigneur, que saint Albert mérite le nom de grand pour avoir su concilier sagesse humaine et foi divine, accorde-nous, à l'école d'un tel maître, à travers nos progrès dans les sciences, de mieux te connaître et de t'aimer davantage.