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Saint Grégoire le Thaumaturge

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Extrait du « discours » de saint Grégoire de Nysse « sur la vie et les miracles de notre père parmi les saints Grégoire le Thaumaturge » (ch. IV)

Comme de tels miracles, en se répandant partout dans la région, étaient considérés comme l'œuvre de la puissance de la foi au Christ, tous désiraient participer de cette foi dont témoignaient de tels miracles, et en tout lieu la prédication progressait, le mystère était agissant et le zèle pour le bien s'étendait, car le sacerdoce était institué chez tous, pour que, par tous les moyens, la foi s'étende et s'accroisse. Aussi une ambassade venant d'une ville voisine se rend auprès de lui pour qu'il vienne chez eux et y constitue une église grâce au sacerdoce; Comane est le nom de cette ville, où tous ensemble demandaient que le Grand fût leur hôte.

S'étant donc rendu chez eux, il y passa quelques jours et enflamma davantage encore, par ce qu'il disait et ce qu'il faisait, leur désir pour le mystère. Lorsqu'il fut temps de mettre un terme à ce qui avait motivé leur ambassade et de désigner quelqu'un comme grand prêtre de leur église, les avis de tous les magistrats se portaient vers ceux qui semblaient l'emporter par l'éloquence, la noblesse et les autres qualités en vue; ils estimaient, puisque ces qualités se trouvaient aussi chez le Grand Grégoire, qu'aucune d'elles ne devait manquer à qui obtiendrait cette grâce. Mais comme ils étaient fort divisés dans leurs suffrages, les uns préférant un tel, les autres tel autre, le Grand attendait qu’un conseil lui vienne de Dieu sur cette question. Et de même qu’on rapporte que Samuel, dans le choix d'un roi, ne se laissa pas influencer par la beauté du corps et sa prestance, mais chercha à découvrir une âme royale même dans un corps dont on ne faisait point cas, de la même façon celui-ci aussi, sans prendre en considération ce dont on se préoccupait pour chacun des candidats, ne considérait qu'une seule chose – si quelqu'un, même avant sa proclamation, portait le sacerdoce dans sa manière d'être, par son mode de vie et sa vertu.

Comme ils lui présentaient leurs candidats, chacun proposant le sien avec des louanges, lui les exhortait à prendre aussi en considération ceux qui étaient d'une situation plus modeste, car il était possible, même parmi de telles gens, de trouver quelqu'un qui, par la richesse de son âme, serait supérieur à ceux que leur condition mettait davantage en vue. Un de ceux qui présidaient à l'élection jugea insultant et impertinent un pareil jugement du Grand – que certains parmi les artisans puissent être jugés plus dignes d'une telle grâce alors qu'aucun de ceux qui avaient été préférés aux autres pour son éloquence, sa dignité et le témoignage manifeste de sa vie ne soit admis au sacerdoce. S'approchant de lui, il dit avec ironie : «Si tu ordonnes cela, que soient dédaignés de telles gens, qui ont été choisis par toute la ville, et que soit choisi pour présider au sacerdoce quelqu'un de la lie du peuple, c'est le moment pour toi d'appeler au sacerdoce le charbonnier Alexandre; en transférant sur lui (nos voix), s'il te semble bon, accordons-nous les uns les autres dans nos votes, tous les citoyens de la ville». Cet homme parlait ainsi pour rejeter son avis, en critiquant par l'ironie de ce vote l'absence de jugement dont on faisait preuve envers les précédents. Mais à ces paroles, il vient à l'idée du saint que ce n'était pas sans une inspiration divine qu'Alexandre ait été mentionné par les votants. «Quel est, dit-il, cet Alexandre dont vous avez fait mention ?

Alors un des présents fit introduire, sous les rires, celui dont on avait fait mention, vêtu d'habits crasseux, et pas même sur tout le corps, dont les mains, le visage et tout le corps, tout noirs de la fumée du charbon, montraient clairement le métier. Pour les autres, cet Alexandre, debout au milieu d'eux, était un objet de risée; mais à l’œil perspicace de celui-ci, ce qu'il voyait apportait une grande surprise : un homme vivant dans une extrême pauvreté et insoucieux de son corps qui regardait en lui-même et semblait s'enorgueillir de cette apparence, qui était risible à des yeux non avertis. Il en était ainsi en effet : ce n'est pas parce qu'il était forcé par la pauvreté qu'il avait adopté un tel mode de vie, mais l'homme était un philosophe, [comme le montra sa vie
par la suite. Il s'appliquait à demeurer caché,] supérieur qu'il était à l'heureux sort tel que le recherchent la plupart, tenant la vie pour rien et ayant le désir de la vie plus haute, la vie véritable. Pour atteindre au mieux le but de la vertu, il avait imaginé de rester caché en adoptant la plus vile des occupations, se dissimulant comme sous un masque hideux. Autrement dit : alors qu'il était dans la fleur de sa jeunesse, il jugea dangereux, pour le but (qu'il se fixait) de la chasteté, de laisser paraître la beauté de son corps, comme s'il tirait gloire des heureux dons de la nature. Il savait en effet qu'une telle situation avait été pour beaucoup une occasion de grave chute. Afin donc de ne rien subir de ce qu'il ne voulait pas et de ne pas être pour des yeux étrangers un objet de passion, il s'applique volontairement, comme un masque hideux, la fabrication du charbon; grâce à elle, il exerçait son corps à la vertu par des travaux fatigants et il dissimulait sa beauté sous la saleté des charbons; en même temps, il se servait de ce qu'il retirait de ses travaux pour observer les commandements.

Aussi, quand, l'ayant fait sortir de l'assemblée, il eut appris avec précision tout ce qui le concernait, il le confie à son entourage en lui prescrivant ce qu'il fallait faire. Lui-même, regagnant l'assemblée, instruisait à partir de la situation présente ceux qui étaient réunis, leur tenant des discours sur le sacerdoce et leur exposant par ce moyen la vie selon la vertu. Il fit durer de tels discours et retient l'assemblée jusqu'à ce que ses serviteurs, ayant accompli ce qu'il leur avait prescrit, revinssent; ils avaient avec eux Alexandre, qu'ils avaient nettoyé par un bain de la saleté de la suie et revêtu des habits du Grand – c'est en effet cela qu'il leur avait ordonné de faire. Comme tous s'étaient tournés vers Alexandre et restaient stupéfaits devant ce spectacle, le
maître leur dit : «Il ne vous est arrivé rien d'étonnant lorsque vous avez été trompés par le jugement de vos yeux et avez confié le jugement du bien à la seule sensation. La sensation, qui par elle-même empêche d'avoir accès à la profondeur de la pensée, est un critère peu sûr pour juger de la vérité des êtres. En même temps, il était agréable à l'ennemi de la piété, le démon, de laisser inemployé le vase de choix (Ac 9,15), caché par l’ignorance, et de ne pas mettre en avant celui qui devait détruire sa propre autorité».

En disant cela, il consacre cet homme à Dieu par le sacerdoce, l’ayant rendu parfait par la grâce de la manière requise par la loi. Comme tous avaient les yeux fixés sur le nouveau prêtre, Alexandre, sollicité de faire un discours à l'assemblée, montra aussitôt, dans les débuts de son gouvernement, que le jugement porté sur lui par Grégoire n'avait pas été une erreur, car son discours fut plein d'intelligence, bien que moins orné des fleurs de la rhétorique. Aussi un jeune insolent, originaire d'Attique établi chez eux, se moqua du manque d'élégance du discours, parce qu'il n'était pas embelli par les raffinements attiques. On dit qu'il s'en corrigea à la suite d'une vision divine, ayant vu une troupe de colombes qui resplendissaient d'une beauté extraordinaire et il avait entendu quelqu'un dire que c'étaient les colombes d'Alexandre, dont il s'était moqué.

Laquelle des deux choses faut-il le plus admirer ? Que l'homme n'ait pas été impressionné par le vote des dignitaires et qu'il ne se soit pas laissé influencer par le témoignage de gens importants, ou plutôt la richesse qui se cachait sous les charbons, dont le témoignage de Dieu confirma aussitôt le jugement droit par la vision du rhéteur ? Il me semble que ces deux choses sont telles par elles-mêmes qu'elles rivalisent l'une l'autre, et il s'en faut de peu qu'elles ne l'emportent sur toutes celles qui ont été mentionnées comme des miracles. S'opposer au désir des gens importants fut le signe le plus évident d'une pensée ferme et supérieure : par elle, il voyait toutes les apparences selon le monde de manière égale, qu'elles soient les plus élevées et les plus remarquables ou qu'elles soient humbles et sans éclat. En donnant la préférence à la seule vertu et en estimant qu'il n'y avait rien de méprisable sinon la vie dans le vice, il tenait pour rien tout ce qui est jugé digne d'être recherché ou méprisé selon cette vie. Cela certes, il est démontré qu’il le fit alors, car en cherchant à trouver ce qui est agréable à Dieu, il n'a pas considéré comme capables de rendre témoignage la richesse, la dignité et l'éclat selon ce monde, toutes choses dont aucune n'a été comptée par la parole divine au nombre des biens.

Aussi n'est-il pas seulement digne de louange et d'admiration qu'il n'ait pas accepté les manœuvres des dirigeants, mais qu'il se soit dépassé lui-même par l'action accomplie. Celui qui refuse un vote inacceptable sans proposer une autre solution a empêché un mal, mais il n'a pas fait ce qui est bien. Mais celui qui, pour ne pas consentir au pire, a trouvé la bonne action, a parfaitement accompli le bien : il n'a pas permis l'accès au mal et a amené le bien à être actif. Ainsi c'est de ces deux manières que le Grand a été un bienfaiteur pour la ville, en écartant d'eux les fautes qu'ils commettaient par ignorance et en manifestant par lui-même le bien qui se trouvait caché chez eux.

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