Offertoire
Par les moines de Solesmes, sous la direction de dom Gajard, 1930 :
Meditábor in mandátis tuis, quæ diléxi valde : et levábo manus meas ad mandáta tua, quæ diléxi.
LE TEXTE
Je méditerai tes préceptes que j’aime tant ;
Et je lèverai mes mains vers tes lois, que j’aime. Ps. CXVIII, 47-48.
Le Psaume CXVIII est le Psaume de la fidélité à la Loi divine. Ces deux versets disent, d’une façon très simple, l’amour de l’âme pour la volonté du Seigneur qui lui est manifestée soit par la loi écrite, soit par les inspirations du Saint-Esprit. L’expression Je lèverai mes mains doit être entendue comme le désir qu’a l’âme de demeurer tendue vers tout ce qui la lui fera connaître plus précise et plus détaillée, de sorte que le second verset, tout en disant la même chose, est en progression sur le premier.
Ils forment ici tous les deux une belle paraphrase de l’Évangile. Notre Seigneur nous y est montré transfiguré, entouré de Moïse, le législateur, et d’Elie, le prophète, et il est présenté par le Père comme son Fils bien-aimé qu’il faut écouter : la Loi, les Prophètes et l’Évangile ; tout l’enseignement divin. L’Eglise chante sa joie de l’avoir ainsi concentré dans le gloire du Christ, et le désir qu’elle sent grandir en elle de le méditer et d’en vivre.
LA MÉLODIE
Elle est composée de deux phrases d’ossature semblable, la seconde développant la première comme dans les offertoires Jubilate, à la manière d’une variation.
Une première idée sur in mandátis est reprise, développée et trois fois répétées dans la seconde phrase : et levábo mánus méas ad mandáta. C’est le motif de la méditation.
Une seconde idée sur quæ diléxi est, elle aussi reprise, et développée sur les mêmes mots, dans la seconde phrase. C’est le motif de l’amour.
Sur cette construction si parfaitement ordonnée, un chant exquis de contemplation, de conversation intime et tendre. L’âme chante pour Dieu seul, sans souci de se faire entendre de quiconque d’autre. Elle ne lui demande rien ; elle lui parle. Elle lui dit, dans un sentiment d’admiration extasiée et d’amour ardent, ce que le récit évangélique a éveillé en elle. C’est tout.
Toute la paix heureuse dont elle est remplie se trouve dans l’intonation où est esquissé déjà le motif de la méditation. Il prend toute sa forme sur in mandátis, une ligne toute simple qui ondule en broderies légères et qui s’infléchit vers la tonique pour finir ; admiration mêlée de tendresse, d’une tendresse toutefois qui ne se livre pas encore. Mais voici le mot de l’amour : quæ diléxi. L’amour est actif ; il soulève l’âme qui cette fois se laisse aller à la joie sur un rythme ravissant de grâce légère, avant de mettre sa ferveur sur le dernier mot, válde, si expressif de tout ce qui ne peut pas se dire (1).
Mêmes sentiments dans la seconde phrase ; ils sont seulement plus accentués. Rien ne s’oppose à ce qu’on voit dans les longues tenues répétées de levábo mánus méas comme une description des mains levées ; mais elles sont surtout l’expression du désir sans cesse renouvelé et toujours le même. Le quæ diléxi, si pénétré de joie dans la première incise, s’achève en un balancement nuancé d’une teinte de mélancolie qui dit bien le désir insatisfait de l’amour qui ne possède pas encore son objet mais qui y tend de toutes ses forces.
Dom Ludovic Baron
(1) Ce mot se trouvait dans certains psautiers ; on trouvait aussi nimis (psautier romain) ou vehementer, trois mots exprimant le sphodra du psautier grec de la Septante. Mais saint Jérôme le considérait comme « superflu » (par rapport au texte hébreu) et le supprima. On le trouve néanmoins encore dans deux manuscrits postérieurs à la révision de saint Jérôme : le psautier de Corbie et le psautier de Lyon (note YD).
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Sur la Transfiguration en ce temps liturgique, voir ici ; et dans le contexte évangélique, ici.