L’économiste Ray Kinsella (ancien professeur à la principale école de commerce irlandaise) a publié le 30 août une tribune dans l’Irish Times, intitulée Pourquoi l’Irlande devrait sérieusement considérer un Irexit.
C’est un événement, que dans un pays dont toutes les institutions sont fanatiquement européistes, dans le journal qui est le symbole même de la pensée unique, on puisse lire un article, et solidement argumenté, sur l’opportunité et même la nécessité pour l’Irlande de quitter l’Union européenne en raison du Brexit.
L’argument principal est bien sûr celui que j’avais évoqué le 19 mai dernier : l’économie irlandaise est dépendante de l’économie britannique et les deux sont très liées à l’économie américaine, l’Irlande aurait donc tout à gagner à suivre le Royaume-Uni, alors qu’elle a tout à perdre en restant dans l’UE. Depuis lors, un rapport rédigé par un ancien diplomate irlandais, mais publié par un organisme britannique, a souligné que l’Irlande devrait « prendre sérieusement en considération » l’idée d’un retrait de l’UE. (L’Irish Times y avait brièvement fait écho.)
Ray Kinsella constate d’abord que la classe politique irlandaise « a fait de l’Union européenne le dépositaire de nos intérêts nationaux et lui a cédé ses responsabilités pour les négociations sur les relations futures avec notre voisin le plus proche et plus grand partenaire commercial ». Ce qui « n’a aucun sens ».
Il dit ensuite que « le Brexit signifie que l’Irlande, qui partage une position commune sur des questions clefs avec le Royaume-Uni, devient marginalisée, périphérique et dépendante ». Car l’UE « est un géant politique hégémonique et de plus militarisé, contrôlé par l’Allemagne et, dans une moindre mesure, par une identité d’intérêts franco-allemande ». Alors que les débats sur le Brexit auraient dû provoquer une réforme de l’UE, ce centre allemand et franco-allemand désormais débarrassé du problème va faire avancer son programme de centralisation et d’intégration sans la moindre considération pour les petits pays périphériques, dont l’Irlande.
Il conclut : « La politique, ce doit être parler de l’Irexit. En priorité. »
Pour être complet, signalons que le 6 janvier 2017, l’avocat Noel Whelan, chroniqueur à l’Irish Times, avait évoqué dans ce journal une interview de Nigel Farage à la télévision irlandaise. L’ancien chef de l’UKIP disait que si le Brexit était un succès les Irlandais seraient conduits à réexaminer leurs relations avec l’UE. Le ministre irlandais des Affaires étrangères avait immédiatement réagi en disant que c’était « fanciful thinking » : une idée chimérique, illusoire. Noel Whelan avait conclu son article en disant qu’il y a quelques années, affirmer que les Britanniques voteraient le Brexit ou que Donald Trump serait président des Etats-Unis aurait été qualifié de « fanciful thinking ».