Dans mon bréviaire, imprimé juste avant la suppression de la plupart des vigiles par Pie XII, c’est aujourd’hui la vigile de la fête des apôtres Simon et Jude. Un de ces si nombreux jours de pénitence dont nous n’avons plus besoin, bien sûr. En supprimant cette vigile on a supprimé sa messe propre (même si elle est constituée d’emprunts aux messes des martyrs), et la lecture des matines, qui est le début du sermon 80 de saint Augustin sur l’évangile de saint Jean, commentant l’évangile du jour (Jean 15 1-7) :
Cet endroit de l'Evangile, mes frères, où Notre Seigneur dit à ses disciples qu'il est la vigne et qu'ils en sont les sarments, doit s'entendre en ce sens que Jésus-Christ homme, médiateur entre Dieu et les hommes (1), est le chef de l'Eglise et que nous sommes ses membres. La vigne et ses sarments sont de même nature; c'est pourquoi, comme il était Dieu et que nous n'avons pas la nature divine, il s'est fait homme, afin que la nature humaine fût en lui comme une vigne, dont nous autres hommes nous pourrions être les sarments.
Mais que veut dire : « Je suis la vraie vigne? » En ajoutant le mot « vraie », a-t-il voulu dire qu'il se rapporte à cette vigne d'où la comparaison est tirée ? Il est en effet appelé vigne par comparaison, et non par appropriation, comme il est appelé brebis, agneau, lion, rocher, pierre angulaire et autres choses qui sont vraiment ce que leur nom signifie; mais qui, dans le cas présent, servent à établir une comparaison et non à indiquer l'existence de propriétés réelles. Aussi, quand Jésus dit : « Je suis la vraie vigne », c'est pour se distinguer de celle à qui il est dit : « Comment as-tu dégénéré jusqu'à devenir une fausse vigne (2) ? » Car peut-on dire qu'elle était une vraie vigne, celle dont on attendait du raisin et qui a produit des épines (3) ?
« Je suis la vraie vigne », dit Jésus-Christ, « et mon Père est le vigneron. Il retranchera tous les sarments qui ne portent point de fruit en moi, et il émondera tous ceux qui portent du fruit, afin qu'ils en portent davantage ». Le vigneron et la vigne sont-ils donc la même chose ? Jésus-Christ est la vigne selon la nature qui lui permet de dire : « Le Père est plus grand que moi (4) ». Mais selon la nature qui lui permet de dire : « Le Père et moi nous sommes un (5) », il est lui-même le vigneron ; non pas un vigneron comme ceux qui en travaillant ne peuvent donner que des soins extérieurs, mais un vigneron capable de donner l'accroissement intérieur. « Car ce n'est pas celui qui plante ni celui qui arrose qui est quelque chose, mais c'est Dieu qui donne l'accroissement (6) ». Or, Jésus-Christ est vraiment Dieu; car « le Verbe était Dieu », ce qui fait que le Père et lui ne sont qu'un; et si « le Verbe s'est fait chair », ce qu'il n'était pas, il est cependant resté ce qu'il était.
(1) I Tim 2, 5. (2) Jérémie 2, 21. (3) Isaïe 5, 4. (4) Jean 14, 28. (5) Jean 10, 30. (6) I Cor 3, 7.