Voici le début de l’article de l’agence Zenit sur le discours de François aux curés du diocèse de Rome, hier :
« Donne-moi la moitié de ta miséricorde » : c’est la prière faite par le père Jorge Mario Bergoglio à un vieux prêtre de Buenos Aires, connu pour son ministère de réconciliation, confesseur recherché, mort à plus de 90 ans.
Depuis, il porte dans une pochette sur son cœur la croix du chapelet de ce saint prêtre et la touche lorsqu’il a spécialement besoin d’aide pour être miséricordieux.
« Quel bien fait un prêtre miséricordieux ! » s’est exclamé le pape qui a évoqué ce vieux prêtre au terme de sa rencontre avec les prêtres et les évêques auxiliaires de son diocèse de Rome, alors que son allocution était finie et que l’on attendait la prière de l’angélus et la bénédiction finale. Le pape a voulu couronner sa rencontre par cette confidence significative.
Confidence significative ? Mais la véritable confidence est bien différente. Sans doute a-t-elle mis mal à l’aise l’équipe de Zenit, qui s’est empressée de la maquiller. Car voici la véritable confidence :
« A Buenos Aires il y avait un confesseur célèbre, il était sacramentain. Presque tout le clergé se confessait à lui. Quand, à l’une de ses visites, Jean-Paul II a demandé un confesseur à la nonciature, c’est à lui qu’il est allé. Il était vieux, très vieux. Il fut nommé provincial de son ordre, le professeur… mais toujours confesseur, toujours. Il y avait toujours la queue, là, dans l’église du Saint-Sacrement. A cette époque j’étais vicaire général et j’habitais à la curie, et chaque matin, de bonne heure, j’allais au télécopieur pour voir s’il y avait quelque chose. Et, le matin de Pâques, j’ai lu un fax du supérieur de la communauté : “Hier, une demi-heure avant la veillée pascale, est décédé le P. Aristi, à 94 – 96 ? – ans. Les funérailles auront lieu tel jour...” Et le matin de Pâques, je devais aller déjeuner avec les prêtres de la maison de retraite – je le faisais d’habitude à Pâques – puis, je me suis dit, après le repas j’irai à l’église. C’était une grande église, très grande, avec une belle crypte. Je suis descendu dans la crypte et là il y avait le cercueil, seulement deux vieilles dames qui priaient, mais aucune fleur. J’ai pensé : mais cet homme, qui a pardonné (1) les péchés de tout le clergé de Buenos Aires – et les miens aussi, mais aucune fleur… Je suis sorti et je suis allé à un fleuriste – car à Buenos Aires, aux carrefours, il y a des marchands de fleurs, dans les rues, aux endroits où il y a des gens, et j’ai acheté des fleurs, des roses… et je suis revenu, et j’ai commencé à bien préparer le cercueil avec les fleurs… Et j’ai regardé le chapelet qu’il avait à la main… Et tout à coup m’est venu à l’esprit – le voleur que nous avons tous en nous, non ? – Et alors, en arrangeant les fleurs, j’ai pris la croix du chapelet, et en forçant un peu [il mime un geste sec] je l’ai détachée. Et à ce moment-là je l’ai regardé et je lui ai dit : « Donne-moi la moitié de ta miséricorde. » J’ai senti une chose forte qui m’a donné le courage de faire cela et de faire cette prière (2). Et puis, cette croix je l’ai mise ici, dans ma poche. Les chemises du pape n’ont pas de poches, mais je porte toujours ici un petit sac de tissu, et depuis ce jour jusqu’à maintenant, cette croix est avec moi. Et quand me vient une mauvaise pensée contre quelqu’un, ma main vient ici, toujours. Et je sens (3) la grâce ! Je sens que ça me fait du bien. »
(1) Non. Si c’est le prêtre qui donne l’absolution, c’est Dieu seul qui peut pardonner les péchés (Marc 2, 7).
(2) Une prière, c’est demander la miséricorde de Dieu. Pas celle d’un homme, aussi saint soit-il. Et quand on se confesse on demande la miséricorde de Dieu, pas celle du confesseur.
(3) La grâce est spirituelle. Elle ne se ressent pas. Cette insistance sur le ressenti est étrange. Tout directeur spirituel digne de ce nom demande de ne jamais faire attention à ce que l’on peut « ressentir ». Ou bien c’est un sous-produit de la grâce dans le psychisme, ce qui est sans intérêt pour la vie spirituelle, ou bien ça vient d’ailleurs, de celui qui ne peut agir que sur le psychisme.
N.B. – François ne nous dit rien de ce qui s’est passé ensuite, quand on s’est aperçu que le crucifix du chapelet avait été volé. L’image de ce corps mis en terre avec un chapelet mutilé (un chapelet sans la croix) a quelque chose de… désagréable, pour le moins…