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  • Lundi de la quinquagésime

    La lecture des matines est le chapitre 13 de la Genèse. Abraham (qui s’appelle encore Abram) revient d’Egypte où il s’était réfugié à cause de la famine. Il était parti avec Lot, il revient avec Lot, et tous deux sont devenus extrêmement riches en or, en argent et en troupeaux. Les troupeaux continuant de s’agrandir, il commence à y avoir des conflits entre les bergers d’Abram et ceux de Lot. Abram dit à son neveu qu’ils doivent se séparer, et le laisse choisir la direction où il ira s’installer. Lot lève les yeux et voit la région du Jourdain, « comme le paradis de Dieu ou la terre d’Egypte », il choisit donc la rive du Jourdain, riche comme les rives du Nil, et va s’installer à… Sodome.

    Lemaître de Sacy commente :

    « Il est dit que Lot leva les yeux lorsqu’il prit le pays de Sodome pour sa demeure, parce qu’il ne suivit en effet en ce choix que l’attrait de ses yeux, et non la prudence de l’Esprit de Dieu. La facilité avec laquelle il se sépare de la compagnie d’un homme si saint qui lui devait être plus précieuse que sa propre vie, est une preuve qu’il n’en avait pas paru assez digne devant Dieu, par le peu d’estime qu’il en avait conçue, et le peu d’usage qu’il en avait fait. Après avoir vécu avec un homme de Dieu, qui était plutôt un ange qu’un homme, il choisit de vivre avec ceux qui étaient des démons plutôt que des hommes, et dont la demeure qui lui avait paru d’abord un paradis et un lieu de délices devint un enfer pour ses habitants, et un des exemples les plus redoutables de la manière dont Dieu doit punir un jour les plus grands crimes.

    « Tout ce qui paraît beau à l’illusion des sens est funeste à l’âme au jugement de la foi*. La beauté de la campagne, la douceur du climat, l’abondance du blé, du vin et de toute sorte de fruits, sert, comme les païens mêmes l’ont remarqué, à nourrir les vices, à entretenir le luxe et la mollesse, et à rendre l’âme esclave des sens. Au lieu que la principale dignité consiste à les assujettir à l’esprit, et à croire que son trésor et toute sa joie est dans le ciel. »

    * Exagération, par excessive généralisation, toute janséniste. Pourtant le site de Port Royal n'est ni laid ni rude...

  • Quinquagésime

    C’est le troisième et dernier dimanche avant le carême : « le troisième et dernier appel de l’Église nous invitant à nous préparer au carême », souligne dom Pius Parsch, et « le sommet de la préparation ».

    Car il y a une progression dans ces trois dimanches. Voulue pour l’enseignement des catéchumènes qui seront baptisés à Pâques. Mais évidemment valable pour tout chrétien.

    Progression dans l’histoire du salut (aux matines), à travers trois hommes : Adam, Noé, et ce dimanche Abraham. Abraham dont l’exode est figure du carême et le sacrifice de son fils figure du sacrifice du Calvaire.

    Progression dans l’enseignement de saint Paul dans les épîtres : la vie chrétienne est une course, une lutte pour la couronne ; elle est « un dur labeur, rempli de souffrances et d’efforts, de renoncements et de tentations » (c’est le récit que faisait saint Paul de ses tribulations) ; mais ce qui domine, ce qui est plus important que tout, c’est la charité.

    Progression dans l’évangile : la parabole des ouvriers à la vigne, c’est l’appel des païens à entrer dans l’Eglise ; la parabole du semeur, c’est le temps de l’instruction, des semailles de la Parole dans la bonne terre du catéchumène ; la guérison de l’aveugle de Jéricho, c’est l’annonce de l’illumination baptismale, et de la lumière de la Résurrection.

    Et pour cela, « voici que nous montons à Jérusalem », où va s’accomplir la Passion prédite par les prophètes, et la Résurrection le troisième jour. Sur le chemin, nous dirons avec l’aveugle : « Fils de David, aie pitié de moi ! ». En implorant Dieu de nous donner la foi de cet aveugle afin de pouvoir, nous aussi, voir :

    — Que veux-tu que je fasse pour toi ?
    — Seigneur, que je voie.
    — Vois ! Ta foi t’a sauvé.

    Avec ce verbe grec, sozo, qui est à la fois un terme médical utilisé pour dire “guérir”, et qui dans la langue religieuse désigne le salut éternel. Et qui est ici au parfait, comme chaque fois que Jésus prononce cette expression (ta foi t’a sauvé : 7 fois dont 4 fois dans saint Luc), alors que c’est un « temps » relativement peu fréquent, qui exprime le résultat actuel, stable et permanent d’une action terminée, et correspond donc à un présent : tu es sauvé, c’est un fait acquis. Le sens premier est « tu es guéri pour de bon », mais le fait que ce soit par la foi implique qu’il s’agit aussi du salut éternel.

  • L’ambiguïté comme enseignement

    François cultive l’ambiguïté comme aucun pape avant lui : il fait de l’ambiguïté un art oratoire. Souvent son propos paraît a priori hétérodoxe, et quand on regarde de plus près on s’aperçoit qu’on peut aussi lui donner un sens catholique, ce qui le plus souvent conduit à ne pas le commenter, puisqu’il convient de laisser au pape le bénéfice du doute…

    Cette ambiguïté vient généralement d’une omission : or, omettre un élément, ce n’est pas nier cet élément. Quoiqu’on puisse pécher par omission… Cela est à mettre en rapport avec l’un des propos récurrents de François sur le fait que « la doctrine est connue » et qu’on ne va pas passer son temps à la répéter, parce qu’il faut « aller de l’avant ». Or la doctrine n’est plus connue du tout, et aller de l’avant dans ces conditions c’est aller nulle part, ou dans le fossé.

    A des religieux latino-américains, en juin dernier, François avait même dit qu’ils ne devaient pas se préoccuper d’être en accord avec la doctrine : « Peut-être que vous recevrez même une lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais ne vous inquiétez pas, expliquez ce qu'il y a à expliquer et allez de l'avant ! »

    Il ne s’agit même plus de privilégier une pastorale hasardeuse par rapport à l’orthodoxie doctrinale, mais de suivre une praxis, dans l’acception marxiste-léniniste du terme.

    François a donné hier un exemple particulièrement spectaculaire de cette ambiguïté, dans son homélie quotidienne. Spectaculaire à cause du sujet dans le contexte actuel : le mariage, et « l’échec » du mariage… Radio Vatican l’a bien compris, qui a donné semble-t-il la totalité du texte de l’homélie, au lieu du canevas habituel orné de citations.

    Voici le propos crucial (en respectant la syntaxe très… particulière du pape) : « Quand on laisse son père et sa mère pour s’unir à une femme, ne faire qu’une seule chair et aller de l’avant et que cet amour échoue, nous devons écouter la douleur de l’échec, accompagner ces personnes qui ont subi cet échec de leur propre amour. Ne pas condamner ! Marcher de l’avant avec eux ! Et ne pas faire de casuistique avec leur situation.»

    Il convient de souligner que le pape ne fait pas ici de la sociologie. Il ne parle pas du mariage civil. Il commente l’évangile de saint Marc : 10, 1-12. Or, comme cela a été aussitôt relevé par le blog Rorate Caeli, il « oublie » de reprendre et de commenter ce qui est au cœur de la doctrine de l’Eglise sur la question et au cœur des débats actuels, et qui est un propos du Christ Fils de Dieu Verbe incarné : celui qui divorce et se remarie est un adultère, celle qui divorce et se marie avec un autre est une adultère. Ce sont les deux derniers versets.

    On omet donc cette sentence, et l’on ne parle que d’« échec de l’amour », on souligne comme d’habitude qu’il ne faut pas condamner et qu’il faut aller de l’avant, sans parler une seule fois de “sacrement”, du sacrement de mariage et de ce qu’il implique, notamment quant à « l’amour ».

    Le propos aux religieux latino-américains s’applique ici parfaitement. A ceci près que la réaction de la congrégation pour la doctrine de la foi n’est pas une possibilité à venir, mais une réalité concrète : à deux reprises le préfet de la congrégation a fermement rappelé la doctrine intangible.

    Et voici le pape qui fait une homélie sur le sujet, et qui omet ce que le Christ en dit. En bref, et l’on a déjà entendu cela en plusieurs occasions, on connaît la doctrine (que l’on ne rappellera pas), mais il faut faire preuve de miséricorde.

    On met la vérité entre parenthèses, au nom d’une miséricorde… qui est une imposture.

    Car la miséricorde sans la vérité est un mensonge. Ce n’est pas pour rien que 20 fois dans le psautier les mots “vérité” et “miséricorde” sont étroitement associés. Car “vérité” et “miséricorde” sont, ensemble, indissolublement, le résumé de toutes les voies du Seigneur (psaume 24).

    On s’achemine donc, dans l’affaire dite des « divorcés remariés », vers une mise entre parenthèses de la doctrine (qui est « connue », et qui restera intacte dans son tiroir) et une mise en œuvre de la « miséricorde » qui permet de faire tout ce que l’on veut (ce qui est déjà le cas dans nombre de diocèses), car « qui suis-je pour juger ? », et « il ne faut pas condamner ».

    Mais la doctrine dont on (ne) parle (pas) n’est pas un livre poussiéreux, c’est la vérité, donc l’accès au Royaume ; et la prétendue « miséricorde » que l’on met seule en avant occulte la voie et la rend impraticable.

    Cela dit sans préjuger de l’action du Saint-Esprit au moment des décisions.

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    Addendum

    François avait demandé au cardinal Kasper de faire un exposé sur la famille lors du consistoire. On sait que François est en « syntonie » avec Kasper, particulièrement sur le thème de la « miséricorde ». L’exposé du cardinal Kasper ne devait pas être publié. Ce qui est aujourd’hui mission impossible. Donc Il Foglio s’est procuré le texte et l’a publié. Avec un commentaire, ou plutôt une réplique, de Roberto de Mattei, dont Benoît et moi nous donne la traduction (1 et 2). Il n’y a dans tout cela aucune révélation, puisqu’il y a longtemps que l’hétérodoxe cardinal Kasper est notamment pour l’accès à l’eucharistie des « divorcés remariés », mais seulement une confirmation qu’on va vers une occultation de la doctrine catholique, ou plutôt de la Parole de Dieu, au nom d’une praxis prétendument miséricordieuse, comme le pape lui-même en a donné un exemple clair dans cette homélie.

    (Sandro Magister publie une traduction en français de l'essentiel du propos du cardinal Kasper sur les divorcés remariés.)

  • De la Sainte Vierge le samedi

    Je découvre que dans le bréviaire romain on dit aujourd’hui l’office de la Sainte Vierge (et que la messe est également celle de la Sainte Vierge le samedi), alors qu’il est bien précisé dans mon bréviaire monastique qu’on ne dit pas davantage cet office au temps de la Septuagésime qu’au temps du Carême. C’est pourquoi mon bréviaire n’a pas de lecture de cet office pour le mois de mars. Curieusement, vérifiant qu’il en était de même dans le Bréviaire monastique latin-français de 1725 auquel j’ai déjà emprunté plusieurs traductions, je découvre que ce bréviaire a bel et bien l’office de la Sainte Vierge au temps de la Septuagésime, et donc une lecture pour le mois de mars. La même (comme d’habitude) que celle du bréviaire romain : un extrait du livre de saint Irénée Contre les hérésies, livre 5, 19 :

    Lorsque le Seigneur est venu chez soi, c’est-à-dire sur la terre, et qu’il a voulu être porté par sa créature, lui qui la soutient lui-même par sa toute-puissance ; lors que pour réparer la désobéissance que l’homme avait commise en touchant à un arbre, il a voulu mourir par obéissance sur l’arbre de la croix ; enfin lors qu’il a voulu guérir les hommes des maux où les avait engagés la crédulité d’Eve, qui étant encore vierge, quoique destinée pour être l’épouse d’Adam, s’était laissé malencontreusement séduire par le démon : il a voulu pour opposer la vérité au mensonge qu’un ange annonçât un mystère véritable à une autre vierge épouse d’un homme, et cette vierge est Marie. Car comme Eve a été trompée par le discours d’un ange, et s’est éloignée de Dieu en transgressant l’ordre qu’il lui avait donné, de même l’ange a parlé à Marie, mais elle a mérité de porter Dieu en son sein par l’obéissance qu’elle a rendue à sa parole. Le serpent séduisit Eve pour lui faire abandonner Dieu ; et Marie se laissant persuader par l’ange a obéi à Dieu, et cette féconde Vierge est devenue ainsi l’avocate de la première. En sorte que comme le genre humain avait été condamné à la mort par la faute d’une vierge, il a été délivré de la mort par le mérite d’une vierge, l’obéissance de l’une a réparé la désobéissance de l’autre.

    Texte latin :

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