Dans la messe de ce jour, la première lecture nous montre Moïse montant sur la montagne pendant sept jours et demeurant sur la montagne pendant « quarante jours et quarante nuits ».
La deuxième lecture nous montre Elie marcher « quarante jours et quarante nuits » sans manger jusqu’à la montagne de Dieu.
Voici donc les deux préfigurations du jeûne du Christ qui était l’évangile de dimanche dernier. C’est l’illustration par les textes du début de l’hymne des matines du carême :
Ex more docti mystico
Servémus hoc ieiunium,
Deno diérum circulo
Ducto quater notíssimo.
Lex et prophetæ primitus
Hoc prætulérunt, postmodum
Christus sacrávit, ómnium
Rex atque factor témporum.
Remarquablement traduit par Corneille :
Instruits par une tradition mystérieuse,
gardons avec soin ce jeûne
célèbre qui parcourt le cercle
de quarante journées.
La Loi, d’avance, et les Prophètes
en ont jadis montré le sens ;
le Christ enfin l’a consacré,
lui, des temps le Maître et le Roi.
(En fait le texte parle d’un cercle de dix jours parcouru quatre fois, mais c’est bien le 40 qui importe.)
La Loi et les prophètes : Moïse et Elie. Lemaitre de Sacy le dira explicitement dans sa « traduction », qui vise à expliquer le texte latin en regard :
Jadis le grand Moïse et le brûlant Elie
L’ont par leur exemple honoré ;
Mais le Christ, qui la loi vieille à la nouvelle allie,
Le gardant, l’a rendu sacré.
Moïse et Elie, ils seront encore là dimanche prochain, en tant que personnification de la Loi et des prophètes (l’intégralité de l’ancienne Alliance) authentifiant la mission du Christ, au cours de la Transfiguration.
Quatre fois dans l’évangile de saint Matthieu, Jésus se référera à « la Loi et les prophètes » pour montrer qu’il vient accomplir l’ancien Testament. Une fois dans saint Luc, puis quatre fois il dit « Moïse et les prophètes » - ou bien saint Luc traduit « Loi » par « Moïse » pour que ce soit plus compréhensible à un public non juif.
L’évangile de ce jour est plutôt centré sur le nombre 3 que le nombre 40. Jésus évoque le « signe de Jonas » qui est le « typus Dominicæ passionis », comme dit saint Ambroise : la figure de la Passion du Seigneur, resté sous terre trois jours comme Jonas est resté trois jours dans le poisson.
Il n’en demeure pas moins que la quarantaine est encore là. Car si l’on se reporte au livre de Jonas, on voit que l’essentiel, et même la totalité, de la prédication de Jonas est : « Encore 40 jours et Ninive sera détruite. » Et les Ninivites jeûnent pendant ces 40 jours, et Ninive est sauvée…
(N.B. - Chez les bénédictins, la fête de saint Grégoire le Grand l'emporte de justesse sur la férie de carême. Une grande fête parce que saint Grégoire était moine et abbé bénédictin avant de devenir pape. Il est le père de la liturgie "grégorienne" et du chant "grégorien", et l'un des grands docteur de l'Eglise: il faut lire au moins ses homélies sur l'Evangile, aussi simples - y compris sur le plan de la langue latine - que profondes.)