Dans l’interview qu’il a accordée au Corriere della Sera, François dit ceci à propos de Benoît XVI :
« Il est discret, humble, il ne veut pas déranger. Nous en avons parlé et nous avons décidé ensemble qu'il serait mieux qu'il voit des gens, qu'il sorte et participe à la vie de l'Eglise. »
Le journaliste suisse Giuseppe Rusconi a eu la bonne réaction :
« Alors, cela veut dire que quelqu'un qui se centre sur la prière ne participe pas vraiment à la vie de l'Église ? »
En effet, Benoît XVI a choisi de rester au cœur du Vatican, au cœur de l’Eglise. Il a souligné dans son dernier discours qu’il avait accepté d’être pape « pour toujours ». Il avait précisé : « Je ne porte plus le pouvoir de la charge pour le gouvernement de l’Église, mais dans le service de la prière, je reste, pour ainsi dire, dans l’enceinte de saint Pierre. Saint Benoît, dont je porte le nom comme Pape, me sera d’un grand exemple en cela. »
Cela me fait penser à la définition que François avait donnée des religieux :
« Ce sont des hommes et des femmes qui peuvent réveiller le monde. La vie consacrée est une prophétie. Dieu nous demande de sortir du nid et d'être envoyés sur les frontières du monde, en évitant la tentation de les “domestiquer”. Telle est la façon la plus concrète d'imiter le Seigneur. »
Or parmi les religieux, et même au centre, au cœur de la vie religieuse, il y a les moines, et autres contemplatifs cloîtrés. Mais ils n’existent pas dans le discours de François. De même que la prière de Benoît XVI au cœur du Vatican n’est pas une façon de « participer à la vie de l’Eglise ». Pour participer, il faut absolument « sortir ». Seule compte la « participation active », comme à la nouvelle messe, seul compte l’activisme religieux. Saint Benoît ne compte pas : il ne fait pas partie des « religieux » selon François.
Mais l’Evangile demeure : Marie a choisi la meilleure part.
Le 18 juillet 2010, Benoît XVI commentait cette page de saint Luc :
« Marthe et Marie sont sœurs; elles ont aussi un frère, Lazare, mais qui n'apparaît pas ici. Jésus passe par leur village et le texte dit que Marthe le reçoit (cf. 10, 38). Ce détail fait penser que Marthe est la plus âgée des deux, celle qui gouverne la maison. En effet, une fois que Jésus s'est installé, Marie s'assoit à ses pieds et se met à l'écouter, tandis que Marthe est entièrement prise à s’occuper de tout, certainement en raison de l'Hôte exceptionnel. On a l'impression de voir la scène: une sœur qui s'agite affairée et l'autre comme transportée par la présence du Maître et par ses paroles. Au bout d'un moment, de toute évidence irritée, Marthe ne tient plus et proteste, en se sentant également le droit de critiquer Jésus: «Seigneur, cela ne te fait rien? Ma sœur me laisse seule m’occuper de tout. Dis-lui donc de m'aider». Marthe voudrait même enseigner au Maître! Jésus répond en revanche très calmement: «Marthe, Marthe, — ce nom répété exprime l'affection — tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part: elle ne lui sera pas enlevée» (10, 41-42). La parole du Christ est très claire: il n'y a aucun mépris pour la vie active, et encore moins pour l'hospitalité généreuse; mais il y a un rappel clair du fait que la seule chose vraiment nécessaire est une autre: écouter la Parole du Seigneur; et le Seigneur en ce moment est là, présent dans la Personne de Jésus! Tout le reste passera et nous sera enlevé, mais la Parole de Dieu est éternelle et donne un sens à nos actions quotidiennes. »
Commentaires
En effet, l'Eglise n'échappe pas au mirage du "bougisme" propre à notre époque. Pas une paroisse, pas une communauté religieuse (sauf les contemplatives justement) où le mouvement ne soit constant sous forme de pèlerinages, de camps, de vacances à thème plus ou moins spirituel, de rencontres jusqu'aux "frontières" et au-delà. Nous sommes assurés ainsi de mourir non point à genoux ou paisiblement abandonnés sur notre lit mais en plein vol vers l'inutile...
Et rajoutons qu'il n'est pas besoin de bouger pour laisser l'inutile du monde nous envahir via la télé et internet. Combien de paroisses et de communautés se sont laissées "manger" par ces instruments d'agitation car elles n'ont pas su en limiter leur usage. C'est une guerre contre la vie intérieure que mène le monde.
Est ce pour cela que François nous "sort" Benoît de son monastère ???
Ça me fait malheureusement l'impression que notre pape, très ignatien avec l'idée de contemplation dans l'action, ne comprend pas la vie contemplative en son charisme propre, et qu'il considère toutes les réalités diverses de l'Église à partir de ses petites lunettes à lui.
Cette semaine, un soir dans ma paroisse, il y avait une adoration "silencieuse" devant le Saint Sacrement, de 20 h à 23 h.... Un petit groupe de chanteurs avait été chargé "d'animer"......Ah ! ils ont été très efficaces : les "chansonnettes" modernes style Taizé ne se sont jamais arrêtées, du moins pour la durée où je suis restée...J'aurais tellement apprécié un peu de silence et décompresser coeur à coeur en adoration devant Notre Seigneur !!!
Non....certains pensent qu'il faut de l'agitation, qu'il faut distraire, sinon les pauvres personnes présentes s'ennuieraient !!!!