La mission de Jean Gualbert fut surtout dirigée contre la simonie en Toscane, et l’épisode le plus caractéristique de cette mission fut de démontrer que l’évêque Pierre de Florence avait acheté l’épiscopat ; dans ce but, il ordonna à son disciple, nommé Pierre lui aussi, de soutenir l’épreuve du feu. L’appel au jugement de Dieu fut accepté ; Pierre revêtit les ornements sacrés, célébra la messe et, ayant obtenu la bénédiction de son abbé, pénétra courageusement dans l’étroit et long chemin bordé et couvert par deux haies de fagots en feu. Il l’avait déjà traversé presque jusqu’au fond quand il s’aperçut qu’il avait perdu sa mappula que, selon l’ancien usage, il tenait à la main, au lieu de la porter attachée à son bras. Sans se troubler, Pierre retourna dans la fournaise, ramassa son manipule et, sorti sain et sauf par l’autre côté du bûcher, fut salué du nom d’Igné par le peuple joyeux. Cette scène est décrite par l’abbé du Mont-Cassin Didier (qui devint Victor III) dans son troisième livre des Miracles ; à cette époque Pierre était encore en vie et siégeait même sur le trône épiscopal d’Albano.
Saint Jean Gualbert mourut en 1073 et fut canonisé par Célestin III en 1193. Rome chrétienne lui a élevé un insigne oratoire dans le titulus Praxedis, depuis de nombreux siècles déjà confié aux soins des moines de Vallombreuse.
La messe est du commun des abbés. Seule la lecture évangélique (Matth., V, 43-48) est propre, et elle contient une allusion au pieux événement survenu dans la basilique de San Miniato à Florence, et qui décida de la conversion de saint Jean Gualbert.
En ces temps de cruelles luttes civiles, un de ses proches parents avait été tué, et un jour Jean, entouré d’une bonne escorte de compagnons armés, rencontra l’homicide. Celui-ci se vit perdu, il tomba à genoux à ses pieds, et, étendant les bras en croix, demanda son pardon par la vertu de ce signe de leur commun salut. Jean, attendri, lui fit grâce de la vie et l’embrassa ; entré ensuite dans l’église de San Miniato, il vit l’image du Crucifix qui, en signe d’agrément, inclina par trois fois la tête vers lui. Cette vision touchante acheva le travail de la grâce commencé dans son cœur puisqu’il avait pardonné à son ennemi. Jean ne voulut plus s’éloigner de cet asile de miséricorde et de paix. Ayant donc enlevé son épée de chevalier, il se coupa lui-même les cheveux et revêtit le froc monastique.